Le groupe Libertés, Indépendants, outre-mer et Territoires à l'Assemblée nationale compte dans ses rangs les trois députés nationalistes corses. Son président, Bertrand Pancher, est en Corse ce week-end pour afficher le soutien du groupe au processus d'autonomie initié avec paris.
"En six mois, j'ai rencontré plus de ministres et de premiers ministres qu'en quinze ans de mandat" se réjouit Bertrand Pancher. "Hier soir encore, je venais d'atterrir en Corse, et j'ai longuement parlé au téléphone avec Agnès Pannier-Runacher. Mais ce n'était pas à propos de l'autonomie de l'île. Cette fois-ci. Il était question de la loi sur le nucléaire..."
Le président du groupe Libertés, Indépendants, outre-mer et Territoires (LIOT) à l'Assemblée nationale ne se gêne pas pour le rappeler : "notre groupe joue un rôle central au palais Bourbon. La majorité présidentielle a besoin de nous. On négocie en permanence, et ça va être comme cela pendant quatre ans encore".
Moment charnière
Dans les salons d'un hôtel de la Citadelle, à Bastia, le député de la première circonscription de la Meuse attend les trois députés nationalistes en relisant ses notes. Il s'apprête à tenir une conférence de presse pour "rendre compte, comme chaque année, de l'activité du groupe". Mais également, on le comprendra vite, pour mettre en avant le rôle de ce dernier dans le dialogue qui s'est instauré entre Paris et la Corse concernant une possible autonomie de l'île.
Jaen-Félix Acquaviva est le premier à franchir les portes de l'hôtel. Et d'emblée, il aborde la question : "Avec ce qui s'est passé vendredi à Beauvau, on est dans un moment charnière. Et croyez-moi, dans la configuration actuelle du parlement, bien différente de la précédente mandature, un petit groupe de 20 membres tel que le nôtre pèse d'un poids bien plus important qu'on ne pourrait le croire. Ce n'est pas un groupe fait de bric et de broc, on a une vraie colonne vertébrale". Le député de la deuxième circonscription de Haute-Corse ajoute : "un groupe comme le nôtre peut faire et défaire un gouvernement".
L'autonomie est indispensable pour faire en sorte que les sujets principaux soient réglés sur place
Bertrand Pancher
On le voit, le bras de fer est engagé. Et même si les négociations ont repris, dans un climat plutôt encourageant, tout le monde sait, autour de la table, qu'en politique, il est avant tout question de rapport de force. Et le groupe LIOT, malgré les rumeurs de possibles alliances avec la majorité, compte avant tout rester "un groupe de propositions, et d'opposition", rappelle Bernard Pancher, qui affirme qu'il n'y a "aucun appel du pied de ce côté-là, malgré quelques déclarations du président Macron". Et Bertrand Pancher de rappeler "l'hostilité du groupe à la réforme des retraites, qui part d'en haut, comme d'habitude, et que les Français ne comprennent pas". Jean-Félix Acquaviva et Michel Castellani, qui a rejoint la conférence de presse, partagent cet avis. Paul-André Colombani, pour sa part, n'a pu être présent, en raison d'engagements.
Diversité
Mais Bernard Pancher n'est pas là pour parler âge de la retraite. Il a fait le déplacement pour apporter son soutien aux élus corses dans leur dialogue avec le gouvernement. "l'autonomie est indispensable pour faire en sorte que les sujets principaux soient réglés sur place, et que l'on ait plus à attendre le feu vert de Paris. On a besoin ici d'une réellement autonomie territoriale. Et je n'oublie pas toutes les questions liées à l'enseignement de la langue, à la spéculation immobilière, foncière, au financement de la continuité territoriale..." Gilles Simeoni, assis un peu plus loin, opine du chef. Le président de l'exécutif ne prend pas part à la conférence de presse, mais a fait le déplacement pour s'entretenir avec Bernard Pancher, loin des micros, un peu plus tard.
On n'a pas les mêmes problématiques que le bassin parisien, et Paris doit en tenir compte
Bertrand Pancher
Quand on lui rappelle que certains, au Parlement et dans l'opinion publique, redoutent qu'une autonomie de la Corse fasse boule de neige, le chef du groupe LIOT, qui compte 5 députés ultramarins, balaie l'argument d'un revers de main. "Pour ma part, j'en serais ravi ! La France est faite de diversités. Il y a d'abord les territoires insulaires, évidemment, mais je n'oublie pas la métropole. Nous réclamons des chocs de décentralisation. Il faut respecter nos spécificités, que ce soit en Corse, en Bretagne, ou en Lorraine, chez moi. On n'a pas les mêmes problématiques que le bassin parisien, et Paris doit en tenir compte".
Bernard Pancher insiste : "le monde de demain est un monde d'écoute. Pour écouter, il faut passer par les transferts de compétence, les systèmes de codécision, un renforcement du parlement, et c'est seulement comme cela que l'on s'engagera dans une démocratie apaisée..."
Compte à rebours
Reste, pour la Corse, la question du calendrier parlementaire, qui laisse une fenêtre de tir très réduite... Bernard Pancher en a conscience. Et pour cause : "pendant cinq ans, à Paris, on a traîné, on a louvoyé. Il a fallu que les élus territoriaux, et la population se mobilisent fortement, descendent dans la rue, pour faire entendre leurs exigences. Enfin, ces exigences semblent être entendues, et c'est une avancée. Alors certes, le calendrier est très réduit, on verra si on a besoin d'un ou deux mois de plus, mais il faut avant tout s'assurer que les propositions des Corses soient réellement prises en compte".
Depuis vendredi, et l'annonce d'échéances claires par le chef de l'Etat, qui a donné rendez-vous aux élus corses avant l'été, le compte à rebours est lancé. Et le groupe Libertés, Indépendants, outre-mer et Territoires entend bien peser de tout son poids, auprès de la majorité, pour défendre la cause insulaire.