Ce jeudi 7 septembre, l’ancien ministre de l’Intérieur Pierre Joxe est l’invité de Jean-Vitus Albertini. Processus de discussion avec Beauvau, violences, mais aussi assassinat d’Yvan Colonna, l’auteur du statut particulier de la Corse livre à France 3 Corse Via Stella son analyse de la situation politique de l’île.
Depuis 2015, les nationalistes sont devenus majoritaires en Corse : 46 élus territoriaux sur 63, trois députés, un sénateur, un député européen. On aurait pu penser qu’une solution pacifique se dessinerait, et ça n'a pas été le cas. Comment l'expliquez-vous ?
Une solution à quel problème ? Si la solution recherchée, c'est de répondre à toutes les revendications de tous les partis politiques, éventuellement contradictoires, il n'y a pas de solution.
S’il s’agit de trouver une majorité, dans le territoire en question, la Corse par exemple, qui soit d'accord, qui soit homogène pour un certain nombre de choses, comme ça a été le cas, comme je l'ai fait, et qu'en France les gens sont d'accord, ça marche.
Mais qui revendique vraiment l'indépendance ? Est-ce que l'indépendance est possible ? Est-ce qu’on peut être indépendant, complètement indépendant ? Si on est indépendant de la patrie ancienne, est-ce qu'on ne va pas devenir dépendant d'autres ?
Entre l'indépendance et la possibilité donnée à l'assemblée territoriale de Corse de faire des lois dans des domaines de compétence, il y a une marge.
Cela existe dans tellement d'îles dans la Méditerranée qu’il n’y a aucune raison que ça ne se passe pas en France. Mais cela se fera forcément.
Comment jugez-vous l'approche d’Emmanuel Macron sur le dossier corse ?
Je n'ai pas de moyens d'avoir une opinion. Je ne suis pas en position de vous répondre.
Quelle est votre opinion sur l'assassinat d’Yvan Colonna ?
Pour moi, Yvan Colonna, c'est autre chose, parce que c'était le fils d'un de mes amis, Jean-Hugues Colonna, en plus devenu député socialiste. J'ai vécu le drame de sa famille, comme un frère. Mais à part les affaires auxquelles on ne peut rien, les décisions de justice qu'on doit respecter - même si certains les mettent en cause - ce qu’il s'est passé, ce dont a été victime Yvan Colonna, est horrible.
Il était en prison. Il est massacré par un détenu et on sait aujourd'hui que toutes les mesures de sécurité n'ont pas été prises. Par conséquent, cette mort est horrible, comme n'importe quelle mort. Mais elle l'est encore plus car elle est intervenue dans de telles conditions de violence, de sauvagerie et de fautes administratives très graves. Pour le reste, je pense bien sûr à lui. Je n’ai pas connu son épouse et son enfant, qui est né alors qu'il était en prison, mais j'ai bien connu son père et sa mère, et c'est un drame.
On parle de réforme constitutionnelle concernant la Corse aujourd'hui. Est-ce que cela vous paraît possible et faisable eu égard à la situation politique nationale ?
Je ne crois pas que les problèmes de la Corse qui existent aient besoin d’une réforme constitutionnelle, mais peut-être est-ce nécessaire dans l’esprit des Corses. De la même manière que cela l'a été lors du vote à l'Assemblée nationale, comme je l'avais proposé, de la reconnaissance du peuple corse.
Quand le conseil constitutionnel a dit : "non, c'est défendu", les gens n’ont pas compris et au fond, ils étaient quand même contents que cela ait été proclamé, même si cela a été censuré ensuite.
Donc, je pense en effet qu’il est possible qu’une réforme puisse introduire un élément. Elle est utile si elle contribue non seulement à retourner à l'apaisement, mais aussi à améliorer la paix et à assurer la tranquillité.
Avant tout, ce sont des problèmes de tranquillité publique qui doivent être posés et cela relève plutôt de politique générale. Un peu comme ce que de Gaulle disait à propos de la Bretagne. En Corse, on a besoin de tranquillité.
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