Après les violentes manifestations en lien avec l'agression d'Yvan Colonna, le gouvernement s'est dit prêt "à aller jusqu'à l'autonomie" de la Corse. Un mot qui a une forte résonance dans certains territoires, en Guyane mais aussi en Bretagne ou au Pays Basque.
Alors que la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie ont acquis une certaine autonomie et ont leur propre gouvernement, Mayotte, la Réunion, la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane sont parfois traversés par des envies de gagner en autonomie.
Fin novembre, le ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu avait d'ailleurs évoqué " la question de l'autonomie" lors d'un déplacement en Guadeloupe, en pleine crise sociale aux Antilles.
Vers une évolution statutaire en Guyane
En Guyane, la nouvelle mandature de la Collectivité a fait du changement statutaire l'un de ses chevaux de bataille : près de 60 élus guyanais se sont réunis le 19 mars dernier à l'hôtel de la Collectivité Territoriale de Cayenne pour discuter de l'évolution statutaire du territoire.
La Collectivité souhaite travailler sur un statut sui generis, à la carte, et s'orienter vers " le choix d'une Collectivité territoriale dotée de l'autonomie, dénommée pays, dans le cadre de la Constitution", selon le document envoyé aux participants au congrès.
Cependant, beaucoup de zones floues demeurent encore sur le cadre législatif de ce nouveau statut, comme le mode de consultation de la population et la question qui serait posée lors d'un éventuel scrutin pour entamer la transition, qui doit être sans équivoque.
La Nouvelle-Calédonie soutient le peuple corse
La déclaration du ministre de l'intérieur Gérald Darmanin le 15 mars, avant sa visite de deux jours sur l'île, annonçant que le gouvernement était " prêt à aller jusqu'à l'autonomie "a par ailleurs été saluée en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie, deux territoires qui disposent déjà d'une large autonomie, leur permettant notamment d'être compétents en matière économique et sociale, de politique de santé, enseignement scolaire, d'équipement et d'environnement.
Le président indépendantiste du Congrès de Nouvelle-Calédonie, Roch Wamytan, qui a signé en octobre 2019 une convention de partenariat entre le Congrès de Nouvelle-Calédonie et l'Assemblée de Corse a ainsi apporté vendredi son soutien " à la lutte du peuple corse", estimant que le statut du Caillou pourrait inspirer les discussions sur l'autonomie de la Corse.
"Je ne suis pas tout à fait étonné de ce qui est arrivé (...) car c'est ce qui se passe quand le pouvoir de tutelle ne veut pas discuter avec des peuples qui sont en lutte pour leur identité, pour leur dignité, pour leur indépendance ou pour leur autonomie", a déclaré Roch Wamytan, figure historique de la lutte kanak et de l'Union Calédonienne (FLNKS).
Les électeurs de Nouvelle-Calédonie ont voté trois fois non à l'indépendance ces dernières années. Le troisième référendum du 12 décembre dernier, a été marqué par une victoire écrasante des partisans du maintien dans la France (96,5%) après le refus des indépendantistes de participer au scrutin.
L'appel à la méfiance de la Polynésie
" Être un département et une collectivité particulière, pour un souverainiste, c'est un pas en avant. Mais l'autonomie doit être une étape transitoire vers la pleine souveraineté. Elle peut être un piège : on n'est plus dans les mouvements de décolonisation des années 60, on est dans un monde post décolonisation où Macron dit : malheur aux petits, malheurs aux isolés", soutient le député indépendantiste de Polynésie, Moetai Brotherson.
Il assure que ses relations avec les indépendantistes corses " ont toujours été chaleureuses, ce sont des frères de lutte, comme les Kanaks par exemple", et estime que les Polynésiens ne peuvent que les conseiller, "la décision appartient aux Corses".
Les Corses ont une haute intelligence politique et ne se contenteront pas d'une autonomie de pacotille
Moetai Brotherson, député indépandentiste polynésien
" Je leur dis: ne faites pas comme nous en acceptant les compétences sans obtenir les moyens. Ne vous laissez pas enfermer comme nous ad vitam aeternam dans ce statut d'autonomie", ajoute-t-il.
Le Pays-Basque et la Bretagne à l'affut
Surfant sur la déclaration de Gérald Darmanin pour la Corse, l'organisation marginale Front de Libération de la Bretagne – Armée révolutionnaire bretonne (FLB-ARB) demande "l’organisation d’un référendum sur la réunification de la Loire-Atlantique à la Bretagne
mais aussi un référendum sur l’autonomie ou l’indépendance de la Bretagne réunifiée."
Et menace : " Le peuple corse n’est écouté par le gouvernement qu’à la suite d’actions violentes. Ces référendums devront être réalisés avant le 31 décembre 2022, sans quoi l’ARB passera à l’action."
Le parti nationaliste basque EAJ-PNB constate " qu’un territoire de plus de 300 000 habitants équivalent sur le plan démographique à la Corse, au Pays Basque nord, est susceptible de devenir autonome, loin de la logique technocratique des grands ensembles régionaux."
Constituée en janvier dernier pour défendre le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, la Fédération des Pays Unis, constituée de Bastir Occitanie, le Parti Breton, le Parti Lorrain, le Parti Nationaliste Basque (ENJ-PNB) et Prouvènço Nacioun "défend une France des territoires et "appelle le gouvernement à engager également des discussions avec tous les pays de France, en particulier les pays breton, lorrain, basque, occitan, provençal et alsacien, qui attendent eux aussi que le droit des peuples à s'autodéterminer soit respecté."
Dans un entretien accordé à France 3 Corse pendant sa visite des 16 et 17 mars dernier, le ministre de l'intérieur a assuré qu'en cas de réélection d'Emmanuel Macron, les discussions autour de l'autonomie de la Corse aboutiraient avant la fin de l'année 2022.