Les Ecologistes et la Corse : je t'aime, moi non plus ?

Jeudi prochain débutera le deuxième tour des primaires écologistes. Et, en Corse, elles suscitent peu d'engouement. Un manque d'enthousiasme étonnant, sur une île où les questions d'environnement font régulièrement la Une de l'actualité. Nous avons essayé de comprendre pourquoi.

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Le premier tour des primaires écologistes, pour désigner le candidat vert à la prochaine présidentielle, a rendu son verdict. Yannick Jadot (27,7 %) et Sandrine Rousseau (25,14 %) se disputeront l'investiture au deuxième tour, du 25 au 28 septembre prochains. 106.000 personnes ont voté à travers la France, par internet.

Une participation spectaculaire, bien supérieure à celle de la primaire de 2011, qui avait établi un premier record avec 33.000 votants. Pour Europe Ecologie Les Verts, cette mobilisation témoigne de l'engouement que les questions environnementales rencontrent aujourd'hui dans la population. 

En Corse, on ne peut pas dire que la primaire ait provoqué le même engouement. Une présence très discrète sur les réseaux sociaux, pas de réunions publiques, des médias globalement indifférents. Et pour cause : seuls deux comités de soutien ont été créés, pour Yannick Jadot et Delphine Batho, alors que cinq candidats étaient en lice. Bref, la primaire écologiste en Corse n'a pas vraiment animé la rentrée politique.

Un ancrage insulaire encore fragile

Quand on lui demande pourquoi l'engouement autour de la primaire n'a pas traversé la Méditerranée, Leslie Pellegri ne fait pas mystère de son agacement. "D'abord, personne n'en sait rien. Qui peut dire que ça n'a pas voté en Corse ? Les inscriptions se faisaient sur une plateforme nationale, où on n'indiquait pas son lieu de résidence.". En conséquence, c'est vrai, aucun chiffre ne permettra de connaître le nombre de votants sur l'île.

L'ancrage du mouvement écologiste est moins profond en Corse qu'au niveau national.

Leslie Pellegri, secrétaire régionale d'EELV

La secrétaire régionale d'Europe Ecologie les Verts le reconnaît néanmoins, "l'ancrage du mouvement écologiste est moins profond en Corse qu'au niveau national". C'est le moins qu'on puisse dire. EELV compte 80 et 100 adhérents insulaires... 

Mais le mouvement partait de loin, à en croire Leslie Pellegri : '"en 2019, quand j'ai adhéré, ils n'étaient que 10. J'ai essayé de relancer une dynamique, depuis mon arrivée, et on a quand même réussi à présenter une liste aux territoriales !"

La présence d'Ecologia Sulidaria parmi les listes candidates, en juin dernier, était, c'est vrai, un petit événement. Il fallait remonter aux élections régionales de 1998 pour trouver trace d'une candidature écologiste en Corse. Et ce retour sur le devant de la scène politique s'annonçait bien. A quelques jours du scrutin, un sondage créditait la liste de 8 %. Au final, les écologistes ne réuniront que 3,75 % des voix sur l'île. 
"On s'attendait à plus..." lâchera, dépitée, Agnès Simonpietri. 

Ecolo ma non troppo

Une déconvenue qui illustre à merveille le rapport ambivalent qu'entretient la Corse avec le mouvement écologiste. L'île est un territoire rural, faiblement peuplé, où la nature est partout. Depuis des décennies, les questions de défense du littoral, de spéculation immobilière, de constructions illégales font régulièrement la Une de l'actualité. Depuis les Boues rouges, en Corse, les combats pour la préservation de l'environnement sont innombrables. Mais aucun parti écologiste n'a réussi à se faire une place dans le paysage politique insulaire. 

 Monique Alfonsi s'occupe du comité de soutien de Yannick Jadot en Corse. Et pour la militante écologise, le paradoxe n'est qu'apparent : "il est très difficile de faire entendre une voix politique écologiste autonome, sur l'île. Tout simplement parce que le champ est déjà occupé par les nationalistes..." 

Mon élection en est un témoignage. Les nationalistes et les écologistes sont des alliés de longue date.

