Une élection en remplace une autre : la présidentielle terminée, la campagne pour les élections législatives, qui vise à élire les députés dans chaque circonscription, est lancée. En Corse, plusieurs candidats se sont déjà fait connaître. Pour les diverses forces politiques, notamment celles ressorties affaiblies du dernier scrutin, l'enjeu est de taille.
Au lendemain de la réélection d'Emmanuel Macron à la présidence de la République, une nouvelle campagne est déjà lancée : celle des législatives, qui se tiendront les 12 et 19 juin prochains.
En Corse, ils sont ainsi un certain nombre à avoir commencé à faire connaître leurs intentions. Dimanche, dans la soirée, après la proclamation des premières estimations de résultats, l'analyse du scrutin par les élus et militants politiques a vite fait place à des prises de positions sur le prochain scrutin électoral.
De quoi permettre de dresser une liste non-exhaustive des candidatures déclarées, possibilités de candidatures, et positions des diverses forces politiques, à moins de deux mois des élections.
Les candidatures possibles ou déjà annoncées en Corse-du-Sud
- Première circonscription
Actuel député Les Républicains de la 1ère circonscription de Corse-du-Sud, Jean-Jacques Ferrara dit rester ouvert à l'idée d'une possible alliance avec le parti présidentiel, sans s'exprimer clairement sur la question pour l'heure. "Je ne suis pas de ceux qui sont toujours contre, même si je suis depuis quelques années dans l'opposition. Mon travail à l'Assemblée nationale m'a permis d'avoir d'excellents rapports avec mes collègues de la majorité, parce que nous avions un travail à faire en commun et je le faisais de la meilleure façon que j'estimais. Donc pourquoi pas, mais maintenant c'est au président de la République, au chef du gouvernement qu'il va nommer et au gouvernement qu'il va constituer de distribuer les cartes et de voir."
Pour autant, souligne-t-il, "l'idée d'un grand parti unique ne me séduit pas tant que ça." Une majorité constituée de tendances, serait déjà "plus intéressante, sinon on risque de cristalliser encore toute une partie de l'opinion qui va du Rassemblement National à l'extrême gauche qui diront plus d'opposition. Un grand parti unique, hégémonique, je ne crois pas que ce soit une bonne idée."
Face à lui, Jean-Jacques Ferrara retrouvera Jean-Paul Carrolaggi. Candidat malheureux de l'ex-union Pè a Corsica en 2017 - il avait manqué le second tour à 13 voix près -, le conseiller municipal d'Ajaccio repart sous la bannière de Corsica Libera, et profite de l'appui du PNC.
Un ralliement de Femu a Corsica est plus incertain : aucune discussion n'a à ce jour été engagée, souffle le candidat. Le parti de Gilles Simeoni pourrait ainsi choisir de présenter son propre candidat, au risque de laisser filer, une nouvelle fois, les chances d'un quatuor nationaliste aux postes de députés insulaires.
Représentant local du Rassemblement National, François Filoni ne fait pas non plus mystère de sa volonté de candidater aux législatives. Objectif : surfer sur la vague "bleue Marine" en Corse des élections présidentielles, pour espérer décrocher un député RN Corse en juin prochain. Pour l'heure, François Filoni précise uniquement que le parti doit "regarder comment [se] lancer pour ces législatives".
"Sur la Corse, nous avons un schéma où nous disons nous allons présenter deux candidatures", glisse le représentant local du parti. Les deux noms seraient à priori déjà actés et tous deux en Corse-du-Sud : François Filoni pour la 1ère, donc, et Nathalie Antona, numéro deux du RN en Corse, pour la 2e. Concernant les députations de Haute-Corse, "nous soutiendrons deux candidatures", annonce François Filoni.
"Il y a des gens qui se sont positionnés, qui sont dans le camp même des Républicains, qui n'ont pas dit on fait front à Marine Le Pen et on laissé leurs électeurs libres. Ces gens-là, qui sont des souverainistes et des gaullistes, on peut les soutenir."
François Filoni ne parle pas clairement "d'union des droites'", mais plutôt d'une opposition des "souverainistes aux mondialistes". "Les souverainistes veulent rendre la parole au peuple que la mondialisation leur a enlevée."
- Deuxième circonscription
Soutien d'Emmanuel Macron, Jean-Charles Orsucci indique lui réfléchir sérieusement à une nouvelle candidature pour la députation de la 2e circonscription de Corse-du-Sud. Pour rappel, en 2017, La République en Marche avait présenté un candidat pour chaque circonscription : François Orlandi et Francis Giudicci en Haute-Corse (respectivement 1ere et 2e), et Maria Guidicelli et Jean-Charles Orsucci en Corse-du-Sud. Le maire de Bonifacio avait obtenu 24,77% des voix au premier tour, terminant troisième homme.
