Le rapport incomplet de l'IGF

Chaque année, selon le rapport de l'Inspection Générale des Finances, une perte de 5% de recettes

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Taxe des transports et mauvais payeurs

Dans le magazine en ligne Bakchich, une enquête du journaliste Enrico Porsia révèle les détails complexes du rapport de l'Inspection Générale des Finances sur le non paiement de la taxe des transports au détriment de la collectivité territoriale de Corse.

La taxe transport, créée en 1991, représente 17% des recettes de la collectivité territoriale. Selon un rapport de  l'Inspection Générale des Finances sur le non-versement de cette  taxe par des compagnies aériennes et maritimes, 5% ne serait pas perçu chaque année.

Il y a un mois, après en avoir pris connaissance, Paul Giacobbi, le président de l'exécutif, a saisi le Parquet d'Ajaccio. Le rapport ne fait pas mention de fraude, mais évoque des écarts, des erreurs,  des défaillances. Omission, négligence ou volonté de dissimulation...Le dossier est complexe. Le 23 octobre, le magazine en ligne Bakchich dévoile le rapport confidentiel de l'IGF et  l'enquête menèe par le journaliste Enrico Porsia s'interroge sur les régulations spontanées à hauteur de 3 millions d'euros qui, selon l'exécutif corse, auraient été récupérées. Des régulations que le rapport de l'IGF ne  mentionne pas. Décryptage des zones d'ombres et des contradictions  de ce lourd dossier par Alain Verdi.

Un rapport incomplet de l'IGF

Le 16 Mars 2012 l’Inspecteur Général des Finances (IGF), Christophe BAULINET,  signe un rapport consacré à la perception de la taxe des transports et à certains disfonctionnements en matière de perception de cette taxe.  Les informations contenues dans ce rapport ne permettent pas de  répondre à des questions importantes : il y a-t-il eu fraude ? Quelles sont les compagnies qui n’ont pas payé une partie des taxes durant des années ?  Le site bakchich.info publie le rapport de l’IGS, en appuie d’un article du journaliste Enrico Porsia. Son enquête pointe les zones d’ombre du rapport et les contradictions entre son contenu et les déclarations préalables à sa diffusion, de la part du Président du Conseil Exécutif de Corse, devant les élus de cette assemblée.

La taxe des transports

Depuis Mai (loi Joxe) 1991, la Collectivité Territoriale de Corse perçoit une taxe sur les transports (maritimes et aériens). En 2011, le montant perçu s’élevait à 34 Millions d’euros, soit 17%  des recettes de la CTC. C’est dire l’importance de cette taxe dans le fonctionnement de la Collectivité de Corse qui possède le plus petit budget des Régions françaises.

Sont exclus du paiement de cette taxe, les compagnies de croisière et les billets offerts par les compagnies.

Un rapport fiscal annoncé par…  le politique

Le rapport de l’IGF n’était pas encore connu que déjà le Président du Conseil Exécutif, Paul Giacobbi,  y faisait allusion lors de différentes interventions devant l’assemblée de Corse.

                EXTRAIT INTERVENTION PAUL GIACOBBI 23 MARS 2012

« (...) quand par exemple, s’agissant de l’aide sociale, vous avez un rapport de la Chambre Régionale des Comptes qui vous dit que ça ne va pas, que par ailleurs vous constatez qu’on nous vole chaque année entre 3 et 5 M d’€ par an en terme de taxe sur les transports et qu’il y a des discordances, que vous saisissez l’Inspection des Générale des Finances, que celle-ci avant même qu’elle soit arrivée,  rassurez vous elle est arrivée maintenant et elle travaille, mais entre le temps où elle est annoncée et le moment où elle arrive, il y a des régularisations spontanées à hauteur de 3M€ par an, vous dites qu’effectivement on nous volait et qu’on a commencé à redresser les choses ». 

     C’est à cette occasion que qu’apparaît la somme de « 3 M€ par an »  régularisée, sans que ce montant soit confirmé par le rapport de l’IGF.

Un rapport incomplet

A la lecture des vingt pages du rapport, on reste sur sa faim. Plusieurs questions restent sans réponse.

D’abord, qu’elles sont les compagnies concernées ?  L’inspecteur des Finances écrit : « les données qui suivent constituent les données de synthèse uniquement. En effet les données détaillées par compagnie sont soumises au secret fiscal » (page 13). Circulez, il n’y a rien à savoir. Une note de synthèse, avec le nom des compagnies, accompagne bien le rapport, mais sa publication intégrale  violerait le secret fiscal. Cette « note de synthèse » a été transmise, avec le rapport au Procureur de la République d’Ajaccio.  C’est ce dernier qui pourra estimer s’il y a matière à entamer des poursuites pénale, ou non. Ce n’est qu’une hypothèse d’école, mais ces éventuelles poursuites ne porteraient que sur la période non abordée dans le rapport.

Autrement dit, « ce n’est pas gagné » comme nous confie un observateur du dossier.

Une période d’observation limitée

Le rapport de l’IGF étudie une courte période, de 2008 à 2011. Pourquoi une si courte période, alors que la perception de la taxe a débuté fin 1991 ? Simplement parce que la période précédente est couvert par la « prescription fiscale ». Autrement dit, s’il y a eu des non paiements avant 2008, ils sont prescrits sauf si on amène la preuve qu’il y a eu fraude.

