Lundi 11 janvier, lors du match entre le SC Bastia et Quevilly-Rouen Métropole une banderole réclamant la libération de Julien Muselli et Adrien Matarise, incarcérés dans le cadre d'une enquête visant une série d'attentats. Une banderole à moitié cachée avant la diffusion télévisée. Explications.
Dans les tribunes vides du stade Armand Cesari, à Furiani, le message installé par un groupe de supporters bastiais saute aux yeux. "Libertà per Muselli è Matarise"
Julien Muselli et Adrien Matarise, sont mis en examen et incarcérés, en détention provisoire, à Fleury-Mérogis depuis décembre 2019 dans le cadre d’une enquête visant une série d’attentats et de tentatives d’attentats perpétrés au printemps 2019. Leurs demandes de remise en liberté ont été rejetées en juin dernier, une procédure d’appel est en cours devant la chambre de l’instruction. Les deux jeunes hommes sont également de fervents supporters du SC Bastia.
Problème, à quelques minutes de la diffusion du match sur Canal + le mot "Libertà" est caché par des bâches noires sur demande des délégués de la Fédération Française de Football.
Le mot Libertà caché à la demande des officiels sur ce message de soutien à Julien Muselli et Asrien Matarise pic.twitter.com/RGpObcFsJV
— Julien Pernici (@JulienPernici) January 11, 2021
Un geste qui entraîne la colère et l'incompréhension de certains supporters bastiais. "Effacer le mot Libertà. Tout un symbole. Povera Francia [Pauvre France ndlr.]", écrit l'un d'entre eux sur Twitter. Un autre s'interroge : "Si je comprends bien, le message est couvert au motif d’une revendication politique, mais il n’y a officiellement pas de prisonniers politiques en France ?"
Effacer le mot Libertà
— Alisgianincu (@FilippiDume) January 11, 2021
Tout un symbole
Povera Francia https://t.co/t4DvXR1I31
"Le stade a toujours servi de lieu de manifestations politiques"
Depuis des années, les instances du football, de la Fifa aux intermédiaires nationaux, veillent à ce que tout symbole politique soit proscrit des stades.
Impossible selon Didier Rey, docteur en histoire spécialiste du football et maître de conférences à l'université de Corse Pasquale-Paoli. "Le stade a toujours servi de lieu de manifestation politique", lance-t-il.
Il se souvient de banderoles déroulées par les supporters bastiais, dans les années 1970, où était inscrit : "Libertà" ou "Corse dernière colonie française". À l'international, alors que l'Espagne vit sous l'ère franquiste, des drapeaux Républicains sont brandis dans les tribunes. Ou encore lors de l'intégration de la République fédérale d'Allemagne (RFA) au calendrier des compétitions internationales, un supporter assiste au match en tenue de déporté.
Accointances malsaines entre la politique et le sport ?
Quant au désir de la Fifa d'aseptiser le football de toute idéologie politique, le maître de conférences à l'université parle à demi-mot d'hypocrisie. "La complaisance de la Fifa envers le régime nazi est connue", souligne-t-il.
Selon lui, "l'idéologie sportive se veut apolitique, mais elle est purement politique. " Didier Rey évoque même "des accointances malsaines" entre les deux sphères. Deux exemples : les dirigeants de la Ligue de Football Professionnel sont souvent d'anciens préfets ; l'existence même d'un ministère des Sports.