Cinq ans après l'élection historique de trois députés nationalistes corses à l'Assemblée nationale, le camp nationaliste se maintient, avec quatre candidats issus de la mouvance en lice pour le second tour des législatives, le 19 juin prochain. Parmi eux, les trois députés sortants, qui, pour Michel Castellani et Paul-André Colombani, améliorent même leur score.
La Corse renverra-t-elle trois, voire quatre députés nationalistes à l'Assemblée nationale, à l'issue de ces élections législatives ? Au sortir du premier tour, trois candidats sont en ballotage favorable. Michel Castellani, Jean-Félix Acquaviva et Paul-André Colombani sont ainsi arrivés tous trois en tête, au premier tour ce 12 juin dans leur circonscription. Romain Colonna, candidat Femu a Corsica, termine lui second dans la première circonscription de Corse-du-Sud, derrière le maire d'Ajaccio Laurent Marcangeli.
Un beau démarrage, mais accueilli avec une certaine prudence plutôt qu'au travers de large festivités. L'alliance Pè a Corsica de 2017 n'est plus, et c'est donc sous la bannière de leurs différents partis, et pour la majorité face à d'autres candidats de mouvance nationaliste, que tous se sont présentés.
Michel Castellani en position favorable, mais en deçà des espérances
Avec 33,77 % des suffrages exprimés, Michel Castellani se trouve au sortir du premier tour dans la position la plus favorable des quatre candidats nationalistes, avec 20 points de plus que l'autre candidat également qualifié, Julien Morganti (13,61 %). Un score pourtant en deçà de ce que prévoyaient les observateurs, et surtout de ce qu'espérait son camp, où certains le voyait bien conclure dès le premier tour. Mais le député sortant améliore néanmoins de 3 points son score de 2017 (30,42 %), et récolte 26 voix supplémentaires (8.290 voix en 2017 contre 8.316 en 2022).
"En 2017 la conjoncture était différente, nous avions un bloc uni, a-t-il relevé. Cette année nous sommes partis seuls, ce n'est pas pareil. Et de surcroît il y a moins de votants [il s'agit de la circonscription qui a le moins voté, avec 59,07 % d'abstention, ndlr]. Ce n'est pas un résultat décevant"
En lice face à lui au premier tour, Petru Antone Tomasi, candidat Corsica Libera, décroche la cinquième position, avec 7,38 % (1.818 voix). Combiné, le vote nationaliste représente donc 10.134 voix dans la première circonscription de Haute-Corse, ou 41,14 % des suffrages exprimés. Soit une progression de 1.844 voix et 10,73 %.
Des électeurs que Michel Castellani entend bien rassembler au second tour, appelant l'indépendantiste, et plus généralement "tous les démocrates qui ont envie que la Corse avant à [le] rejoindre." "Pas pour me faire plaisir, mais pour qu'on pèse un maximum dans les discussions qui s'ouvrent [avec Paris, concernant une possible évolution institutionnelle de la Corse, ndlr]. C'est la priorité de cette élection."
Jean-Félix Acquaviva en tête mais suivi de près
Dans la seconde circonscription de Haute-Corse, Jean-Félix Acquaviva régresse lui de 3 points par rapport à 2017, avec 33,46 % des voix (10.670 votes), contre 36,44 % (12.785 voix) cinq ans plus tôt.
"Je crois pouvoir dire que dans cette élection j'étais l'homme à abattre. Mais malgré des propos très acerbes, et l'union de forces qui n'avaient rien en commun, une sorte de "tout sauf Acquaviva", on arrive avec 4 points d’avance. Evidemment c’est une satisfaction. Ça veut dire que nous sommes solides, mais ça veut aussi dire que le projet que nous portons a été compris dans ce premier tour", s'est-il félicité.
Un temps donné deuxième par les premières estimations de résultats Ipsos Sopra-Steria, l'élu Femu a Corsica a finalement bien conservé la première place, devant François-Xavier Ceccoli (29.06 %, 9.267 votes). Candidat divers -droite, le maire de San Giuliano créé la (petite) surprise de l'élection, et représente un adversaire solide au député sortant.
Troisième homme dans cette circonscription où huit candidats se faisaient face, Lionel Mortini, maire de Belgodère soutenu par Corsica Libera, remporte 17,99 % des suffrages exprimés (5.736 voix). Son positionnement sera sans doute déterminant pour le second tour : un soutien apporté au député sortant signifierait la levée quasi complète de tout suspense.
