Dans un livre de 296 pages, le journaliste Jean-Michel Verne donne la parole à des magistrats en poste en Corse entre 1990 et 2017. Ils racontent l’emprise du milieu sur la société Corse, et les ambiguïtés de l’Etat qui a si souvent failli.

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Neuf chapitres, neuf magistrats. Les patronymes de certains sont familiers, ils ont fait la une de la presse régionale.

Comme Nicolas Bessone, le procureur qui a fait tomber Paul Giacobbi. Ou encore  le procureur général Bernard Legras, le premier  à avoir examiné le grand banditisme Corse à la loupe, à travers un rapport remis à la chancellerie en 1999.

Sans oublier Jacques Dallest, le représentant du ministère public à l’époque de l’incendie de la paillote "Chez Francis".

Les très secrets magistrats de la Juridiction inter-régionale spécialisée (JIRS) de Marseille, Claude Choquet et Guillaume Cotelle brisent eux aussi le silence. Pour la première fois ils lèvent  le voile sur  le grand banditisme Corse. Ce fléau qui s’invite à la table des marchés publics, dont l’ombre plane sur la gestion des déchets, les débits de boissons.

Ce grand banditisme dont on ose à peine prononcer le nom et admettre l’existence. Fait d’un mélange de terreur et de fascination. Un mythe qui s’est construit au gré des braquages, des assassinats, du racket et de la complicité passive de l’état qui a si souvent détourné le regard.

L’arbre généalogique du grand banditisme

Sous la plume des magistrats qui narrent à la première personne leur passage en Corse, les noms de la crème du banditisme sautent aux yeux. Les Mariani, Guazzelli, Santucci, Santoni… "Juges en Corse" c’est aussi les années de plomb exhumées par la justice. Les assassinats de personnalités publiques. Marie-Jeanne Bozzi ; Jean Leccia, Antoine Sollacaro. Mais aussi la guerre au sein de la  bande de la "Brise de Mer" et de celle du "Petit bar" à Ajaccio.

L’ouvrage met  l’accent sur les ambigüités de l’Etat. Obnubilés par la lutte contre le nationalisme clandestin, les gouvernements successifs n’ont pas hésité à s’appuyer sur le milieu pour combattre le FLNC. Y compris en laissant carte blanche à la criminalité organisée pour cadenasser l’activité économique de la Corse.

En lisant entre les lignes, on devine aisément l’incompréhension des magistrats, leur colère leur désapprobation parfois, face à une politique dont ils ne comprenaient pas toujours les contours.

Mais parler de la justice en Corse, c’est accepter l’idée de réveiller de vieux démons. De mettre en lumière de vieilles haines recuites, de sortir de vieux dossiers qui prenaient la poussière sur les étagères.

La polémique

Le chapitre 9 de Juges en Corse le dernier, donne la parole à Romain Mani-Sanson substitut du procureur de la république de Bastia entre septembre 2014 et Septembre 2017. Dans son récit, le magistrat parle d’un climat de défiance à son encontre "On me fait rapidement comprendre que je ne suis pas légitime à juger la société Corse" écrit-il. Le parquetier narre également un incident avec l’avocat Jean-Sébastien De Casalta. Un passage qui a fait sortir l’intéressé de ses gonds. Jusqu'à réagir par le biais d’un communiqué ce matin. La capture d'écran ci-dessous.
 

Une extrême justice est souvent une injure comme l’écrivait Jean Racine. Un autre magistrat qui témoigne dans "Juges en Corse" l’aura appris à ses dépens. Roland Mahy, aujourd’hui avocat, a été procureur de la république à Bastia entre 1990 et 1998, un record.

Au lendemain de la présentation du livre à Paris, l’ancien parquetier s’épanche sur les ondes de RCFM. Il brosse par petites touches impressionnistes sa vision de la société corse gangrénée par le grand banditisme.

Les réseaux sociaux qui veillent sur la Corse comme un cerbère ne le lui pardonneront pas ! Roland Mahy est la cible de critiques virulentes notamment de la part des mouvements nationalistes. Ses propos franchissent même les murs du très feutré conseil de l’ordre des avocats de Bastia qui s’est réuni hier matin à huis-clos pour évoquer cette affaire.

Dernière réaction en date, celle de Christiane Muretti, la mère de Nicolas Montigny assassiné dans un bar du quartier du Fango à Bastia le 5 Septembre 2001. La mère de la victime conteste les allégations de l’un des magistrats.

Dans le livre, Claude Choquet s’attarde longuement sur le parcours de Nicolas Montigny, et plus particulièrement sur sa condamnation pour des attentats nationalistes commis pendant qu’il était étudiant écrit le magistrat. Des accusations démenties par la mère de la victime. Le communiqué ci-dessous.

Nous, famille de Nicolas Montigny, tenons à dénoncer les propos mensongers tenus par M. Claude Choquet dans le livre « Juges en Corse », qui fait actuellement l’objet d’une campagne promotionnelle...
En effet, il indique (page 183) que « Nicolas Montigny a participé à des attentats nationalistes durant ses études et a été condamné pour ces faits ». Cela est absolument faux.
Il n’a jamais été jugé, donc jamais condamné pour aucun attentat.
Un juge ne devrait pas bafouer la présomption d’innocence, surtout pour une personne décédée.
Selon lui, il présente un profil au confluent du banditisme et du nationalisme.
Ces propos n’engagent que lui.
Il convient de rappeler que ses seules condamnations concernaient des faits correctionnels et anciens.
Il affirme ensuite que Nicolas Montigny naviguait entre Armata Corsa et des activités illégales plus classiques. Lesquelles ??? Sur quels faits probants se baset-il ???
Rien ne permet d’étayer ses propos.
M. Choquet n’est même pas précis dans la chronologie des faits.
Nicolas Montigny ne s’est pas réfugié sur le continent après les assassinats successifs de « ses deux mentors ».
Jean-Michel Rossi est assassiné en aout 2000. Nicolas rejoint le continent en septembre 2000, soit  bien avant l’assassinat de François Santoni en aout 2001.
Ces propos sont diffamatoires à l’égard d’un jeune homme assassiné à l’âge de 27 ans, et peuvent faire beaucoup de dégâts. Sa mémoire est une nouvelle fois salie et sa famille blessée.
Malheureusement, les écrits restent, véridiques ou non et s’inscrivent dans la mémoire collective.
Le rôle d’un juge d’instruction est de s’appuyer sur des faits précis et vérifiés et non pas sur des allégations ou des supputations,  surtout dans une affaire qu’il est sensé connaitre pour l’avoir suivie. Ces propos publics, aléatoires et mensongers peuvent nous interpeller sur le sérieux de ses instructions.
Nous réfléchissons à une éventuelle suite à donner concernant cette affaire.
Nous ne tolèrerons plus aucun propos pouvant entacher la mémoire de Nicolas Montigny.
Il suffit !!!!!!!!!!!!


Il est un principe coutumier chez les parquetiers qui veut que "La plume est serve mais la parole est libre".

Ça n’est pas toujours le cas en Corse quand on parle de justice !
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