Cette fois-ci, Jean-Charles Orsucci entend "analyser les résultats de l'élection nationale" avant de se décider. Lui qui affirme "être fier" des actions du président de la République au cours des cinq dernières années "sur le plan national et international", se montre plus critique envers celles menées en Corse. Dans un contexte de tensions, notamment survenues à la suite du décès d'Yvan Colonna, le maire de Bonifacio entend "faire en sorte qu'il n'y ait pas", ou plus, "d'incompréhension entre Paris et la Corse", et "initier un processus de paix".
Reste à savoir si Jean-Charles Orsucci sera en lice, et s'il sera ou non ré-investi par LREM, quand d'autres personnalités ont fait entendre leur intérêt.
Parmi celles-ci, Valérie Bozzi, numéro deux d'Un Soffiu Novu, le groupe d'élus de droite à l'Assemblée de Corse. Issue des Républicains, elle estime aujourd'hui la droite en "phase de recomposition". Recomposition qu'elle entend accompagner, au côté du mouvement Horizons, notamment. Fondé par l'ex Premier ministre Edouard Philippe, le parti s'inscrit au sein de la majorité.
De quoi encourager la maire de Grosseto-Prugna à briguer la députation en tant que candidate de la majorité présidentielle.
Pour l'heure, Valérie Bozzi se décrit simplement comme "une candidate divers droite soutenue par Horizons". Mais souligne que Jean-Charles Orsucci "a déjà été candidat en 2017. Je pense que cette fois, ce serait une candidature de trop. Mais chacun réfléchit différemment."
Autre candidat d'ors et déjà déclaré : l'actuel député Paul-André Colombani, candidat pour un second mandat. Le militant PNC, qui avait provoqué la surprise en 2017 en prenant la suite de Camille de Rocca Serra, pourtant longtemps annoncé vainqueur, compte présenter son bilan aux électeurs "dans les semaines qui arrivent". "J'ouvre ma campagne mercredi [27 avril, ndlr.] à 18h, à Sainte-Lucie de Porto-Vecchio. On va aller à la rencontre des électeurs, présenter le mandat et les perspectives. Il y a plusieurs chantiers qui vont s'ouvrir, dont notamment un sur le statut d'autonomie de la Corse. Il va falloir travailler dans ce sens et avoir des représentants de la Corse prêts à défendre cette idée-là."
Dans tous les groupes de l'Assemblée, poursuit Paul-André Colombani, "l'idée de l'autonomie de la Corse, qui était vraiment quelque chose qu'on ne pouvait pas aborder en 2015 et en 2017 quand on a été élus, a fait son chemin. Moi je ne suis pas inquiet de côté-là, mais il va falloir convaincre, ce n'est pas gagné encore. Le Sénat a une majorité à droite, et rien ne se fera contre l'avis du Sénat donc il va falloir discuter avec tout le monde et convaincre du bien-fondé du statut d'autonomie pour notre Corse."
Les candidatures possibles ou déjà annoncées en Haute-Corse
- Première circonscription
Femu a Corsica n'a pas encore communiqué publiquement sur les législatives, mais Michel Castellani confirme être candidat à sa propre succession pour la députation de la 1ère circonscription de Haute-Corse. "Moi ce que je sais, c'est que pendant cinq ans, j'ai fait le travail du mieux que je pouvais. J'ai mis tout mon cœur, toute mon intelligence, maintenant, ce seront les électeurs qui choisiront. Ce que je sais, c'est qu'il faudra qu'il y ait des députés de la Corse qui posent les bonnes questions, qui fassent preuve de pédagogie, de réalisme, de pragmatisme, de sens de la réalité."
Les Corses, renchérit-il, "n'attendent pas n'importe quoi, ils attendent du sérieux et qui essaient de faire avancer la Corse dans le bon sens pour nos jeunes."
Face à lui, il trouvera notamment Julien Morganti. Le conseiller municipal d'opposition à Bastia s'est déclaré en février dernier.
Déjà candidat en 2017 - il avait fini 4e, avec 8,4% des voix -, il entend "porter la voix du rassemblement et du changement" et a vocation à "être un point d'équilibre pour fédérer à la fois les oppositions municipales à Bastia, et les oppositions régionales à l'échelle de la circonscription. La population souhaite cette recomposition politique, et nous allons l'impulser, et aller plus loin".
Autre candidat déclaré : Michel Stefani, secrétaire régional du PCF. Déjà candidat en 2017 (5,3%), en 2012 (4,42%), en 2007 (6,29%), en 2002 (16,19%), en 1997 (14,63%), en 1993 (8,1%) et en 1988 (11,56%) - c'est à dire à l'ensemble des élections législatives depuis le découpage électoral de 1986 -, Michel Stefani se représente donc pour une huitième fois, avec pour binôme Toussainte Devoti.
Le communiste entend poursuivre l'appel "aux jours heureux" de Fabien Roussel à l'élection présidentielle, avec une priorité toute particulière donnée à la question du pouvoir d'achat pour cette nouvelle campagne. Outre Michel Stefani, le Parti communiste a en parallèle fait savoir il y a maintenant plusieurs mois son intention de présenter un candidat par circonscription.
