En politique, en 2022, l’actualité corse a été marquée par le lancement d’un cycle de discussions sur l’avenir institutionnel de la Corse. Un processus qui depuis son annonce n’avance pas, les réunions entre élus insulaires et gouvernement sont quasi systématiquement reportées.
Des discussions sans “aucun tabou”. C’est en ces termes que le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a décrit les négociations entre les élus insulaires et le gouvernement sur l’avenir institutionnel de la Corse.
Annoncé dès le mois de mars, le processus n’avance pas et est au point mort. Seule une réunion de travail s’est pour l’heure tenue et l’accès à l’autonomie semble rester un vœu pieux. Rétrospective.
- 16-17 mars : l’annonce de l’ouverture d’un “processus à vocation historique de discussions”
Depuis l’agression mortelle d’Yvan Colonna, militant nationaliste condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour l’assassinat du préfet Claude Erignac, à la maison centrale d’Arles, la Corse est traversée par une série de manifestations violentes.
Les affrontements entre protestataires et forces de l’ordre sont quotidiens et plusieurs dizaines de blessés sont enregistrés dans les deux camps. Afin de tenter de faire revenir le calme, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, se rend dans l’île les 16 et 17 mars. Dans une interview accordée à Corse Matin la veille de son arrivée, il déclare : "Nous sommes prêts à aller jusqu'à l'autonomie."
Après des réunions avec Gilles Simeoni, président du conseil exécutif de Corse, et d’autres élus insulaires, l’ouverture d’un “processus à vocation historique de discussions” sur l’avenir institutionnel de l’île est annoncée. Les contours sont encore inconnus et une première réunion doit se tenir, à Paris, début avril.
- 4 avril : le maire d’Ajaccio insulté, la première réunion parisienne reportée
La date de rencontre était fixée au 8 avril. Mais quatre jours avant le rendez-vous, par voie de communiqué, le ministre de l’Intérieur, annule et reporte. La raison : le maire d’Ajaccio, Laurent Marcangeli, est la cible de tags insultants.
Ainsi, lors d’une manifestation en mémoire d’Yvan Colonna dans la cité impériale, le 3 avril, des inscriptions sont découvertes sur le mur l’enceinte du Palais Fesch. L’édile, élu d’opposition à l’Assemblée de Corse, avait récemment appelé à reconnaître la voix des corses non-nationalistes dans le débat politique qui traverse l’île. Des élus de tous bords politiques lui ont apporté leur soutien le soir-même.
- 28 avril : annonce d’une nouvelle réunion … finalement reportée
À l’Assemblée de Corse, Gilles Simeoni annonce la tenue d’une première réunion entre les élus insulaires et le gouvernement. Cette dernière devrait se tenir les 18 et 19 mai. Mais l’élection présidentielle vient de se terminer et Emmanuel Macron est réélu. Le président de la République doit nommer un nouveau Premier ministre. Le calendrier gouvernemental est repoussé.
- 20 mai : Gérald Darmanin reconduit au poste de ministre de l’Intérieur
Le gouvernement d'Élisabeth Borne, nouvelle Première ministre, est dévoilé. Trois ministres sont reconduits : Bruno Le Maire au ministère de l'Économie et des Finances, Éric Dupond-Moretti au ministère de la Justice et Gérald Darmanin au ministère de l’Intérieur.
Ainsi, l’interlocuteur du gouvernement dans le processus de négociation avec les élus de la Corse sur l'autonomie de l'île reste inchangé. La première réunion entre les deux parties a déjà été repoussée deux fois. Gilles Simeoni réagit dans un communiqué. Il demande : des "signes publics clairs soient donnés, au plus haut niveau de l’Etat, pour réaffirmer la volonté politique de Paris de donner au processus de négociation annoncé toute sa dimension."
- 21 juillet : première réunion, un calendrier est fixé
Gérald Darmanin donne le coup d’envoi d’un cycle de huit réunions sur l’avenir institutionnel de la Corse avec une délégation de 20 élus de l’île venus à Paris. Cette première réunion fixe un calendrier et un programme de travail. “Nous avons convenu de nous revoir toute une journée, toutes les six semaines” pour un “cycle de concertations d’une année”, déclare le ministre à l’issue des discussions.