François Alfonsi, député européen

François Alfonsi connaît tout cela par cœur. Militant nationaliste depuis près d'un demi-siècle, il a été élu une première fois député européen en 2009 sur une liste écologiste. Et lors des dernières élections européennes, en 2019, il a retrouvé son siège dans l'hémicycle strasbourgeois, au côté de Yannick Jadot. La liste EELV-AEI-RPS a réuni en Corse 18.870 voix, soit 21,96 % des suffrages. Un score remarquable. "Mon élection comme député européen en est un témoignage, les nationalistes et les écologistes sont des alliés de longue date".

Dans l'ombre nationaliste 

Des alliés de longue date, c'est le moins qu'on puisse dire. Il faut remonter à 1988 pour trouver trace du premier rapprochement. Antoine Waechter est alors l'un des leaders du mouvement écologiste en France. Il ambitionne de se présenter à la présidentielle. Sa tournée du pays, dans le but de rassembler les parrainages nécessaires, le mène en Corse. Et les nationalistes vont lui ouvrir quelques portes. L'année suivante, retour d'ascenseur, les écologistes font une place aux autonomistes de l'Union du Peuple Corse sur leur liste aux Européennes. Max Simeoni, en troisième position, sera le premier nationaliste à faire son entrée au Parlement européen.

Pour françois Alfonsi, cela ne fait aucun doute. "Nombre de combats que les natios et les écolos mènent sont les mêmes. Et je suis convaincu qu'il faut continuer de s'appuyer sur cette proximité".

Durant la campagne des Européennes de 2019, cette proximité joua une nouvelle fois à plein. Le soutien de Gilles Simeoni et de Femu a Corsica à la liste de Jadot ont été déterminants, François Alfonsi le reconnaît volontiers.

Le revers de la médaille, c'est que cette proximité peut parfois être lourde de conséquences pour les écologistes, lorsque les élections sont plus locales. "Dans l'électorat de Gilles, c'est évident, il y a beaucoup de voix qui auraient pu aller aux verts lors des territoriales... Mais ces voix-là iront vers le candidat vert à la Présidentielle, du moins je l'espère !" 

Difficile d'imaginer que les nationalistes donnent quelque consigne de vote que ce soit en mai prochain, selon leur habitude. Mais, à en croire Jean-Baptise Arena, élu Core in fronte à l'assemblée de Corse, il y a des préférences... "Pour nous, les autonomistes et les indépendantistes, il est évident que les écologistes suscitent plus d'espoir de voir nos demandes aboutir que les autres candidats à la présidentielle."

Exister, enfin

 Se faire une place à l'ombre des nationalistes, c'est tout l'enjeu des prochaines années pour les écologistes de Corse. Et Leslie Pellegri y croit. "Une bascule se fait, d'un vote à l'autre, selon les échéances, tout le monde le sait. Alors de notre côté, on s'attache à construire quelque chose de solide, sur le long terme, pour fidéliser un électorat. Et les territoriales ont été la première pierre posée.On a réussi à présenter une liste, on a réussi à proposer un programme complet. Et ce n'était pas gagné..."

Il faut que nous soyons exigeants avec la majorité nationaliste.

Leslie Pellegri, EELV

 Mais comment faire entendre sa différence face à des nationalistes qui sont leurs alliés les plus évidents ? La position de la secrétaire générale de EELV est claire : "on n'a pas signé un blanc-seing aux nationalistes. Il y a des dossiers où ils n'ont pas avancé assez vite, où l'on a cherché en vain des marqueurs forts. Il faut que nous soyons exigeants avec la majorité nationaliste. On a vocation à être là aux prochaines territoriales, pour mettre la majorité actuelle face à ses contradictions". 

Et faire plus que 4 % ? "On s'y prépare. On va créer un collectif Ecologia Sulidaria, qui prolongera la démarche des dernières territoriales. Il réunira EELV, mais aussi Génération S, Génération Ecologie, et a vocation à s'élargir. La première cunsulta de ce nouveau pôle écologiste se tiendra le 3 octobre prochain"

Se fédérer et parler d'une seule voix, enfin, pour prendre ses distances avec une famille nationaliste qui n'en est plus capable. C'est le chantier, ambitieux mais prometteur, qui se dresse devant les écologistes corses pour les prochaines années. 

 

 

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