Jean-Michel Djian est l'auteur du documentaire "Moi, Michel Rocard, j'irai dormir en Corse", consacré à l'ancien Premier ministre. Nos journalistes Jean-Philippe Mattei et Jennifer Cappai l'ont rencontré.
"Moi, Michel Rocard, j'irai dormir en Corse", c'est le titre de votre documentaire sur l'ancien Premier ministre socialiste. Pourquoi consacrer une telle œuvre à Michel Rocard ?
Il y a eu des reportages, il y a eu une couverture de presse inimaginable sur Michel Rocard, mais il n’y a jamais eu un film sur lui. C'est le premier. Et pour répondre plus précisément à votre question, c'est justement en découvrant il y a à peu près deux ans, une lettre très peu connue de Michel Rocard, qui s'appelle "J'irai dormir en Corse" qu'est venue l'envie de réaliser ce documentaire. Lorsque l'on se passionne pour la politique, ce qui est mon cas puisque je suis journaliste politique, on découvre cette lettre et on se dit qu'il y a un imaginaire de Rocard, une vie de Rocard qu'on ne connaît pas. Donc je suis parti à Monticello, en Balagne, et un an après, le film était réalisé.
Dès 1968, Michel Rocard a adopté des positions très décentralisatrices. Ça a été aussi le cas en 1988 avec les accords de Matignon, et le droit à l'auto-détermination de la Nouvelle-Calédonie. La question de la Corse s'est également posée. Qu’apprend t-on dans votre documentaire du rapport de Michel Rocard à la Corse ?
En 1966, Michel Rocard a écrit un livre, qui a fait l'effet d'une "bombe" dans le milieu politique : “Décoloniser la province”. Évidemment, les sympathisants socialistes - à l'époque, c'était la SFIO et le PSU - se sont intéressés à ce document. En Corse plus qu'ailleurs, ça a coagulé des énergies politiques assez intéressantes. Et Rocard est venu en Corse animer des séminaires sur la question de “qu'est-ce qu'on fait d'un territoire ? Est-ce qu'un territoire peut faire nation ? Est-ce qu'un territoire peut faire une collectivité ? Est-ce qu'un territoire peut engendrer des identités culturelles, politiques, sociales, qu'il s'agit de mettre en œuvre ?” C'était vraiment une pensée politique en gestation. Le point de départ de sa familiarité avec la Corse, c'était le PSU et notamment ce mouvement autonomiste, indépendantiste, régionaliste corse dans les années 70.
Michel Rocard a adopté des positions très fortes, y compris à l'Assemblée nationale, en 1989. Ce qu'on apprend dans votre documentaire, au-delà de l'évolution de la Corse, c'est le regard qu'il portait sur la classe politique. Quel était-il ?
Il était remonté contre la classe politique, sa classe politique, tout simplement parce qu'elle ne pensait plus. Elle ne faisait qu'agir sur le court terme, alors que lui a toujours pensé sur le long terme. Pour donner un exemple, sur la question écologique, sur la question des territoires, sur la question de la retraite... Tous les sujets que l'on aborde aujourd'hui, qui sont d'actualité, sont des sujets traités il y a un demi-siècle par Michel Rocard. Et si vous allez fouiller dans les documents, on découvre un personnage enchanteur qui, à la fin de sa vie, était désenchanté. D'où le titre, d'ailleurs, du livre qui sort en même temps, mais parce que justement, on ferait bien de s'inspirer de la manière dont Michel Rocard pensait la vie politique à la fin de sa vie, c'est-à-dire, en gros, entre 2000 et 2016, l'année où il est décédé.
Retrouvez l'entretien de Jean-Philippe Mattei et Jennifer Cappai :
"Moi, Michel Rocard, j'irai dormir en Corse" est un documentaire écrit et réalisé par Jean-Michel Djian (coproduction France 3 Corse ViaStella / Les Productions du Triton). Il est disponible en replay sur France TV.