La décision inquiète les employés des Eaux d'Orezza, alors que la société a connu, en janvier, à un conflit social qui a laissé des traces. Pour le STC, la procédure, dont nul ne connaît les raisons, ne fait qu'accroître le climat d'anxiété qui règne sur Rapaghju depuis quelques mois.
Pour Jean-Louis Rossi, le coup est rude. Le directeur industriel des eaux d'Orezza a reçu la semaine dernière une lettre de son employeur le convoquant à un entretien préalable à un licenciement, avec mise à pied conservatoire.
"J'ai toujours travaillé avec sérieux, professionnalisme et responsabilité au sein d'Orezza depuis huit ans. Je ne connais même pas les griefs qui me sont reprochés".
Bis repetita
La situation a comme un goût de Déja-vu pour Jean-Louis Rossi. En janvier dernier, il avait trouvé dans sa boîte aux lettres un courrier de la même teneur. Presque mot pour mot. Convocation préalable à un licenciement, mise à pied conservatoire. Et puis Marie-Laurence Mora, la présidente de la SNEEMO, la société qui exploite les eaux d'Orezza, avait fait machine arrière. Et l'avait réintégré. Avant, donc, de le licencier de nouveau.
Je ne connais même pas les griefs qui me sont reprochés.
De prime abord, cette nouvelle volte-face peut étonner. Elle surprend moins si l'on reprend l'affaire depuis le début.
Un conflit bien plus large
Le premier licenciement de Jean-Louis Rossi s'inscrivait dans le conflit, bien plus large, qui agitait les Eaux d'Orezza en ce début d'année 2020. D'un côté, la trentaine d'employés de l'usine, le STC, et la Collectivité de Corse, propriétaire de l'endroit. De l'autre, la SNEEMO, le syndicat d'exploitation des eaux d'Orezza.
A l'approche de la fin du contrat de location-gérance, les désaccords entre les parties étaient nombreux. Le courrier préalable au licenciement adressé au directeur d'exploitation avait encore attisé les tensions, et les grévistes avaient obtenu sa réintégration, accompagnée d'un simple avertissement.
Et puis, le 12 février dernier, les négociations avaient finalement abouti à un accord, qui semblait convenir à tout le monde.
Rebondissement
Comment, alors, interpréter cette nouvelle procédure à l'encontre de Jean-Louis Rossi, deux mois après la première ? A Rapaghju, en Castagniccia, où se trouve la source, les employés sont inquiets. Certains redoutent que ce dernier rebondissement ne vienne remettre en question un accord qui a été acquis de haute lutte, qui semble encore fragile, et dont la mise en place se fait attendre.
Cet accord reposait sur 4 points principaux :
- La garantie de la continuité de l'exploitation et le maintien de tous les emplois,
- L’acquisition par la Collectivité de Corse des biens de reprise, des biens de la chaîne de production, ainsi que de la totalité de la parcelle A133 et les cuves situées sur celle-ci. Un point qui lui garantirait la pleine propriété de l’outil de production,
- Le soutien par le co-contractant des acteurs publics et privés du territoire de la Castagniccia, investis notamment dans les domaines culturels et sportifs, à hauteur de 130 000 € pour l’année 2021 - et 100 000 € minimum par an pour les années suivantes - par le biais de conventions de partenariats,
- Le maintien de tous les emplois à l’issue de la durée du contrat de location gérance, et ce quelle que soit la forme juridique de la future exploitation.
Autant de questions qui avaient été négociées entre la CdC et la SNEEMO. Une fois que la réintégration de Jean-Louis Rossi, qui était un préalable, avait été acceptée par Marie-Laurence Mora. Alors évidemment, pour certains employés, la nouvelle procédure de licenciement enclenchée est vécue comme une provocation. Pour d'autres, elle laisse également augurer d'un respect tout relatif de cet accord.
Jouer la montre ?
Jean Brignole, secrétaire général du STC, résume l'état d'esprit général : "une chose est sûre, ce n'est pas le bon moment pour faire cette démarche, et ce n'est pas la meilleure méthode pour rassurer tout le monde. On ne peut pas laisser perdurer une situation anxiogène telle que celle-là.
Je ne suis pas sûr qu'un conflit, en ce moment, soit bénéfique pour les employés des Eaux d'Orezza.
Doit-on comprendre qu'un nouveau mouvement de grève est prévu ? "Je ne suis pas sûr qu'un conflit, en ce moment, soit bénéfique pour les employés. En revanche, pour l'employeur... Avec la crise Covid, le confinement, une situation conflictuelle pourrait avoir quelques avantages. Nous avions fait savoir que pendant deux mois, on ne ferait rien. Et qu'ensuite, une fois tous les aspects du nouveau contrat de location-gérance clarifiés, nous reprendrions la main pour rattraper le temps perdu en matière de revendications salariales, d'acquis sociaux, et autres. C'était notre timing, et aujourd'hui, il est perturbé par cette décision de madame Mora", constate Jean Brignole, un rien amer.
Nous avons essayé de joindre la SNEEMO, pour tenter d'en savoir plus sur les raisons de la procédure de licenciement de Jean-Louis Rossi, sans succès. Une chose est sûre, le feuilleton Orezza, qui a animé l'hiver, risque fort de connaître une suite au printemps.