C’est une forme d'habitat qui séduit de plus en plus en Bretagne. Les éco-hameaux ou hameaux légers sont des lieux de vie participatifs tournés vers la transition écologique. Ils cherchent aussi à répondre à la crise du logement dans notre région. Une vingtaine de communes ont lancé de tels projets.
A Commana (Finistère), la petite maison de Yann Molaret commence à prendre forme. C'est lui qui la construit sur un terrain appartenant à la commune. Son habitat est dit réversible c'est à dire démontable. Il ne repose pas sur des fondations en béton et est réalisé avec des matérieux biosourcés.
"Au sol, on a mis une centaine de parpaings pour faire une première assise. Ensite, on a construit une dalle en bois avec une isolation en laine de bois. Ce type d'habitat léger correspond totalement à mes valeurs écologiques", raconte le propriétaire.
50 m2 pour 16 000 euros
Ce logement, à l'empreinte écologique minime, a permis à Yann Molaret d'accéder plus faclement à la propriété. Car sur le marché de l'immobilier breton, il lui eut été difficile de trouver un logement ou même un terrain accessibles en terme de prix. "Pour les matériaux, mon habitat m'a coûté 16 000 euros. J'ai 50 m2 avec un confort identique à celui d'une maison classique. Sur le marché [à ce prix là, l'équivalent], ça n'existe pas", assure Yann Molaret.
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Ce choix suppose tout de même quelques concessions par rapport à un confort standard. Son logement fait partie d'une groupe de huit habitats, certes écologiques et réversibles, mais aussi participatifs. Autrement dit, si chacun dispose d'un (petit) chez soi, les commodités (douches, cuisine, machine à laver...) se situent dans des espaces communs.
Un mode de vie sobre
A Commana, les habitants réunis au sein du collectif "Ti Dourig" ont tous fait le choix d'une vie tournée vers la sobriété. Depuis peu, la salle commune est équipée en eau courante et en électricité. Ce sera le seul bâtiment à en disposer. "Dans nos habitats, on a fait le choix de ne pas avoir d'eau courante. À la fois pour réduire le coût des installations mais aussi pour changer notre mode de vie, argumente Marina Schweizer, membre du collectif. Et pour l'électricité, un petit panneau solaire suffit pour recharger nos téléphones portables et avoir de la lumière. Sinon, on vient dans la pièce commune."
"On n'a pas besoin d'habiter dans une énorme maison parce que dans la vie quotidienne, on n'a pas besoin d'autant d'espace", assure Charlotte du collectif Coa Mo.
Plus on a de petits habitats et plus on profite de la nature.
Charlotte, membre du collectif CoaMo à Plouigneau (Finistère)France Télévisions
Ce projet de hameau léger a été initié par la municipalité, soucieuse de proposer une alternative aux lotissements dans un contexte immobilier tendu dans la région. Le terrain, d'environ 4 000 m2, devrait accueillir jusqu'à huit foyers. Ce dispositif permet de lutter contre la spéculation foncière avec l'utilisation d'un bail emphytéotique. "Les habitants sont propriétaires de leur habitat et ils l'installent sur un terrain qui reste communal, explique Thibault Villemain de l'association Hameaux Légers. Du coup, la commune peut faire des investissements sur le terrain pour aider le collectif au départ et ces investissements sont répercutés sur les loyers."
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Pour Fanny Saint-Georges, adjointe à la culture à Commana, "c'est aussi montrer qu'il est possible d'adopter des modes de vie sobres. C'est ce que l'on souhaite soutenir en mettant à disposition un terrain avec un loyer assez modeste pour pouvoir permettre à des personnes ayant des revenus plus faibles de pouvoir accéder à la propriété et s'installer en milieu rural "
Redonner vie à des commerces de campagne
L'arrivée de ce type d'habitat permet parfois de redonner vie aux petits commerces à l'instar de Saint-André-des-Eaux (Côtes d’Armor) où le collectif d'habitants du hameau léger du Placis a repris le dernier commerce de la commune. Ils y ont développé un café, une épicerie, un restaurant et proposent des animations socio-culturelles.
La crise du logement est l'une des raisons ayant convaincu une vingtaine de municipalités bretonnes de lancer des projets de hameaux légers.
Près de Morlaix, Plouigneau (5 000 habitants) a choisi d'implanter un hameau léger près du centre où se trouve déjà une vieille bâtisse qui accueillera les espaces communs. "Nous avons plusieurs projets d'habitats. C'est le seul qui avance, note Joëlle Huon, maire de Plouigneau. Cela correspond aujourd'hui à la demande, aux difficultés économiques des personnes. Et c'est un peu novateur."
Ce dispositif donne aussi la possibilité aux communes d'encadrer le phénomène grandissant de l'habitat léger en évitant des installations illégales sur des terrains.
Les principes du hameau léger et des habitats réversibles répondent donc d'une certaine manière à la crise du logement. Reste que ces installations, en principe démontables et respectueuses des sols, sont toujours considérées par la loi comme des surfaces artificialisées. Or la loi du 22 août 2021, dite "climat et résilience", a fixé d'atteindre le "zéro artificialisation nette" des sols à l'horizon 2050.
(Avec Yoann Etienne)