Interdiction des messes publiques : "la religion catholique ne peut pas se vivre à distance"

Depuis la mise en place du reconfinement généralisé le 30 octobre, les messes publiques sont suspendues. Au grand désarroi des croyants en Corse, comme partout en France, qui y voient là une atteinte à la liberté de culte.

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"C'est un besoin pour moi de participer aux messes, de prendre part à l'eucharistie. C'est quelque chose de vital dans la vie chrétienne. Ne pas pouvoir vivre ma foi pleinement, aujourd'hui, j'en souffre énormément."

Ce dimanche 15 novembre, et comme le dimanche précédent, Marie-Hélène, catholique pratiquante d'Ajaccio n'a pas pu se rendre à l'Eglise pour la messe dominicale. Pas plus que sa famille, ou tous ses amis pratiquants : depuis la mise en place d'un reconfinement généralisé, le 30 octobre, la tenue de messes publiques n'est plus autorisée.

Ainsi, si les établissements de culte sont autorisés à rester ouverts, depuis le 3 novembre, "tout rassemblement ou réunion en leur sein est interdit, à l'exception des cérémonies funéraires dans la limite de 30 personnes", indique l'article 47 du décret du 29 octobre.

Une mesure visant à limiter la propagation de la Covid-19 qui a indigné de nombreux croyants, en Corse comme sur le continent.

Estimant qu'il s'agit là d'une atteinte à la liberté de culte, des fidèles, des religieux, et la conférence des évêques de France (CEF) ont saisi, immédiatement après la parution du décret, le juge des référés du Conseil d'État.

En tout, une vingtaine de référés-libérés ont été déposés auprès de la plus haute instance administrative. Leur examen s'est déroulé le 5 novembre, et la décision du Conseil d'État est tombée samedi 7 novembre en fin de journée.

Une atteinte à la liberté de culte qui n'est "pas manifestement illégale"

Dans cette ordonnance en question, le juge des référés estime ainsi que "la circulation du virus sur le territoire métropolitain s’est fortement amplifiée au cours des dernières semaines malgré les mesures déjà prises. Les motifs de rassemblement autres que scolaires et professionnels ont par conséquent dû être limités."

Le risque de contamination dans les lieux de culte, continuent les juges du Palais royal, n'est "pas écarté". "L’atteinte portée par le décret à la liberté de culte, à la liberté personnelle, à la liberté d’aller et venir et à la liberté de réunion n’est pas manifestement illégale".
 

Pour lire la décision du Conseil d'Etat en référé

Dans le même temps, le Conseil d'Etat a confirmé le maintien de l'autorisation des cérémonies d'obsèques, dans une limite de 30 personnes. Pour les mariages, le comité est restreint à six personnes au maximum.

L'institution a enfin indiqué que "les dispositions relatives aux mariages et aux justificatifs de déplacement gagneraient à être explicitées".

Une "coup de massue" pour les fidèles

La Corse compte plus de 400 paroisses catholiques. Lors du premier confinement au printemps dernier, le Conseil d'État, déjà saisi par des fidèles et membres du clergé, avait levé l'interdiction de réunion dans les lieux de culte en raison de son "caractère disproportionné".

"Bien que nous comprenons l'urgence sanitaire, nous aurions estimé logique que la décision rendue soit la même, aujourd'hui" soupire Marie-Hélène. Avant l'arrivée de la pandémie de Covid-19 sur l'île, elle n'avait, assure-t-elle, jamais manqué une seule messe de sa vie.

La religion catholique, ce ne sont pas seulement des prières, qui peuvent être effectuées dans l'intimité. C'est aussi des rencontres, du partage.

Sa paroisse propose bien des messes à distance, notamment via des direct Facebook.

Mais à ses yeux, "ce n'est pas la même chose" : "la religion catholique, ce ne sont pas seulement des prières, qui peuvent être effectuées dans l'intimité. C'est aussi des rencontres, du partage. Enlever cet aspect de notre religion, c'est empêcher quelque chose d'absolument essentiel à la vie de foi. Notre religion ne peut pas se vivre à distance."

Un point de vue partagé par Guillemette, 24 ans. "Pour nous, catholiques, prier chez soi ou se rendre seul à l'église, ce n'est pas du tout la conception de notre foi. Je pense que cela aurait été possible de permettre quelques cérémonies, en imposant un protocole très strict comme cela avait été le cas en mai."

Plus de 100.000 signataires d'une pétition

Comme plus de 100.000 autres personnes, Marie-Hélène et Guillemette ont signé la pétition "Pour la messe", lancée le 30 octobre dernier par des croyants.

Celle-ci enjoignait le président de la République à laisser les catholiques prier, à l'heure où ces derniers s'estiment "pris pour cible" : "nous voulons enterrer nos morts, baptiser nos enfants, accompagner nos malades, entourer nos prêtres".

"C'est formidable, cette mobilisation de large ampleur qui s'est organisé,
s'émeut Marie-Hélène. Mais quel dommage de ne pas avoir été entendus."

On sait que c'est juste pour un temps, donc on se montre patients, en attendant de plus beaux lendemains.

La décision réexaminée le 16 novembre

La position du Conseil d'État pourrait être amenée à évoluer le 16 novembre, au terme de l'état d'urgence sanitaire; Un réexamen du reconfinement doit alors être effectué par le gouvernement.

Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin recevra également à cette date les représentants des cultes au ministère. Les évêques de France présenteront à cette occasion un nouveau protocole sanitaire, prévoyant notamment un espace de 4 mètre carré pour chaque fidèle.

"On espère vraiment que la balance penchera à ce moment-là de notre côté" souffle Marie-Hélène.

En attendant le prochain verdict, Guillemette s'attache elle à trouver des manières de continuer à vivre sa foi, quoiqu'un peu différemment : "J'ai la chance d'avoir une église à moins d'un kilomètre de chez moi, donc je m'y rends souvent pour prier, par exemple."

"On sait que c'est juste pour un temps, donc on se montre patients, en attendant de plus beaux lendemains.

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