En 2021, l’équipe scientifique Gombessa débute une enquête sur les anneaux coralligènes du Cap Corse. Une enquête relatée dans un documentaire diffusé, ce dimanche 13 octobre, à Bastia. Laurent Ballesta, biologiste à la tête de cette mission, répond aux questions de France 3 Corse ViaStella.
Un défi scientifique et technique. En 2021, des chercheurs tentaient de percer le mystère des anneaux de corail du Cap Corse.
Plus de 1.000 cercles parfaits, mesurant jusqu’à 30 mètres de diamètre, à 120 mètres de profondeur, abritant une biodiversité exceptionnelle. Le phénomène est unique en mer Méditerranée.
Un documentaire relate cette aventure : “Cap Corse : le mystère des anneaux” de Yann Rineau. Il a été projeté ce dimanche 13 octobre dans un cinéma bastiais.
Le biologiste et photographe, Laurent Ballesta a dirigé la mission. Il répond aux questions de France 3 Corse ViaStella.
Quand ces anneaux ont-ils été découverts ? Est-ce que dès le départ cela a été la stupéfaction pour vous ?
Oui, cela a été une stupéfaction dès que l’on a appris leur découverte dont on n’est pas à l’origine. Au départ, c’est un étudiant de l’université de Corte qui fait sa thèse de doctorat en géologie et qui parle d’avoir détecté des îlots de vie aux formes particulières qui mériteraient une étude.
Ensuite, ce sont les professeurs Christine et Gérard Pergent qui vont faire une campagne de sonar. Et ils hallucinent parce que sur les écrans du sonar apparaît des cercles extrêmement réguliers, par centaines. Il faut savoir que ce n’est pas petit, c’est 20 mètres de diamètres et ils sont environ tous à la même profondeur et surtout très semblables les uns aux autres, et sans équivalents dans le reste du monde.
C’était évidemment extrêmement intrigant. Leur première théorie était de parler d’atolls coralligènes. Moi comme je connaissais bien les récifs coralligènes et d’imaginer des récifs avec des formes géométriques très précises, c’était vraiment surprenant.
Et surtout, il y a beaucoup de vie animale, notamment, autour de ces récifs...
C’est surtout une vie singulière. L’anneau lui-même est une couronne de cailloux colorés, mais le cœur est un petit massif coralligène très circulaire, très sphérique sur lequel se développe de grandes gorgones qu’on a l’habitude de voir à des profondeurs bien plus importantes.
Au sein de cette petite forêt de gorgones, il y a une biodiversité que l’on voit très rarement et qui en plus était adaptée.
On dit que la Méditerranée est malade, notamment en termes de biodiversité. Est-ce que cela veut dire que, finalement, le parc marin du Cap Corse et des Agriates sont des endroits où l’on va protéger cette biodiversité parce qu’elle est encore très vivace ?
Elle est malade partout, elle est en danger partout, même à l’intérieur d’un parc. Un parc n’empêche pas la circulation des maritimes, n’empêche pas d’éventuelles pollutions chimiques. Mais ce sont des entités qui sont là pour surveiller et qui peuvent ensuite prendre des mesures plus sérieuses.
Je crois que l’on a ramené tous les arguments pour bien faire la démonstration d’une part de la singularité de cet écosystème, du fait qu’il est unique en son genre, qu’il est entouré de massifs coralligènes plus classiques, mais extrêmement riches et bien conservés et que cet ensemble-là est un vrai joyau.
J’ai rarement vu des choses aussi préservées. Peut-être parce que l’on est très loin des côtes, on est à la limite des eaux nationales. Et ce site mérite plus d’attention encore.
Cette découverte a passionné le monde entier. Tout le monde se demandait ce que sont ces anneaux au large du Cap Corse. Vous vous y attendiez ?
Depuis la publication des Pergent de l’université de Corse, j’espérais un jour ou l’autre trouver la possibilité d’y plonger. Ça a été découvert en 2010, mais la première plongée humaine, c’est 2020. Il a fallu 10 ans, une mission, une fenêtre météo particulière ... Ces plongées ne sont pas anodines. C’est 120 mètres de fond au nord du Cap Corse, il y a toujours du vent et du courant. Ce n’est pas simple.
Mais dès la première plongée en 2020, je crois que je n’avais pas atteint le fond que je savais que cet endroit allait m’accaparer plusieurs années. J’avais envie tout simplement d’en faire l’inventaire le plus complet possible et aussi, pourquoi pas, espérer comprendre le mécanisme qui était à l’origine de ces formations si singulières. Je croyais résoudre ça en une expédition l’année suivante en 2021, finalement, il aura fallu trois ans.