Depuis des années, le personnel soignant de l’hôpital de Tattone dit ne pas avoir les moyens de travailler correctement. Plusieurs plaintes seraient parvenues à l'Agence Régionale de Santé, qui a mené une enquête sur place cet été, redoutant de la maltraitance. Mais rien n’a été révélé.
Pourtant bien abrité par une des plus belles forêts de Corse, l'établissement de Tattone est un peu sous pression. Le 27 juin dernier, sans prévenir, une dizaine de contrôleurs ont débarqué au pôle « Handicap » de l'hôpital. Pendant cinq jours, ils ont auditionné les personnels, leurs pratiques, leurs gestes, leurs organisations du travail.
Sans que jamais l'origine de cette inspection ne soit dite. Mais c'est le jeu. « On n’a pas su qu’il y avait des pseudo-plaintes. Pour nous, il n’y en a pas. Il y a peut-être des réclamations, mais des plaintes, ce mot-là n’est jamais sorti », témoigne Francesca Giacobetti, aide-soignante, secrétaire CGT Hôpital Corte Tattone.
Véronique Lepidi a un frère et un beau-frère handicapés, à Tattone depuis des années. Elle a été avertie quelques jours avant l'inspection et s'en est étonnée. « Pour moi, Tattone est un lieu de vie tout à fait apaisé pour les membres de nos familles. Je n’ai aucune remontée négative de parents », explique la représentante des familles de l’hôpital.
Pas de maltraitance volontaire
Du côté de l'Agence régionale de santé (ARS), c'est pourtant bien le terme de plainte qui est retenu. En trois mois, il y en aurait même eu plusieurs explique un directeur, tout en minimisant. « Il n’y a pas eu beaucoup de plaintes. On était sur deux ou trois plaintes. Il n’y a pas de maltraitance volontaire que l’on aurait pu constater », indique Joseph Magnavacca, ARS de Corse, directeur de la santé publique et du médico-social.
Mais alors des plaintes pour quoi ? Trois mois après les contrôles, il faut encore attendre la fin de la procédure.
Et cela n'apaise pas l'ambiance dans cet hôpital où il n'est déjà pas très simple de travailler. D'abord, parce que le pôle handicap n'a rien d'un pôle. 53 lits ont été répartis au gré des possibilités de ce vieil établissement sur trois niveaux différents. Ce qui laisse penser à trois services séparés alors que les agents y sont rattachés comme en un seul.
« On nous reproche aujourd’hui ce que l’on a réclamé en 2015 »
Mais le pire est ailleurs : pas plus de médecins que de psychiatres affectés, pas assez d'éducateurs spécialisés. Les syndicats le disent à l'ARS depuis longtemps.
« Ce qui m’a impacté avec cette inspection, c’est le temps qui s’est écoulé entre 2015 et aujourd’hui. Tout ce qu’on a demandé en 2015, c’est ce qu’on nous reproche aujourd’hui : de ne pas pouvoir mener nos missions à bien. Et assurer une qualité de prise en charge de nos résidents alors que l’on est en demande depuis tout ce temps », estime Marina Corteggiani, aide-soignante déléguée CGT.
Dans des courriers transmis par la CGT à l'ARS : l'alerte est incontestable sur les dysfonctionnements. Ils stipulent « [d]es services sont dans l'insécurité » qui « génère une fatigabilité du personnel et en conséquent une prise en charge dangereuse pour nos résidents ». C'était en 2016, il y a deux ans.
« Je ne peux pas vous dire ce qu’il s’est passé hier. Je peux vous dire ce qu’il s’est passé aujourd’hui. […] Il faut embarquer les équipes dans une autre façon de voir les choses, une autre organisation, on verra », reprend Joseph Magnavacca.
L'inspection comme outil normal de contrôle pour garantir la santé publique, il y en a eu 50 dans les différents établissements de Corse en 2017. À Tattone, ce serait la première fois. On peut se demander pourquoi il a fallu attendre peut être une plainte, certainement en tout cas des souffrances des uns et des autres derrière les murs de l’établissement pour la déclencher.