Jean-Félix Acquaviva conservera-t-il son siège à l'Assemblée nationale ? En 2022, l'élu nationaliste l'avait emporté de justesse face à François-Xavier Ceccoli, et le match retour se prépare.
Les élections législatives anticipées du 30 juin et du 7 juillet prochains tournent à l'affrontement entre le RN et le Nouveau Front Populaire, alors qu'Emmanuel Macron, qui a dissous l'Assemblée nationale contre l'avis de la plupart de ses troupes, veut encore croire à ses chances...
Mais les électeurs et électrices insulaires ne se poseront pas les mêmes questions que le reste du pays, dimanche prochain, au moment de glisser leur bulletin dans l'urne.
La question, en Corse, c'est savoir combien de députés nationalistes on va envoyer au Palais Bourbon
C'est en tout cas ce qu'affirme Hervé, assis à la terrasse d'un café de Ponte-Leccia : "il y a peu de chances que dans l'une des quatre circonscriptions de Corse, on se retrouve avec un duel RN - Front populaire. Voire qu'un candidat d'un des deux partis parvienne à franchir le premier tour. Et quand je dis qu'il y a peu de chances, c'est pour être poli", sourit le quinquagénaire.
La Corse, c'est vrai, fait un peu figure d'exception. Si le RN y fait le plein, régulièrement, lors des Présidentielles, et a une nouvelle fois battu des records lors des dernières Européennes, avec 40,76 % des voix, le parti ne pèse plus très lourd lorsqu'aucun poids lourd du parti ne bat la campagne.
Quant au Nouveau Front populaire, la gauche insulaire, en marge du mouvement national, peine à parler d'une seule voix, et à exister dans l'isoloir.
"Alors en Corse, la question, ce n'est pas de savoir si le RN ou le NFP va sortir en tête dans son bureau de vote, mais plutôt de savoir combien de députés nationalistes on va envoyer au Palais Bourbon, estime Hervé. Et encore, il n'y a pas vraiment de suspense. À part chez nous".
Duel
En 2022, la deuxième circonscription de Haute-Corse avait été le théâtre d'un duel très serré entre Jean-Félix Acquaviva, le député Femu sortant, et François-Xavier Ceccoli, candidat de droite. Jean-Félix-Acquaviva l'avait emporté de justesse. À peine 156 voix les séparaient, autant dire rien alors que la deuxième circonscription de Haute-Corse compte 67.903 inscrits.
>> Focus sur la 2e circonscription de Haute-Corse
Le maire de San Giulianu espère bien que la dissolution lui donnera l'occasion de transformer l'essai.
En Casinca, l'élu de droite, qui a choisi de se présenter sans l'étiquette LR, avait réalisé ses meilleurs scores, l'emportant au second tour dans la plupart des communes. Sans surprise, deux ans plus tard, on n'a pas de mal à y croiser ses partisans.
Alicia, 32 ans, rejoint sa voiture sur le parking d'une pharmacie à Arena, en compagnie de ses deux filles. Elle ne fait pas mystère de son vote, et voit même dans la victoire de François-Xavier Ceccoli une nécessité : "On a besoin d'entendre un peu autre chose que les discours des natios. On a l'impression qu'il n'y a plus qu'eux. Il n'y a pas que la langue corse et Elong-Abé. Des problèmes, on en a aussi au quotidien, et il faudrait qu'ils s'y intéressent..."
Quelques dizaines de kilomètres plus loin, à Barchetta, Pierre hausse les épaules quand on évoque la possibilité que Jean-Félix Acquaviva perde son siège au palais Bourbon. Il est nationaliste, et pour lui, il est impensable de ne pas voter pour l'ancien maire de Lozzi : "l'enjeu de ces Législatives, chez nous, c'est l'autonomie. Ça fait deux ans qu'on strazzie, et là on peut tout foutre en l'air... Déjà qu'on ne sait pas avec qui on va négocier, si en plus on a moins d'élus natios à Paris... Et puis il faut juger les bilans, et Jean-Fe, on ne peut pas dire qu'il n'a pas travaillé les dossiers !"
Dimanche soir, bien sûr qu'on regardera les scores chez nous. Mais à mon avis, la vraie pression, elle sera quand on attendra les résultats nationaux...
Sur la route qui mène de Casamozza à Ponte Leccia, à trois jours du premier tour, on peine à apercevoir une affiche pour la campagne des Législatives. Les seuls qui ont réagi suffisamment rapidement, malgré la précipitation générale semblent être les militants de Core in Fronte, qui ont tapissé murs et troncs d'arbres. Les Indépendantistes n'avaient pas présenté de candidat en 2022, Cette fois-ci, Antoine Carli est sur la ligne de départ.
>> Revoyez le débat entre les candidats de la circonscription sur Viastella
Mais Pierre veut croire que cette candidature n'handicapera pas le député sortant : "la dernière fois, il y avait Lionel Mortini, pour Corsica Libera. Cette fois, c'est Carli. Un Indépendantiste chasse l'autre !".
Si le scrutin, sur l'île, revêt un aspect particulier, rare sont les Insulaires qui font peu de cas des enjeux nationaux. C'est en tout cas ce qu'espère Saveria, 49 ans et, dit-elle en souriant, "presque 40 ans de militantisme à la gauche de la gauche !"
"Dimanche soir, bien sûr qu'on regardera les scores chez nous. Mais à mon avis, la vraie pression, elle sera quand on attendra les résultats nationaux... Penser que ces élections ne nous concernent pas, ce serait de la bêtise pure".