Trois jeunes hommes âgés de 18 à 23 ans comparaissaient devant le tribunal correctionnel de Bastia pour association de malfaiteurs et vol aggravé, ce lundi 4 décembre. Il leur est reproché une tentative de vol et un vol à main armée visant une même octogénaire résidant à Bastia, au cours du mois de novembre dernier.
C’est plus de cinq heures après le début de l’audience que le jugement est finalement tombé, ce lundi 4 décembre. Pour avoir orchestré une tentative de vol et un vol à main armée visant une octogénaire résidant à Bastia, les 12 et 28 novembre derniers, Shon Na Tan Orenga de Gaffory et Matteo Ronchi sont condamnés par le tribunal correctionnel de Bastia à 30 mois d’emprisonnement dont 15 mois de sursis probatoire, assortis d’une interdiction de détenir une arme pendant 5 ans. Les deux jeunes hommes sont maintenus en détention.
Pour les avoir assistés dans ce vol à main armée, en conduisant le véhicule qui devait leur permettre de fuir, Jean-François Roncaglia est lui condamné à 18 mois d’emprisonnement, dont 9 mois de sursis probatoire, et une interdiction de port d’arme pendant 5 ans. Une peine ferme aménagée avec un bracelet électronique.
"Une très grosse bêtise"
Debout à la barre, les trois prévenus ont gardé le dos droit, le regard parfois fuyant, la mine grave, tout au long de l’audience. Âgés de 18 à 23 ans, ils ont comparu aujourd’hui pour ce que l’un d’eux décrit, un peu maladroitement, comme "une très grosse bêtise". Une très grosse bêtise pour laquelle ils encouraient jusqu’à 10 ans de prison.
L’affaire remonte au 28 novembre dernier. Il est aux environs de 22h, quand les forces de l’ordre sont contactées pour un vol à main armée. L’appel fait état de deux hommes aux visages masqués qui se sont introduits dans le domicile d’une octogénaire, et d'un troisième homme semblant les attendre au volant d'un véhicule stationné non loin de là.
Rapidement déployés sur les lieux, les policiers constatent, à leur arrivée, une voiture de couleur sombre qui semble accélérer fortement en les repérant. Après ce qu’ils décrivent dans le procès-verbal d’interpellation comme une course-poursuite, les forces de l’ordre parviennent à bloquer le véhicule en fuite, et découvrent à son bord trois individus : Jean-François Roncaglia, 23 ans, au volant, Matteo Ronchi, 18 ans, sur le siège passager avant, et Shon Na Tan Orenga de Gaffory, 18 ans, assis à l’arrière.
Dans le véhicule, les policiers découvrent également des armes d'airsoft, des cagoules trouées au niveau des yeux, et tout un lot de matériels, parmi lesquels des lampes torches, une pince-monseigneur, ou encore des petits couteaux.
Un vol précédé d’un repérage
Les trois hommes sont interpellés et placés en garde à vue. Déjà interrogée par les secours, la victime – choquée mais ne nécessitant pas de prise en charge médicale – raconte avoir vu deux jeunes hommes cagoulés rentrer chez elle, et en avoir aperçu un autre sur le balcon.
L’un des deux individus, raconte-t-elle, va jusqu’à la menacer avec une arme de poing [qui s'avérera être une arme d'airsoft], la pointant sur sa poitrine. Elle détaille avoir pu quitter sa maison, et être allée se réfugier chez son voisin, domicile depuis lequel ont été contactées les forces de l’ordre.
L’octogénaire dévoile également qu’il ne s’agit pas de la première intrusion dont elle est la victime : le 12 novembre, des jeunes hommes avaient déjà pénétré dans son domicile, souhaitant lui dérober des armes. Elle explique aux policiers que deux armes et deux téléphones portables lui auraient été volés. L'une des armes sera découverte plus tard par les enquêteurs, abandonnée en chemin par les braqueurs lors de leur fuite face à la police La localisation de la seconde reste indéfinie.
Face aux enquêteurs, Shon Na Tan Orenga de Gaffory admet rapidement s’être rendu au domicile de la plaignante, les 12 et 28 novembre, mais assure dans un premier temps avoir pensé que le domicile était abandonné, et ne pas savoir pourquoi il s’y est déplacé masqué et avec une arme d’airsoft. Matteo Ronchi indique de son côté s’être rendu sur les lieux à la demande de son ami, armé et cagoulé, mais réfute avoir volé quoi que ce soit.
"Vous ne répondez pas, c’est que vous avez des armes"
Rapidement, les investigations font état de plusieurs vidéos incriminantes sur le téléphone de Matteo Ronchi. Des enregistrements que la présidente choisit de faire visionner sur l’un des petits écrans d’ordinateur de la salle d’audience. Longs de quelques dizaines de secondes, voire quelques secondes seulement chacun, ils datent du 12 et du 28 novembre, et prennent place devant la porte ou à l’intérieur du domicile de la victime.
L'ensemble des vidéos a été filmé par Matteo Ronchi. Outre la victime, seul Shon Na Tan Orenga de Gaffory y apparaît périodiquement. "Allez-vous en, je n’ai pas d’argent", leur intime la victime sur un des enregistrements daté du 12 novembre. "Mais vous avez des armes, Madame", lui répond un des garçons. Avant d’insister face à son silence : "Vous ne répondez pas, c’est que vous avez des armes." Sur une des vidéos à cette même date, on voit, relève le procureur, la plaignante être gazée par le moyen d’une bombe lacrymogène - bien que défectueuse, et qui n'a donc aspergé que peu de produit -.
"Vous vous rendez compte que je ne suis pas bien, vous me faites peur."
