"Il y a des difficultés ou des lenteurs que les gens ne comprennent pas forcément", la question de l'inclusion des travailleurs handicapés

Physique, moteur ou psychique, le handicap peut encore aujourd'hui être mal perçu ou mal compris par les recruteurs. Si des progrès ont été faits pour favoriser l'inclusion des personnes en situation de handicap, de grands travaux restent encore à mener. Mimi et Btissam, bénévoles de l'association corse "Tous pour chacun", ont accepté de témoigner sur leur parcours.

Les personnes en situation de handicap bénéficient-elles des mêmes chances et des mêmes possibilités à l'emploi que les autres ? Selon une étude Agefiph - Ifop de décembre 2022, 67 % des recruteurs estiment que l'embauche de personnes handicapées est difficile. Des doutes émanant tant de la nature des postes proposés (71 % des recruteurs interrogés), que de la charge supplémentaire qu'ils pourraient représenter pour l'entreprise (70 % des recruteurs), ou encore de l'adaptation des lieux de travail.

Résultat, selon, la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), seules 38 % des personnes reconnues handicapées sont en emploi, soit 1,8 fois moins souvent que l’ensemble de la population (68 %).

C'est dans ce cadre, et pour lutter également contre des mauvaises perceptions ou des gênes directement liées à une méconnaissance du sujet qui pourraient subsister, qu'a été instaurée la semaine européenne pour l'emploi des personnes handicapées.

La 27ème édition se déroule du 20 au 26 novembre, et donne lieu, notamment, à l'accueil de plusieurs associations ou personnes en situation de handicap au sein d'établissements et d'entreprises, pour comprendre leur fonctionnement...et en même temps partager leur propre expérience, leur vécu, et ce qu'ils peuvent de leur côté apporter.

L'adaptation des lieux et des locaux

Des journées d'échange auxquelles l'association corse "Tous pour chacun" a participé, cette année, s'arrêtant, entre autres, dans les locaux bastiais de France 3 Corse ViaStella. Parmi les bénévoles présents, ce mercredi 22 novembre, Mimi Manuel, 35 ans.

Atteinte d'un handicap physique, elle voit sa mobilité réduite depuis la naissance. "J'ai grandi dans des instituts spécialisés, mais j'ai eu la chance d'être scolarisée dans des écoles "normales", je dirais", raconte-t-elle. Elle qui a effectué l'ensemble de sa scolarité à Ajaccio témoigne n'avoir jamais rencontré de problèmes particuliers, et avoir toujours été bien intégrée parmi ses camarades.

"J'ai grandi dans des instituts spécialisés, mais j'ai eu la chance d'être scolarisée dans des écoles "normales", je dirais"

Au cours de ses années d'études, elle valide son brevet des collèges, son BEP secrétariat, et son bac service accueil, "avec mention", précise-t-elle.

C'est en postulant pour un service civique qu'elle se trouve finalement confrontée à quelques difficultés. "La seule école qui m'a acceptée n'était pas du tout adaptée. C'était une école publique maternelle, et les classes étaient à l'étage. Toute la journée, je devais monter et descendre, monter et descendre... Mais ça a été une belle expérience avec les enfants."

L'encore trop grande méconnaissance des handicaps invisibles

Outre les handicaps physiques, il y a ceux moteurs et ceux psychiques, ceux qui peuvent être plus difficiles à cerner si la personne concernée n'en parle pas, les handicaps dits "invisibles".

Et ceci, tant par les personnes valides... que par les personnes elle-même handicapées. Mimi Manuel, par exemple, admet n'avoir appris l'existence des handicaps invisibles qu'une fois devenue bénévole au sein de l'association "Tous pour chacun". "Avant, j'ignorais que ça pouvait exister". 

Btissam Maghraoui, bénévole de l'association depuis six mois, est directement concernée. Âgée de 33 ans, elle est atteinte d'un handicap psychique et mental, relatif à un trouble de schizophrénie juvénile. Au quotidien, cela peut impliquer, détaille-t-elle, "des difficultés ou des lenteurs que les gens ne comprennent pas forcément".

