La motion de censure de LIOT est la mieux placée pour aboutir, et conduire à la fin du gouvernement Borne. Mais le pari semble risqué pour les trois députés nationalistes qui sont membres du groupe parlementaire. Nous avons posé la question à Michel Castellani.
Le 26 février dernier Jean-Félix Acquaviva était assis sur le canapé d'un hôtel de la Citadelle, à Bastia. A sa gauche, Michel Castellani et de Bertrand Pancher, président du groupe parlementaire Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires dont les deux députés font partie, tout comme Pierre-Paul Colombani.
A ce moment-là, la bataille des retraites fait déjà rage dans l'hémicycle. Le député de la deuxième circonscription de Haute-Corse laisse tomber, au détour d'une phrase : "LIOT n'est pas un groupe fait de bric et de broc, on a une vraie colonne vertébrale". Avant d'ajouter : "un groupe comme le nôtre peut faire et défaire un gouvernement".
La phrase avait pu sembler un poil présomptueuse à celles et ceux qui suivent l'actualité politique d'un œil distrait. Mais moins d'un mois plus tard, elle a tous les accents d'une prémonition.
Alors que l'Assemblée nationale est sens dessus dessous, après l'annonce du recours au 49.3 par Elisabeth Borne, plusieurs motions de censure ont vu le jour. Leur but, faire tomber son gouvernement, comme l'obligerait l'article 50 de la Constitution, et enterrer la réforme qu'elle défend.
Et la motion de censure qui a le plus de chances d'aboutir a été déposée par le député LIOT Charles de Courson.
LIOT, et les députés nationalistes, au centre du jeu
La raison est simple. LIOT est un groupe transpartisan, et donc fréquentable par l'ensemble des membres de l'opposition.
La Nupes, qui refuse de signer la motion de censure du Rassemblement national, a déjà fait savoir qu'elle soutiendrait celle de LIOT, tout comme le RN. Aux 20 députés à l'origine de la motion viendraient s'ajouter les 149 voix de gauche, et les 88 voix de l'extrême-droite.
Le problème, c'est qu'il faut 287 voix pour valider la motion de censure. Il manque une trentaine de voix, et le vivier des 61 députés LR semble tari. Eric Ciotti a promis que son groupe ne s'associerait pas à la démarche. Seuls quatre de ses membres ont annoncé qu'ils le feraient quand même.
Tout le week-end, les tractations sont allées bon train pour rallier les indécis, et celles et ceux qui entendent manifester clairement leur opposition à la loi, quel que soit le mot d'ordre de leurs leaders.
On verra aujourd'hui de quel côté penchera la balance.
Mais pour Michel Castellani, Jean-Félix Acquaviva et Paul-André Colombani, les trois députés nationalistes membres du groupe LIOT, l'enjeu va au-delà du sort qui sera réservé au gouvernement Borne.
En œuvrant, avec cette motion de censure, à enterrer la réforme des retraites, ils prennent le risque de considérablement irriter l'Elysée, et donc de tendre les relations entre la Corse et Paris, dans le cadre des discussions déjà fragiles sur une possible autonomie de l'île...
Sans surprise, certains élus de l'île, de bords différents, n'ont pas hésité à affirmer que c'était "l'avenir de l'île" qui primait.
A quelques heures du vote, nous avons rencontré Michel Castellani, député de la première circonscription de Haute-Corse.
Entretien
Est-ce que le tumulte qui s'est emparé l'Assemblée nationale n'était pas prévisible ?
Bien sûr que si. La tension est permanente, et même croissante, depuis des mois. Et cela pour une raison toute simple. Il y a deux groupes qui visent clairement la dissolution, en pensant chacun de son côté pouvoir prendre la majorité. Ce sont évidemment le groupe du Rassemblement national, et le groupe LFI.
Vous parlez de la Nupes ?
Non. C'est LFI. Je suis très clair là-dessus. Ce ne sont ni les socialistes, ni les écolos, même si ils ont également leur comptant de personnes nerveuses... Et les tensions qui se cristallisent vont se confirmer dans les semaines à venir, ce qui nous promet une profonde instabilité. Une instabilité qui nous est imposée.
L'Assemblée nationale est en train de se transformer en véritable cirque
Votre groupe, LIOT, se trouve presqu'en position d'arbitre...
Une chose est claire, nous ne sommes pas pour autant dans une logique de chantage, ou de surenchère. On ne veut pas échanger notre vote contre telle ou telle décision. On se positionne, après de longues discussions à l'intérieur du groupe, d'abord en fonction de ce que l'on a promis aux électeurs. En ce qui me concerne, ce que j'attends, c'est une société plus démocratique, plus libre plus solidaire...
En attendant, le pays a été privé d'un vrai débat sur une question primordiale, celle des retraites.
Ce qui se passe est extrêmement frustrant, et même triste. L'Assemblée nationale est en train de se transformer en véritable cirque, aux antipodes de la démocratie. Face à cette situation, il faut garder les idées claires, et savoir où l'on veut aller. C'est ce que j'essaie de faire.
Ce que vous essayez de faire, c'est également mener à bien un processus en faveur de la Corse. Et certains, sur l'île, craignent que la position des députés nationalistes ne le mette en péril.
Les retraites, c'est les retraites, et la Corse, c'est autre chose. Si on suit ce raisonnement, le gouvernement ne discuterait plus avec aucun député qui serait contre la réforme des retraites. C'est absurde ! Bien sûr que cette question vient percuter les autres discussions. Cela crée un contexte nouveau. Il y a peut-être quelques tensions particulières, mais sur le plan humain...
Je vous laisse deviner ce que l'on subit depuis quelques temps à l'Assemblée. Mais il faut être ferme sur un certain nombre de principes
Personne, de Renaissance, n'est venu vous faire passer un message dans les couloirs du palais Bourbon ?
Bien sûr que oui. Je vous laisse deviner ce que l'on subit depuis quelques temps à l'Assemblée. Mais il faut suivre sa conscience, avoir les idées claires, et être ferme sur un certain nombre de principes.
Une dissolution implique de nouvelles élections. Et cela en fait réfléchir pas mal, du côté de l'opposition. Cela n'est pas entré en ligne de compte dans votre réflexion ?
Si la situation se présente, j'irai devant les électeurs sans prétention particulière, mais sans crainte non plus. Depuis six mois, j'ai pas une absence, je n'ai pas arrêté de travailler sur les différents projets de loi, et je suis resté extrêmement fidèle à ce que j'avais promis aux électeurs, autant concernant la Corse que le reste du monde. On mettra tout à plat, et les électeurs choisiront, c'est cela la démocratie.