Procès des gîtes ruraux de Haute-Corse: le député Paul Giacobbi nie toute implication

Me Jean-Louis Seatelli, avocat de Paul Giacobbi; Stella Leccia, veuve de Jean Leccia; Marie Leccia, soeur de Jean Leccia ©France 3 Corse ViaStella

"Si j'avais voulu monter un système frauduleux, il aurait été nettement mieux fait": le député DVG de Haute-Corse Paul Giacobbi a nié lundi toute implication dans un vaste système de détournement de fonds publics à des fins clientélistes.


Au terme de la première semaine du procès dans lequel comparaissent 23 autres prévenus, le procureur Nicolas Bessone a toutefois fustigé le rôle central de Paul Giacobbi, 59 ans, dans ce système "dont on a enfin parlé tout haut, alors que jusqu'à présent tout le monde en parlait tout bas".

Pour l'accusation, le député, président du conseil général de Haute-Corse de 1998 à 2010 est au coeur d'un système de détournement de subventions théoriquement destinées à la construction ou à la rénovation des gîtes ruraux.

Durant quatre heures à la barre, Paul Giacobbi a nié toute implication, rappelant qu'il était énarque et avait fait partie, comme haut fonctionnaire, de plusieurs cabinets ministériels pour assurer que s'il avait monté un tel système "il aurait été nettement mieux fait". 

Il a affirmé "n'avoir jamais eu entre les mains les dossiers de demandes de gîtes ruraux qui étaient traités par les agents administratifs des services concernés".

"La signature sur les autorisations de subventions ne correspondait parfois pas à la mienne, soit parce que je n'étais pas là, soit parce qu'elle semble avoir été photocopiée", a aussi répondu le député, longuement interrogé par la présidente Michèle Saurel.

Niant de nouveau avoir pu favoriser certains de ses proches, parents ou collègues, il a évoqué les assassinats de deux de ses proches collaborateurs, son conseiller particulier Dominique Domarchi, en 2011, et le directeur général des services du département, Jean Leccia en 2014.

"C'est horrible et insupportable, mais je ne sais toujours pas pourquoi ils sont morts". Une déclaration qui n'a pas manqué de faire réagir la veuve et la soeur de Jean Leccia, pour qui "tous ces dysfonctionnements du Conseil Général" sont à l'origine de la mort de l'ancien DGS. 

©France 3 Corse Viastella


Un "système clientéliste et clanique" 

Seize bénéficiaires de ces aides, d'un montant total proche de 500.000 euros, attribuées de 2007 à 2010, sont jugés dans ce procès aux côtés de hauts fonctionnaires et d'élus de la collectivité territoriale.

Lundi soir, le parquet a requis des peines de prison avec sursis de un à trois ans, pour 15 de ces bénéficiaires, ainsi que des amendes allant de 15.000 à 45.000 euros. Seul un des bénéficiaires, déjà condamné dans le passé, a vu requérir contre lui une peine de deux ans de prison ferme.
 
Ces bénéficiaires résident tous dans la circonscription électorale de Paul Giacobbi, président de conseil général de 1998 à 2010, année où il a pris la présidence de la Collectivité territoriale de Corse jusqu'à la victoire des nationalistes en décembre 2015.

Pour le procureur Bessone, le député était "politiquement" le principal bénéficiaire de ce "véritable système clientéliste et clanique".

Le magistrat a aussi fustigé le rôle central des deux conseillers particuliers de Paul Giacobbi dénoncés par le maire du village de Moltifao et ancien conseiller général Jacques Costa, lui aussi jugé à Bastia : il s'agit de deux autres maires, Dominique Domarchi, assassiné en 2011, et Augustin-Dominique Viola, convoqué vendredi mais qui ne s'est pas présenté au tribunal.

"Le cabinet est l'émanation politique du président du conseil général. Ce procès aura eu le mérite, pour la première fois, de disséquer la réalité d'un système en Haute-Corse et il serait dramatique que les auteurs s'en sortent encore une fois", a dit Nicolas Bessone.

Il s'est encore insurgé contre le népotisme qui a permis de recruter au conseil général un fils de Dominique Domarchi qui n'avait aucune compétence pour occuper ce poste, tandis que son frère et son épouse bénéficiaient de subventions détournées destinées aux gîtes ruraux.

"Comment M. Giacobbi peut-t-il dire qu'il ne savait pas ?", a demandé Nicolas Besonne.

L'avocat de l'association Anticor, Jérôme Karsenti, plaidant pour la partie civile, a souligné que "parmi les 16 bénéficiaires, il n'y a aucun anonyme : tous se connaissaient".

"Ils se sont enrichis avec de l'argent public en valorisant leur patrimoine et en utilisant des procédés proches de l'escroquerie, mais validés par l'administration", a dénoncé Me Karsenti, rappelant notamment que trois d'entre eux avaient présenté "le même dossier de demande de subventions, avec les mêmes fausses factures".

Le procureur Bessonne a demandé au tribunal "de raisonner dans cette affaire comme dans un dossier de grand banditisme, avec association de malfaiteurs". 
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