La jeune femme témoigne ainsi d'une ancienne expérience professionnelle qu'elle n'a malheureusement pas pu continuer. "J'ai été agent de service hospitalier pendant quelques années. C'était un peu difficile pour moi, mais j'avais eu un contrat aidé, qui est payé à la fois par la mairie, la mission locale et l'employeur." Son principal problème, rapporte-t-elle : son "rendement", inférieur à celui de ses collègues. "Du coup, malgré mon expérience, ils ont choisi de ne pas m'embaucher, et ont préféré prendre une personne qui venait de commencer et qu'ils ne connaissaient pas du tout. Je me suis sentie un peu rejetée."

Orientée par le Cap Emploi de Corse, qui s'adresse notamment aux personnes en situation de handicap en recherche d'emploi, Btissam décide alors de se réorienter, et suit dans ce cadre une formation dans un centre de réadaptation professionnelle basé à Mulhouse. Après deux ans de travail d'étude, elle décroche, en janvier 2023, son diplôme professionnel d'employée administrative d'accueil.

Depuis, la jeune femme a fait plusieurs démarches de recherche d'emploi, et notamment effectué, en mai dernier, un stade dans un hôtel ajaccien. Sans débouchés concluants à ce stade : "Ils ont décrété que j'avais des problèmes de lenteur, dans l'accomplissement des tâches, et un peu de difficultés de compréhension, donc il n'y a pas pu y avoir de contrat."

"Avant, le handicap n'était pas trop pris en compte. Aujourd'hui on voit qu'il y a des avancées pour le prendre en considération."

Un milieu professionnel qui rencontrerait donc encore des difficultés à adapter ses postes pour correspondre à différents types de profils... Mais dans lesquels de nombreux efforts ont été déployés au cours des dernières années, reconnaît Btissam Maghraoui. "Avant, le handicap n'était pas trop pris en compte. Aujourd'hui on voit qu'il y a des avancées pour le prendre en considération." 

Et les chiffres semblent d'ailleurs le prouver : selon l'étude Agefiph - Ifop de décembre 2022, 56 % des recruteurs estiment que l’image des personnes handicapées s’est plutôt améliorée au cours des 3 dernières années dans le monde de l’entreprise, et 35 % considèrent que l'insertion et l'emploi de ces dernières est aujourd'hui une priorité (soit 7 points de plus qu'en 2021). 

Plus encore, selon la Dares, le taux de chômage des personnes en situation de handicap a fortement baissé, passant de 17 % en 2015 à 12 % en 2022. De quoi laisser espérer des perspectives encourageantes pour les prochaines années.

Sensibiliser la population à la différence

Fondée en 2018 à Ajaccio, l'association "Tous pour chacun" s'est fixé pour objectifs majeurs la sensibilisation de la population au handicap et à la différence, et de "favoriser la socialisation et l'inclusion des personnes en situation de handicap ou difficultés", tant par des aides humaines et financières, que par l'organisation d'événements ou de séjours adaptés.

"Seul, on va plus vite, mais ensemble, on va plus loin."

Un appui qui passe également par des déplacements réguliers dans les écoles, dans les collèges, les lycées et les entreprises, pour aborder la question du handicap, mais surtout au-delà "celle de la différence, une différence qui peut-être une compétence qu'on va pouvoir apporter et qu'une autre personne n'aura pas, pour tirer le meilleur d'un travail en commun, développe Amandine Le Hui, présidente de l'association. Parce que seul, on va plus vite, mais ensemble, on va plus loin."

L'association fonctionne grâce à ses bénévoles - ils sont 22 inscrits au conseil d'administration, et jusqu'à 50 sur certains événements -, et rassemble plus de 1000 adhérents. "C'est très enrichissant et c'est prenant", sourit Amandine Le Hui.

"Aujourd'hui, après 5 ans, on n'a même plus à effectuer le travail de démarchage auprès des écoles, des entreprises, des groupes, ce sont eux qui nous contactent pour qu'on vienne parler et faire des présentations. Mais on a besoin de soutiens. On s'épuise à chercher des partenaires, mais on a le bon espoir de trouver des gens qui pourront nous soutenir financièrement, parce que c'est un peu le nerf de la guerre, mais on s'en est toujours vraiment bien sortis."

Avec pour meilleur résultat, conclut-elle, "l'évolution des personnes au sein de l'association."

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