INTERVIEW. "Le plan déchets est une mystification" pour le collectif anti-mafia Massimu Susini

Le plan territorial de prévention et de gestion des déchets a été examiné, fin février, par l'Assemblée de Corse. Le texte, bientôt soumis à une enquête publique, inquiète Jean-Toussaint Plasenzotti du collectif anti-mafia Massimu Susini.

Après 26 amendements déposés, l'assemblée de Corse a fini par adopter, fin février, une version revue du plan territorial de prévention et de gestion des déchets, aussi connu comme le "plan déchets". Le texte, long de plusieurs centaines de pages, doit mettre en place la prochaine gestion des détritus sur l'île.

Tri sélectif à la source, collecte au porte-à-porte mais aussi enfouissement des déchets, gestion publique des infrastructures et chaudière à CSR (combustibles solides de récupération) sont évoqués. Parmi tous ces projets, Jean-Toussaint Plasenzotti du collectif anti-mafia Massimu Susini regrette des zones d'ombre qui laissent libre court à certaines dérives.

Dans votre dernier communiqué, vous mettez en avant le terme "mystification" pour évoquer le "Plan déchets", adopté fin février par l'Assemblée de Corse. Pourquoi ?

Jean-Toussaint Plasenzotti : Quand les magiciens préparent un tour, ils vous montrent un artifice d'une main. Mais, c'est l'autre main, celle qui est cachée, qui travaille dans l'ombre pour réussir le tour de magie. C'est de la mystification et c'est le jeu auquel joue l'exécutif avec ce plan. Le texte qui sera présenté à la population dans les prochains mois, dans le cadre de l'enquête publique, manque de précision.

Fin février, la première mouture votée à l'Assemblée de Corse a fait l'objet de 26 amendements. Non seulement rien n'a été réglé, mais en plus on y voit encore moins clair. Par exemple, ce plan nous explique, qu'après étude, une chaudière à CSR pourrait être envisagée. Mais, en 2018, lors de la deuxième session ordinaire, le président du conseil exécutif de Corse a produit un rapport.

Ce rapport dit :

Même invisibles, les cumuls de particules émises après filtrage restent très importants et potentiellement susceptibles d’impacter la santé publique. Les exploitants n’annoncent aucun progrès sur les mâchefers résiduels (...). Ceux-ci contiennent des toxiques issus de la combustion des plastiques, particulièrement et de plus en plus, des composés halogènes très dangereux (brome, fluor, chlore). Au moment où nous nous engageons à ne stocker que des déchets ultimes à impact 'neutre', il serait paradoxal de s’engager dans cette voie qui implique le stockage de déchets dangereux.

Rapport du président du conseil exécutif de Corse, réunion des 25 et 26 octobre 2018.

Trois ans plus tard, on nous dit 'pourquoi pas mettre en place une chaudière', après réalisation d'une étude.

Vous dénoncez également le coût de ce plan...

La chaudière pour incinérer les CSR va coûter 112 millions d'euros. Sur plus de 500 pages, rien ne permet de justifier la construction d'une telle chaudière sur un centre. Alors pourquoi vouloir en construire deux (l'un sur le territoire de la CAPA et l'autre  dans l'agglomération bastiaise, ndlr) ? On va payer plus cher pour être empoisonnés.

Vous reprochez également un manque de clarté quant à la gestion publique des infrastructures, voulue par l'exécutif. Qu'est-ce que ce flou pourrait amener selon vous ?

En tant que collectif anti-mafia, nous sommes inquiets. Nous sommes en faveur d'une gestion publique bien définie sur toute la chaîne du déchet. Et pour cause, le manque de clarté amène à des dérives. La mafia se positionne sur des marchés publics parce que les partenariats public-privé sont des marchés 'captifs'. C'est une pompe à fric. Les réseaux préfèrent se pencher sur ces marchés et, au pire, être punis de quelques amendes, plutôt que de risquer des grosses peines de prison pour trafic de drogue.

Si le secteur privé garde la main-mise sur les infrastructures, comment la collectivité va faire pour s'opposer aux dérives ? A travers tous les marchés qu'a passés le SYVADEC (le Syndicat de Valorisation des Déchets de la Corse, ndlr), les profits se font au bénéfice des entreprises privées et au détriment des Corses, qui paient leur taxe sur les ordures ménagères en moyenne 65 % plus cher qu'ailleurs.

Selon vous, quelle est la cause du flou que vous dénoncez ? 

C'est surprenant. En 2015, les nationalistes ont accédé à la présidence du Conseil exécutif après avoir dénoncé, pendant près de 40 ans, ces systèmes de magouille, ces liens entre responsables politiques et le banditisme. On a donc pensé qu'ils avaient les reins solides et qu'ils arriveraient à faire face aux pressions.

On avait donc un immense espoir. Ils avaient une légitimité politique. Les gens ont voté pour eux, ils sont issus d'un mouvement vieux de 50 ans. Soit, ils ne supportent pas les pressions, soit il y a une forme de complicité. Mais, en l'état actuel, cette dernière possibilité est difficile à imaginer et on ne veut pas y croire.

Qu'est-ce que vous attendez de l'exécutif de Corse ?

Nous voulons que la majorité soit claire sur ses intentions. Sortir un plan aussi opaque est une source d'inquiétudes. Et nous voulons des réponses. Notre collectif fait une analyse critique, on souhaiterait donc que les élus répondent à nos interrogations. Pour le moment, la mise en place de ce plan représenterait un surcoût pour les Corses, plus de pollution et une mafia plus puissante.

 

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