"Foutez-moi la paix, vous vous rendez compte que je ne suis pas bien, vous me faites peur. Allez-vous en s’il vous plaît", insiste une nouvelle fois la victime, filmée cette fois le 28 novembre. Un même enregistrement sur lequel on entend un des jeunes hommes rire, indiquant "on va prendre perpète".
Les enregistrements mis à jour, Shon Na Tan Orenga de Gaffory et Matteo Ronchi reconnaissent finalement avoir pénétré à deux reprises chez cette dame sans y avoir été invités, et lui avoir volé un fusil. Les deux jeunes hommes sont placés en détention provisoire à la suite de leurs auditions.
"J’ai très honte" "Je me sens comme un monstre"
Ce lundi 4 décembre, l’un et l’autre font part de leur honte face à ces dites vidéos. "Je n’arrive même pas à les regarder, souffle, questionné à ce sujet par la présidente, Shon Na Tan Orenga de Gaffory. Juste à entendre, c’est horrible."
"Je me sens comme un monstre, assure de son côté, en larmes, Matteo Ronchi. Je me sens débile. Je n’arrive même plus à regarder ma famille dans les yeux."
Les deux jeunes hommes affirment avoir pris conscience de l’ampleur de leur "bêtise" quelques jours après les faits. "Quand j’étais en garde à vue, je ne m’en étais pas encore tellement rendu compte, indique Matteo Ronchi. J’ai réalisé en passant quatre nuits [au centre pénitentiaire de Borgo]. Et ça me fait très mal."
"Je n’arrive même plus à regarder ma famille dans les yeux."
L’un comme l’autre assurent pour autant ne pas avoir prémédité les faits, ni le soir du 12, ni le 28 novembre. Ils l’ont répété face à la présidente, ils ne savent pas vraiment pourquoi ils ont choisi de prendre part à ces infractions, l’idée leur est venue "comme ça", quelques heures seulement avant les faits. Shon Na Tan Gaffory insiste également : il n’a pas pointé son arme sur la victime, et ne l’a pas menacée, ni physiquement, ni psychologiquement.
"Ce qui s’est passé est choquant, mais je n’y suis pour rien et je n’ai rien fait"
Reste, dans cette affaire, le troisième prévenu, Jean-François Roncaglia. Soupçonné par les enquêteurs d’avoir été complice du vol à main armée du 28 novembre, en servant de conducteur pour assurer la fuite de deux autres hommes, il nie depuis le début, et aujourd’hui encore en salle d’audience, son implication. Il est le seul à comparaître libre, ce lundi.
"Ce qui s’est passé est choquant, mais je n’y suis pour rien et je n’ai rien fait". Jean-François Roncaglia répète ne pas avoir eu connaissance du projet des deux autres hommes. Il indique avoir été contacté par Matteo Ronchi, un ami, peu après 22h, pour le récupérer en voiture. Shon Na Tan Orenga de Gaffory et Matteo Ronchi seraient selon lui montés dans son véhicule sans lui dire ce qu’ils venaient de faire, et il aurait roulé sans se douter que la police avait été contactée pour les interpeller.
Plus encore, assure-t-il ce lundi, il n’y a pas eu de course-poursuite avec les forces de l’ordre. Simplement, se défend-il, il n’avait pas vu leur véhicule, et s'est arrêté dès lors que c'était le cas, en voyant les gyrophares des policiers enclenchés, avant même que ne soit dressé un barrage.
Pour le reste, il n’en savait rien, avait refusé plusieurs heures avant les faits d’accompagner son ami Matteo Ronchi à ce qu’il pensait être un "urbex", et se dit totalement innocent dans l’ensemble du dossier. Une version des faits appuyée dans son ensemble par Matteo Ronchi et Shon Na Tan Orenga de Gaffory.
Des faits "particulièrement graves" pour le ministère public
"Ce sont des faits particulièrement graves qui sont jugés aujourd’hui", entame solennellement le procureur pour ses requisitions. Des faits qui auraient pu prendre une autre orientation, cette fois judiciaire, en raison de la présence d’une arme au cours de ce vol. "C’est un choix du ministère public de présenter cette affaire devant le tribunal correctionnel, ce qui rend l’infraction moins grave au niveau du Code pénal. Mais cela n’enlève rien à la gravité des faits, et cela doit être entendu par les trois prévenus."
Le représentant du ministère public note une tentative de vol et un vol sur une femme âgée, de 81 ans, sans défense, vivant seule, qui est le 12 novembre gazée - bien que par une bombe lacrymogène défectueuse -, et se trouve filmée à son insu, un point caractéristique de "moqueries". Des faits "qui sont tous constitutifs de violences tant physiques que psychologiques".
Concernant Jean-François Roncaglia, le procureur ne croit pas en son innocence. Preuve en est, estime-t-il, les nombreuses contradictions dans les versions qu’il a pu présenter, au cours des auditions, aux enquêteurs. "Pour moi, il ne fait aucun doute qu’il s’est rendu complice de ses faits par aide ou assistance parce qu’il savait pertinemment ce qui allait se passer", tranche-t-il.
Dans ce cadre, le procureur a requis, à l’encontre de Shon Na Tan Orenga de Gaffory et Matteo Ronchi, des peines de trois ans de prison, dont douze mois avec sursis probatoire pendant deux ans, assorties de peines complémentaires de cinq d’interdiction ou de détention ou port d’arme.
Pour Jean-François Roncaglia, deux ans d’emprisonnement dont un an avec sursis, et une interdiction de détenir une arme pendant un an.
Durant près de deux heures, les avocats de la défense ont plaidé tour à tour pour des peines moins sévères au vu des faits et la relaxe dans le cas de Jean-François Roncaglia. Ces derniers et leurs clients se réservent désormais le droit de faire appel de ces décisions.