Partagées entre satisfaction morale et les difficultés rencontrées pour obtenir une indemnisation, les victimes insulaires du Mediator ont réagi à l'annonce du jugement de ce lundi 29 mars, qui condamne les laboratoires Servier pour avoir sciemment dissimulé les effets secondaires du médicament.
"Je suis contente, c'est ce que l'on attendait tous" : c'est en ces termes qu'a réagi Marie-Antoinette Casanova, secrétaire de l'Association des victimes du Mediator en Corse à l'annonce du jugement rendu ce lundi 29 mars par le tribunal de Paris, condamnant les laboratoires Servier pour tromperie agravée, homicide et blessures involontaires.
Détourné et prescrit comme coupe-faim à plusieurs millions de personnes, ce médicament antidiabétique aurait entraîné le décès de 1 000 à 2 000 personnes en France à cause de son risque augmenté de graves lésions des valves cardiaques et d’hypertension artérielle pulmonaire, une pathologie qui peut être mortelle.
De nombreuses victimes souffrent encore aujourd'hui des séquelles provoquées par le médicament.
Dix ans après la révélation du scandale sanitaire dans un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales, le procès du Mediator s'était ouvert le lundi 23 septembre 2019. Plus de 6 500 personnes s'étaient constituées parties civiles.
Aujourd'hui, le tribunal de Paris a donc condamné les laboratoires Servier à 2,7 millions d'euros d'amende, estimant que ceux-ci avaient consciemment dissimulé les dangereux effets secondaires du Mediator. L'ancien numéro 2 du groupe Servier, Jean-Philippe Seta, a été condamné à 4 ans de prison avec sursis.
Le groupe Servier devra également verser plus de 180 millions d’euros aux victimes en réparation des préjudices subis.
De son côté l'Agence du médicament (ANSM) a été condamnée à 303 000 euros d'amende.
Pour Marie-Antoinette Casanova, ce jugement est une victoire morale et le résultat d'un combat de très longue durée : elle s'est vue prescrire le médicament comme coupe-faim pendant 7 ans, entre 2002 et 2009, date de la fin de sa commercialisation.
Désormais, elle doit composer avec d'importants problèmes cardiaques et respiratoires, aggravés par son asthme.
J'ai les poumons bien attaqués, c'est dur.
Mais si le sentiment de satisfaction prédomine chez les victimes à l'issue de cette condamnation, cette-dernière ne leur garantit pas pour autant une indemnisation. A l'image de Françoise Benquet, ancienne infirmière de nuit et victime du Mediator, beaucoup ont d'ailleurs renoncé à essayer d'obtenir gain de cause.
"C'est le combat du pot de terre contre le pot de fer, explique-t-elle. Je voyais que cela n'avançait pas du tout et il y avait des gens bien plus atteints que moi, j'ai laissé tombé."
La Corse, région particulièrement touchée
"Je crois qu'il faut mourir pour obtenir l'indemnisation, ironise Marie-Antoinette Casanova. Personnellement je n'attends plus rien mais j'espère que les familles des personnes décédées seront dédommagées."
L'association dont fait partie la retraitée compte 600 membres dans toute la Corse.
D'autres, comme Marie-Josée Proctor, 72 ans, ont l'impression d'avoir été ignorées et déconsidérées au cours des innombrables détours de la procédure : "Je suis dégoûtée. Tout ce que l'on a fait, toutes ces démarches avec l'avocate, les interviews, c'est comme si cela ne comptait pas."
Ne sachant pas exactement où en est sa demande d'indemnisation, elle semble résignée à ne pouvoir en obtenir une.
La retraitée, qui s'est également vue prescrir le médicament pendant 7 ans, confie les importantes difficultés qu'elle rencontre au quotidien : "L'essoufflement constant, la diminution de l'énergie. Et je commence à avancer dans l'âge, j'ai bientôt 73 ans. Ce n'est pas facile."
Les départements corses font partie de ceux où le médicament a été le plus prescrit en France métropolitaine : ainsi en 2009, l’année avant l’arrêt de la commercialisation du Médiator, la Corse-du-Sud se classait en 4ème position des départements pour la consommation de Médiator, avec 1 782 remboursements du médicament antidiabétique.
Les prescriptions en Haute-Corse, bien qu'inférieures à celles de Corse-du-Sud, étaient également supérieures à la moyenne nationale.