La période 1991-2008 n’est pas couverte par une prescription pénale. Seul le Procureur de la République peut estimer qu’il y a lieu a pousser plus loin des investigations. Pour entamer des poursuites pour fraude, il faut réunir au moins une des deux conditions suivantes :

     Soit trouver des éléments dans le rapport qui incitent à aller plus loin, soit une volonté judiciaire sans faille et ou une volonté politique. On voit que « ce n’est pas gagné ».

Une investigation limitée

Non seulement l’Inspecteur des Finances est limité par la période, mais en plus il ne dispose pas de toutes les données. Le cri du cœur se cache au milieu d’un chapitre de la page 12 : « la mission n’a évidemment pas pu avoir accès aux données comptables des entreprises  ».  Forcement, pour y avoir accès, il aurait fallut que l’affaire prenne une dimension pénale. Pour que le dossier passe au stade du pénal il faut des informations. Le serpent se mord la queue.  Seule une volonté peut débloquer la situation, existe-t-elle ?

Un os à ronger

La seule période étudiée nous laisse sur notre faim. A la lecture du « solde à récupérer pour la CTC  » dans la  période connue, la pêche est maigre. Le tableau de la page 1 du rapport illustre ce constat.

 

 

D’ où viennent les « régularisations spontanées » ?

     Cela relève du « secret fiscal », mais on sait qu’il s’agit de « deux compagnie aérienne low cost et d’une compagnie maritime ».  Le tableau, ci-dessus, porte sur des sommes limitées, par rapport à la durée supposée du non paiement (1991-2011). Si ce non paiement  est bien dans la moyenne de près de « 3 Millions d’euros par an », alors le montant perdu sur la période prescrite fiscalement (1991-2007)  est énorme, il pourrait atteindre plusieurs dizaines de millions d’euros. Ce montant mérite, sans doute des investigations plus poussées que ce simple rapport.

     De plus, on peut penser que la période prescrite, concerne, surtout, une ou des compagnies maritimes. En effet, si on se réfère aux « compagnies aériennes low cost », la première liaison (Genève-Ajaccio) date de Juin 2008 pour Easy Jet et de Juillet 2009 pour Ryanair.

Une Collectivité spoliée,  une concurrence faussée

  Si la justice ne se donne pas les moyens d’une investigation poussée, on peut craindre deux choses :

 D’ abord que la concurrence, dans le maritime,   n’ait été faussée des 1991.

 Ensuite, que la CTC ne retrouve jamais l’argent qui lui est dû. Plusieurs dizaines de millions d’euros.

Le profil « amaigri » de la future Délégation de Service Public qui démarre fin 2013, est en partie justifié politiquement par une « période financière  de vaches maigres », la casse aurait été limitée si les mauvais payeurs avaient réglé l’addition.

Le rôle de l’État


Que comptent faire les autorités. Ce sont bien les services du Ministère des Finances qui est en charge du contrôle de la bonne perception de la taxe des transports, depuis le début.
Plusieurs compagnies maritimes, n'aurait pas subit de contrôle, il y aura t-il un autre rapport? 
Ces services n’auraient donc rien vu, durant plus de vingt ans ?  Une telle cécité laisse perplexe.  Ce même État  peut-il enquêter, en partie, sur lui-même ? Décidément, "ce n’est pas gagné".

La réaction de la compagnie easyJet

Suite à votre article sur l'IGF en Corse publié le 25/10 sur corse.france3.fr qui évoque easyJet : "Selon un rapport de l'Inspection Générale des Finances sur le non-versement de la taxe transport par des compagnies aériennes et maritimes, 5% ne serait pas perçu chaque année.(...) D' où viennent les « régularisations spontanées » ? Cela relève du « secret fiscal », mais on sait qu'il s'agit de « deux compagnies aériennes low cost et d'une compagnie maritime ». Si on se réfère aux «compagnies aériennes low cost », la première liaison (Genève-Ajaccio) date de Juin 2008 pour easyJet et de Juillet 2009 pour Ryanair", nous tenions à vous envoyer les éléments suivants :

"easyJet paye la taxe régionale Corse. Elle n’a par ailleurs jamais été redressée.
easyJet est strictement en conformité avec les différentes législations en vigueur dans les pays et les régions où elle opère. Ainsi en application de la loi, l’entreprise s’acquitte des taxes levées par les différents organismes.
Jusqu’en février 2011, aucune facturation ni information quant à la perception de cette taxe spécifique à la Corse n’avait été communiquée à la compagnie localement, et ce, malgré nos efforts. C’est grâce à notre insistance auprès des autorités nationales qu’un processus de paiement a pu enfin être établi.
easyJet a immédiatement régularisé sa situation puisque le montant dû avant de réussir à payer cette taxe avait été provisionné dans ses comptes. En effet, l’entreprise n’a jamais eu l'intention de ne pas la payer.
Depuis février 2011, date à laquelle la procédure de paiement a enfin été établie, easyJet s’acquitte normalement de la taxe régionale Corse."

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