“Les bases de ce travail commun et de ce processus à vocation historique sont aujourd’hui clairement posées, la suite reste à écrire. Il y a une volonté ferme d’être au rendez-vous de l’histoire, de réussir ce processus et de construire une solution politique globale” affirme pour sa part Gilles Simeoni.
- 22 et 23 juillet : visite de Gérald Darmanin en Corse
Moins de 24 heures après une première réunion sur l'avenir institutionnel de la Corse, Gérald Darmanin est en visite en Corse. Durant ces deux jours, le ministre se rend notamment à Bastia, Biguglia, Cozzano, Propriano et Bonifacio.
Il annonce des moyens policiers supplémentaires en Corse et à Marseille dès septembre pour lutter contre le crime organisé et un renforcement des moyens judiciaires. “Il faut combattre absolument la montée du trafic de stupéfiants par des criminels installés dans l’île et à l’extérieur, nouveau visage de la criminalité organisée”, déclare-t-il.
- 16 septembre : une réunion de travail se tient à Paris
Le modèle économique et social de l’île est au cœur de la première réunion de travail qui se tient Place Beauvau, au ministère de l’Intérieur. Sont notamment au programme les perspectives d’amélioration avec deux scénarii différents : une première avec les pouvoirs que possèdent déjà l’Assemblée de Corse, un second avec une évolution du statut de l’île basé sur les différentes formes d’autonomies déjà existantes.
- 4 octobre : report de la deuxième réunion
Gérald Darmanin est attendu les 6 et 7 octobre aux côtés du ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, pour poursuivre les discussions sur l'avenir institutionnel de l'île. Mais le rendez-vous est une nouvelle fois reporté. En cause : la réaction insulaire à l'annonce du rejet de la demande d'aménagement de peine de Pierre Alessandri par la cour d'appel antiterroriste de Paris, le 29 septembre dernier.
Face à "l'indignation générale" des élus, la séance de l'Assemblée de Corse avait été suspendue puis arrêtée. Le mouvement indépendantiste Core in Fronte a quant à lui indiqué la suspension de sa participation aux discussions avec Paris, et Corsica Libera a appelé à faire de même.
- 7 octobre : déclaration quasi unanime de la délégation corse
La délégation des élus insulaires, qui échange avec le ministre de l'Intérieur dans le cadre du processus autour de l'avenir institutionnel de la Corse se réunit dans les locaux de la Collectivité à Ajaccio.
L'objectif : retrouver une parole commune pour mieux peser à Paris, après plusieurs jours marqués par des prises de positions successives et parfois discordantes parmi les différents élus. La faute à une certaine tension, apparue dans le sillage du refus d'aménagement de peine de Pierre Alessandri par la cour d'appel antiterroriste de Paris, le 29 septembre dernier.
Il en ressort un communiqué, dans lequel les signataires réitèrent le caractère qu'ils estiment "incompréhensible et injuste" de la décision du rejet de projet de semi-liberté de Pierre Alessandri. Seul le parti indépendantiste, Corsica Libera ne signe pas la déclaration.
- 6 décembre : Gérald Darmanin reporte un nouveau déplacement
Le ministre de l'Intérieur reporte une nouvelle fois un déplacement prévu le 8 décembre dans l'île. Sur le plateau de FranceInfo, il évoque "un climat qui n'est pas favorable". Ainsi, Les 1er et 5 décembre, des séries d’interpellations de militants nationalistes, parmi lesquels Pierre Paoli et Charles Pieri, se sont déroulées dans les deux départements insulaires. Ces arrestations entraient dans le cadre d’une enquête du parquet national antiterroriste de Paris liée, notamment, à une conférence de presse clandestine du FLNC (Front de libération nationale corse). Lors des divers rassemblements de soutien organisés, aucun heurt n’a été enregistré.
Plus de trois mois après la première - et dernière à cette date - vraie réunion sur l'autonomie entre élus insulaires et le ministre de l'intérieur, Gérald Darmanin, le processus semble actuellement toujours à l'arrêt. Avec un principal point de blocage : la question des prisonniers dits politiques, préalable absolu à la reprise du dialogue pour les nationalistes. Une possible reprise des discussions est envisagée en janvier 2023.