Après 18 mois de rebondissements, l'Assemblée nationale a adopté, mardi 19 décembre, le projet de loi sur l'immigration. Du côté des députés corses, si les trois parlementaires nationalistes se sont abstenus, le président du groupe Horizons Laurent Marcangeli a, lui, voté pour.
Le Parlement a approuvé définitivement mardi la loi sur l'immigration.
Un vote avec 349 voix pour et 186 voix contre, sur 573 votants, LR et RN joignant leurs voix à celle de la majorité. Cette dernière s'est divisée : 59 voix lui ont manqué, sur 251 députés, entre votes contre et abstentions.
Dans ce contexte, comment ont voté les quatre députés insulaires ?
Trois abstentions, un vote pour
Si les trois parlementaires nationalistes - Paul-André Colombani, Michel Castellani et Jean-Félix Acquaviva - se sont abstenus, le président du groupe Horizons Laurent Marcangeli a voté pour.
"Il faut un texte, a déclaré ce dernier. Moi je suis pour la préférence pour le travail, la préférence nationale ne fait pas partie de mes convictions."
Il fallait un texte pour le pays. C’est désormais chose faite. #PJLimmigration https://t.co/7dFgRJL553
— Laurent Marcangeli (@LMarcangeli) December 19, 2023
Le groupe Horizons et apparentés, qui compte 30 membres, s'est majoritairement prononcé en faveur du texte, puisque 28 députés ont voté pour.
En revanche, du côté du groupe Liot, pas de consigne de vote. Résultat : 8 pour, 8 contre et 5 abstentions. Parmi lesquelles, donc, les trois députés nationalistes.
Quelques heures avant le vote, le président du groupe Bertrand Pancher avait demandé au gouvernement de retirer le projet de loi immigration, estimant que "nous sommes face à une grave crise politique".
Les précisions de Clément Tronchon :
Texte "fort et ferme"
Le Sénat, dominé par la droite et le centre, avait adopté par 214 contre 114 le texte issu des longues et douloureuses tractations de la Commission mixte paritaire, conclave de sept sénateurs et sept députés dominé par la droite.
Sur X, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin s'est félicité de l'adoption d'un texte "fort et ferme", "sans les voix des (88) députés RN". "La majorité a fait bloc, la manœuvre du RN a échoué", a estimé de son côté la Première ministre Elisabeth Borne, semblant passer outre la défection de près du quart de ses députés.
Cette dernière s'est exprimée ce mercredi matin sur France Inter, alors qu'Emmanuel Macron sera l'invité de l'émission "C à vous".
"Morale"
Le chef de file de la France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon, a de son côté dénoncé une "écoeurante victoire" acquise au contraire grâce aux voix de l'extrême droite. "Un nouvel axe politique s'est mis en place", a-t-il réagi sur X.
Le texte aurait en effet été tout de même adopté si les parlementaires d'extrême droite s'étaient abstenus. Le résultat aurait en revanche été différent s'ils avaient voté contre.
Dans l'hémicycle, Gérald Darmanin a vanté un texte méritant d'être voté "pour la protection des Français", pour la "régularisation des travailleurs sans papiers", "pour la simplification de notre droit".
Il s'en est pris avec virulence à la gauche, l'accusant d'avoir trahi la "morale" en "quémandant les voix du RN" - une manière de prendre sa revanche sur la Nupes, dont la motion de rejet, votée par la droite et le RN, avait brutalement mis fin aux débats sur ce texte la semaine dernière dans l'hémicycle de l'Assemblée. Plongeant la macronie dans des tractations de la dernière chance avec la droite.
"Victoire idéologique"
Gérald Darmanin a aussi vivement attaqué le RN, qui a décidé en dernière minute de voter pour le projet de loi, l'accusant de faire un "petit coup" politique pour mettre dans l'embarras la majorité, alors qu'il l'avait jusqu'à présent rejeté.
La gauche elle n'a eu de cesse de pointer dans le texte "une loi directement inspirée du programme de Jean-Marie Le Pen", le fondateur du Front national: "préférence nationale dans les prestations sociales, déchéance de nationalité, remise en cause du droit du sol", a énuméré la présidente du groupe LFI, Mathilde Panot.
Le RN a applaudi ces prises de parole dans l'hémicycle, se réjouissant de sa "victoire idéologique", comme avait dit Marine Le Pen plus tôt dans la journée.
"Ce soir, si les députés du Rassemblement national votaient contre, ce texte ne passait pas contrairement aux mensonges proférés par M. Darmanin. C'est une victoire totale des idées défendues par Marine Le Pen", s'est félicité le député d'extrême droite Jean-Philippe Tanguy.
La cheffe des députés écologistes Cyrielle Chatelain a elle fustigé Emmanuel Macron qui "a enterré le dépassement". "Il a trahi ses électeurs. Le seul mandat donné au président était de faire barrage à l'extrême droite et il a permis d'inscrire ses idées dans la loi", s'est-elle insurgée.
Malaise
Le texte a provoqué des dissensions au sein de la majorité. Signe de ce malaise, le président de la commission des Lois, Sacha Houlié, a voté contre le projet de loi. Et le président du groupe MoDem, Jean-Paul Mattei, s'est abstenu.
Le marasme touche aussi le gouvernement : le ministre de la Santé Aurélien Rousseau a présenté mardi sa démission à la Première ministre, sans que l'on sache dans la nuit si elle avait été acceptée. Plusieurs ministres défavorables au texte, comme Clément Beaune (Transports), Patrice Vergriete (Logement) ou Sylvie Retailleau (Enseignement supérieur), ont été reçus dans la soirée à Matignon.
Dans cette atmosphère pesante, les membres du gouvernement se retrouveront pour un Conseil des ministres à l'Elysée ce mercredi matin.
"Ça va laisser des traces"
Allié historique du chef de l'Etat, le président du MoDem, François Bayrou, avait en début de soirée fait savoir qu'il "n'acceptera(it) pas" un texte sur l'immigration "revendiqué" par le RN, selon des sources concordantes. Son groupe s'est finalement divisé lors du vote.
"Ça va laisser des traces. Et pas qu'au Parlement. Je pense qu'on ne se rend pas encore compte des répercussions. Des collègues ont craqué physiquement (...) Ne pas tirer les leçons de l'épisode qu'on vient de vivre ce serait difficile", glissait après le vote une cadre de la majorité.
Le président des LR, Eric Ciotti, se félicitant d'une "victoire historique pour la droite", a appelé la majorité "en crise", à "tenir compte" du fait que les Républicains avaient permis "sur le fond et la forme l'adoption de ce texte". "Qu'elle comprenne enfin que le en même temps est une impuissance".
"On est dans la main du RN, on a perdu sur tous les tableaux" et Marine Le Pen "a tout gagné", s'exaspérait une députée Renaissance.