Rixe entre adolescentes à Bastia : violences et réseaux sociaux en question

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Une jeune fille de 12 ans a été prise en charge hier par les sapeurs-pompiers, blessée à la suite d'une violente dispute avec deux autres adolescentes. La scène a été largement filmée et partagée par plusieurs de leurs camarades, sans chercher à les arrêter. Une agression dénoncée par le rectorat, qui indique qu'un suivi éducatif sera mis en œuvre.

Une rixe qui éclate entre une jeune fille, âgée de 12 ans, et deux autres adolescentes, dans un recoin de la rue Saint-François à Bastia. Autour d'elles, une dizaine d'autres jeunes, qui regardent et photographient ou filment pour certains la bagarre, sans intervenir pour les séparer.

La scène, qui s'est déroulée aux environs de 18h, hier, jeudi 11 mai, a rapidement été partagée auprès des plus jeunes sur les réseaux sociaux, dépassant notamment le cadre des établissements où sont scolarisées les adolescentes en conflit. Une vidéo qui a provoqué un certain émoi parmi les enfants comme leurs parents, dans une région où les rixes entre jeunes reste relativement rares, confirme le procureur de la République de Bastia, Arnaud Viornery.

Souffrant de diverses contusions sur le corps et très choquée, la jeune fille de 12 ans a été prise en charge par les sapeurs-pompiers en début de soirée, et conduite au centre hospitalier de Bastia. Son état de santé n'a pas nécessité une hospitalisation, et l'adolescente a pu rentrer chez elle en fin de soirée. Sa famille a décidé de porter plainte : celle-ci "devait être prise" ce vendredi matin, indique le parquet.

Les raisons précises de cette violente dispute restent encore à définir. Selon le rectorat de l'Académie de Corse, après un premier différend concernant deux des jeunes filles, intervenu à l'extérieur de l'établissement, ces dernières se seraient retrouvées, rejointes par une troisième élève, donnant lieu à l'altercation.

Des violences "inacceptables"

Des faits "inacceptables", tranche le rectorat, qui les condamne avec "la plus grande fermeté", et insiste qu'ils ne sont "absolument pas révélateurs du climat scolaire serein et apaisé que nous connaissons dans notre académie."

"Des actes absolument pas révélateurs du climat scolaire serein et apaisé que nous connaissons dans notre académie."

Rectorat de l'Académie de Corse

Rappelant qu'aucune forme de menace, de violence, quelles qu'elles soient, "ne saurait être tolérée" dans et aux abords des établissements scolaires, l'Académie de Corse affirme qu'une rencontre sera organisée "avec les parents des élèves concernées dans l’établissement."

"Un suivi éducatif sera mis en œuvre, différentes mesures pouvant être opportunément prises au regard des responsabilités de chacun. Par ailleurs, les actions de prévention déjà engagées auprès des élèves se poursuivront, en lien étroit et avec l’appui permanent des équipes académiques engagées sur ces questions", poursuit-on.

Le "happy slapping"

Mais au-delà des coups échangés entre ces trois jeunes filles, c'est également l'attitude des autres enfants qui les entouraient, passifs, voir spectateurs enthousiastes de la rixe en la filmant, qui interroge. 

Les affrontements entre jeunes n'ont pas attendu Internet et les réseaux sociaux pour exister. Mais la diffusion de ceux-ci à plus ou moins large échelle est en revanche relativement récente : plus précisément, depuis l'apparition des téléphones portables dotés de la vidéo, détaille Michael Stora, fondateur de l'Observatoire des mondes numériques, interrogé par le site CNET.

Le fait de filmer une scène de violence puis la poster sur les réseaux sociaux porte un nom, continue le spécialiste, également psychologue clinicien pour enfants et adolescents : le happy slapping. Un terme qui s'applique à des agissements d'intensité variable, de la simple vexation aux violences les plus graves, agressions sexuelles comprises.

"Une fascination pour la violence et finalement presque un effet cathartique pour certains lors de l’adolescence"

Michael Stora, fondateur de l'Observatoire des mondes numériques

Nés dans un monde "tout numérique", où les réseaux sociaux sont rois, et l'action de partager sa vie et ses gestes au plus grand nombre, banalisée, le fait de filmer et poster des scènes de violence tiendrait presque du réflexe pour une partie des plus jeunes.

Selon Michael Stora, il y aurait "une fascination pour la violence et finalement presque un effet cathartique pour certains lors de l’adolescence", d'où une plus grande propension à aimer, commenter puis partager ces contenus, lorsqu'un jeune tombe dessus.

Des enregistrements et diffusions d'images punis par la loi

Reste que ce comportement est pénalement répréhensible. Au cours de leur enquête, les policiers de la sécurité publique s'attacheront ainsi à déterminer les auteurs et les causes de cette violente altercation ayant opposé les trois jeunes filles à Bastia, jeudi. Mais ils pourraient également s'intéresser aux autres collégiens, témoins passifs qui ont filmé la scène. 

Depuis la loi du 5 mars 2007, le Code pénal considère ainsi "constitutif d'un acte de complicité" le fait d'enregistrer "sciemment, par quelque moyen que ce soit, sur tout support que ce soit, des images relatives" à la commission d'une agression (article 222-33-3).

Concrètement, celui qui filme risque ainsi autant que celui qui commet les violences. Les peines encourues varient en fonction de la gravité de l'acte incriminé, de 750 euros d'amende si la victime s'en tire sans lésion, à 10 ans d'emprisonnement et 150.000 euros d'amende en cas d'infirmité permanente, ou 15 ans pour un homicide involontaire.

Plus encore, la loi prévoit jusqu'à 5 ans d'emprisonnement et 75.000 euros d'amende pour toute personne majeure [les mineurs n'ont pas le même quantum de peine, ndlr] participant à la diffusion ou à l'hébergement sur une plateforme d'enregistrement de telles images. Et ce, que le diffuseur ou l'hébergeur des contenus en soit l'auteur ou non.

Le Code pénal indique néanmoins que "le présent article n'est pas applicable lorsque l'enregistrement ou la diffusion résulte de l'exercice normal d'une profession ayant pour objet d'informer le public ou est réalisé afin de servir de preuve en justice."

Un mineur récemment poursuivi en Haute-Corse

Les adolescents qui ont filmé la dispute entre les jeunes filles peuvent ainsi être inquiétés pour complicité.

Le parquet a par ailleurs "récemment poursuivi un mineur de ce chef", dans le cadre d'un autre dossier, précise le procureur de la République de Bastia, sans indiquer si de telles poursuites pourraient être envisagées dans cette affaire.

Comment réagir ?

Si vous êtes témoin d'une agression, quelques gestes et actions simples peuvent faire la différence, rappelle le gouvernement. Si vous vous sentez suffisamment en sécurité pour le faire, vous pouvez intervenir ou dans le cas contraire prévenir les secours. 

En parallèle, diverses campagnes et ateliers de sensibilisation au harcèlement scolaire et aux possibles dérives des réseaux sociaux sont organisés auprès des jeunes et dans les établissements scolaires insulaires.

De son côté, l'Académie de Corse rappelle que "le champ de la prévention de la violence scolaire, de la lutte contre le harcèlement et le cyberharcèlement, de la bonne utilisation des réseaux sociaux constitue une priorité majeure. Tous nos personnels sont mobilisés en ce sens, afin d’offrir à nos élèves les conditions nécessaires à leur réussite et à leur épanouissement."

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