Tout en écartant la possibilité de rassemblement au second tour, Jean-Félix Acquaviva a néanmoins fait un pas vers son ancien allié, lui reconnaissant "un courage politique rare". "Il a su dire des vérités sur son camp, il a été franc et honnête, et je suis sûr qu'il continuera sur cette voie".
L'ancien président de l'Office agricole de la Corse est resté lui très vague sur ses intentions, et entend se déterminer "en conscience" dans les prochains jours. "Je ne fais rien de mes 5.000 voix, qui ne m'appartiennent pas", a-t-il glissé en l'attente, précisant cependant : ""elles appartiennent aux nationalistes et aux gens de gauche qui ont voté pour moi". Au total, les candidats nationalistes ont remporté 16.046 voix pour ce premier tour, soit 3.261 de pus qu'en 2017.
Romain Colonna distancé pour le second tour
Scènes de liesse au sein de la permanence de Romain Colonna, lors de la proclamation des résultats : avec 17,48 % des suffrages (4.135 voix), le candidat Femu a Corsica remporte le match des nationalistes, mené face à Jean-Paul Carrolaggi, du PNC, qui décroche 12,69 %, 3.002 voix. Soit 1.857 de moins qu'en 2017, où le représentant Pè a Corsica avait échoué de peu à accéder au second tour, avec 21,41 % des suffrages.
Cette fois, le camp nationaliste obtient 30,17 % des suffrages et 7.137 voix. C'est 2.278 voix de plus qu'il y a cinq ans. Mais même à deux, le score des nationalistes reste inférieur à celui recueilli par Laurent Marcangeli, soutenu par le mouvement Ensemble de la majorité présidentielle : 33,7 %, ou 7.972 voix.
Romain Colonna se veut pour autant confiant dans ses chances de l'emporter, et annonce compter "se battre jusqu'au bout pour porter les couleurs d'un nationalisme démocratique, ouvert, et de toutes les forces progressistes."
Paul-André Colombani en position confortable
Avec 1.558 voix remportées de plus qu'en 2017, Paul-André Colombani ressort de ce premier tour conforté dans la circonscription. Candidat Pè a Corsica en 2017, uniquement soutenu par le PNC en 2022 mais sans adversaire nationaliste face à lui au premier tour - le seul dans cette situation -, le député sortant récolte 37,24 % des suffrages exprimés. Une progression des voix nationalistes conséquente, qui est cependant la plus faible enregistrée dans les quatre circonscriptions.
Mieux, Paul-André Colombani décroche cette fois la première position, quand il avait du se contenter de la deuxième, cinq ans plus tôt (29,10 %), derrière Camille de Rocca Serra. Cette fois, c'est face à l'alors suppléante de ce dernier et désormais candidate divers-droite Valérie Bozzi (27,62 %) que Paul-André Colombani fera face au second tour.
"Je suis serein. On a creusé l'écart, c'était l'objectif de ce premier tour, ce n'était pas évident. Quelque part, cette stratégie d'être le seul candidat nationaliste est plutôt payante", a remarqué l'élu, ajoutant : "Je suis très heureux du score que nous avons fait, malgré les taux d'abstention record."
Reste désormais à savoir si le député sortant réussira à conserver son avance au second tour, dans ce territoire où l'extrême droite réalise son plus gros score sur l'île : François Filoni, candidat Rassemblement national, obtient 14,77 % des suffrages exprimés (3.787 voix).
Cinq ans après l'arrivée historique de trois députés nationalistes corses au Palais Bourbon, les députés sortants se trouvent désormais en bonne position pour retrouver leur place au sein de l'Assemblée nationale. Sur l'ensemble de l'île, le vote nationaliste a remporté pour ce premier tour 43.226 voix, contre 33.925 voix en 2017 (+ 9.301 voix).
Une belle progression, quand la participation globale, et le nombre de votants, ont chuté : seulement 44,8 % de participation en Corse - c'est moins qu'à échelle nationale, 47,7 % -, contre 49,4 % en 2017 au premier tour. Au total, 108.608 personnes ont voté en Corse, contre 115.221 il y a cinq ans.
Des abstentionnistes que les candidats devront maintenant tenter de convaincre de rallier les urnes, quand le report des voix entre candidats nationalistes n'est pas forcément acquis. Un point qui pourrait profiter à leur adversaire respectifs.