À droite, Enzo Martel pourrait également décider de se présenter. Le président du groupe d’opposition Tutti Furianinchi, qui siège au sein du conseil municipal de Furiani, informe qu’à cette heure, "aucune décision n’est véritablement arrêtée".
"Pour autant, il apparaît quelque peu important que la droite puisse porter une voix", dans la 1ère circonscription comme dans la 2e. Une voix "qui serait libre et celle d’une droite engagée, enracinée, résolument corsiste, empreinte de tradition et de modernité, et qui appelle à répondre aux volets locaux, notamment institutionnels", et d’autres problématiques actuelles, comme la lutte contre la précarité et les questions environnementales.
Enfin, Jean-François Paoli dit se tenir prêt à candidater. Vice-président de la fédération corse du Mouvement radical, formation issue de la fusion du PRG et du parti radical valoisien - qui a soutenu Emmanuel Macron dès le premier tour pour cette élection présidentielle - il pourrait tenter de briguer l'investiture LREM.
Lui souhaite avant tout "élargir" sa candidature, en rassemblant, à échelle locale, de la gauche au centre droit.
- Deuxième circonscription
Jean-Félix Acquaviva devrait également être une nouvelle fois investi par le parti de majorité territoriale pour doubler son mandat. Sa candidature devrait être annoncée dans les prochains jours.
Objectif pour le député : continuer à porter la voix des autonomistes, après ce qu'il considère être cinq années de "rendez-vous manqués" entre les nationalistes corses et le gouvernement, qui n'a pas, selon lui, "initié de discussions de fond".
Le président de la communauté de communes de Lisula et maire de Belgodère Lionel Mortini réfléchit de son côté "depuis un certain temps" à le concurrencer : "J'aurai à communiquer dans les prochains jours sur ma candidature ou ma non-candidature, en tout cas ce sont des choses qui vont être rapides".
Sans rentrer pour l'heure dans le détail du programme qu'il pourrait porter, "cela viendra en temps venu", le militant Corsica Libera précise : "Il y a un candidat sortant qui va expliquer son bilan [Jean-Félix Acquaviva, ndlr]. Et si je suis candidat, ce sera sur des thématiques qui sont les thématiques des nationalistes, mais peut-être sur une méthode et une stratégie différentes vis-à-vis de l'Etat."
Lionel Mortini pourra peut-être compter sur le soutien, au-delà de Corsica Libera, du PNC. Deux partis qui nourrissent des relations tendues avec Femu a Corsica depuis la rupture de la coalition Pè a Corsica l'an dernier.
Concernant la droite, Jean-Martin Mondoloni, membre du groupe Un soffiu Novu à l'Assemblée, ne s'exprime pas pour l'heure sur une possible candidature, estimant qu'il faut d'abord "analyser" les résultats de l'élection présidentielle.
"Les législatives sont normalement la conséquence directe et mécanique de l'élection présidentielle. Je ne suis pas sûr qu'en Corse ce soit le cas. Pour le reste, est ce que la droite, la gauche font encore sens aujourd'hui ? Je fais partie de ceux qui s'interrogent, et qui considèrent qu'il y aura une recomposition de ce paysage politique à droite, souffle-t-il. Pour ma part, je n'entends pas rester observateur, mais acteur de cette recomposition."
En 2017, Jean-Martin Mondoloni s'était présenté dans la seconde circonscription et avait obtenu 13,4% des voix, terminant quatrième. Sa candidature n'est cette fois pas assurée. Le conseiller d'opposition municipale bastiais pourrait également choisir de candidater, cette fois, dans la 1ère circonscription.
François Xavier Ceccoli, président de la fédération Les Républicains de Haute-Corse, devrait ainsi se présenter. Le maire de San-Giuliano a indiqué suivre "très attentivement ce qu'il se passe" et aspire à ce que les "non-nationalistes" puissent également être représentés dans cette élection.
Sa candidature devrait être annoncée dans les prochains jours. De quoi clarifier un peu les positions de la droite insulaire à l'approche du scrutin.
Les formations politiques à la recherche de leurs candidats
À l'extrême droite, le parti Reconquête ! n'a, pour l'heure, pas détaillé sa stratégie. Mais le philosophe Olivier Battistini, chef de file des soutiens d'Eric Zemmour, se disait en février dernier prêt à se présenter.
Du côté de la France Insoumise, Robin De Mari, son représentant régional, estime que "le combat va [s'y] jouer pour trancher les choses". Jean-Luc Mélenchon, leader du parti et troisième homme au premier tour de l'élection présidentielle, a appelé à un vote massif LFI aux législatives pour permettre une cohabitation et sa nomination au poste de Premier ministre.
Mais pour l'heure, Robin De Mari préfère rester prudent : présentation de candidat étiquetés La France Insoumise dans les quatre circonscriptions de Corse ou alliance avec d'autres forces de gauche, "on y verra bien plus clair dans deux semaines".