Peut être une DSP pour 2016, mais pas de compagnie régionale à l’horizon

L’assemblée de Corse a adopté le principe d’une nouvelle Délégation de Service Public maritime pour 2016. Mais elle a rejeté un projet de Société d’Economie Mixte, ébauche d’une compagnie régionale. Le paiement des subventions a été confirmé. 

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L’actuel contrat de service public maritime (DSP) pour les lignes Marseille-Corse est en sursis.  Il a été annulé par le Tribunal Administratif (TA) de Bastia, en Avril 2015, cette annulation prendra effet le 1er Octobre 2016. D’ici là, l’assemblée de Corse devra définir la forme d’un nouveau service public maritime.
La session du jeudi 16 Juillet a abordé trois questions :
-Le principe d’un nouveau contrat, adopté.
-La forme d’une SEM régionale, rejetée.
-La poursuite du paiement des subventions à la SNCM, adoptée.

Oui au principe d’un contrat de service public

Les élus territoriaux ont  adopté le principe d’une future DSP sans en définir précisément les contours. Le rapport de l’Exécutif est adopté, notamment grâce à la non participation des élus des groupes nationalistes.
Ce vote est de nature à rassurer les candidats à la reprise de la SNCM.

Désormais, un calendrier théorique débute :
.Fin Juillet,  la délibération du 16 Juillet devra affronter l’épreuve du contrôle de légalité.
.Dans la foulée, les textes nécessaires à la publication d’un avis d’appel public à la concurrence seront rédigés.
.Début Novembre, le dossier de consultation des entreprises sera publié.
.Fin Mars 2016, les candidats intéressés déposeront leurs offres.
.En Avril,  analyse des candidatures.
.En Mai, analyse du contenu des offres des candidats.
.Entre Juin et Août, période de négociation avec les candidats.
.Septembre 2016, délibération de l’Assemblée de Corse et choix d’un ou de plusieurs opérateurs.

Ce calendrier est théorique, il correspond à un objectif : être prêt en Septembre, au moment où l’actuelle DSP prendra fin.
Plusieurs obstacles peuvent venir contrarier ce bel ordonnancement. Parmi ces difficultés il y a la question du repreneur de la SNCM. La décision du Tribunal de Commerce de Marseille sera connue fin Septembre de cette année. La liste des candidats à la reprise sera officielle le 2 Septembre.
Un autre obstacle sera le résultat des élections territoriales de Décembre. Un changement de majorité pourrait bouleverser la forme du  service public maritime.

reportage d'Alain Verdi, Stéphane Agostini et Laura-Laure Galy

Non à une SEM régionale… en l’état

Les conseillers territoriaux ont aussi eu à se prononcer sur la faisabilité d’une SEM (Société d’Economie Mixte).
Un second vote devait répondre à la proposition suivante :
« Une compagnie régionale sous la forme d’une SEM d’investissement. Et une SEM d’exploitation, si l’opérateur choisi par le tribunal de commerce de Marseille ne nous convient pas ».

La proposition de l’Exécutif était habile. En proposant l’hypothèse d’une « SEM d’exploitation » elle s’approchait de la volonté des groupes nationalistes de créer une « compagnie régionale publique ». Même si une SEM comprend, par définition, des partenaires privés.

Le vote des élus a été une demi-surprise.
Le groupe « communistes et citoyens du Front de gauche » a voté contre, par principe. Le groupe est opposé à la création d’une compagnie régionale.
Le groupe « Femu a Corsica » a voté contre. Il estime que « ce n’est pas une véritable compagnie régionale » mais un « ersatz ».
La surprise est venue du groupe « Corsica Libera » qui a voté contre. Pour Jean-Guy Talamoni son groupe est « loin de la philosophie du Conseil Exécutif. Nous avons déjà dit qu’il était temps de faire une compagnie publique maritime de la Corse, seule proposition crédible. Or on en est loin aujourd’hui ».

Paul-Marie Bartoli, président de l’OTC (Office des Transports de la Corse) adopte la position de l’ironie sur les antennes de France 3 Corse « l’autre jour j’avais réuni la commission ad hoc sur la faisabilité de la compagnie régionale. Il m’avait semblé avoir dégagé un consensus. Je suis surpris que les tenants de la compagnie régionale la refusent ». On peut écouter la position de Paul-Marie Bartoli, ci-dessous.

Cette histoire a une triple entrée :
-Sur le plan politique, jusqu’à présent, le groupe « Corsica Libera » semblait avoir une position bienveillante envers l’Exécutif. Pas plus tard que le 16 Juillet,  le groupe indépendantiste s’est gardé d’attaquer le Conseil Exécutif, lors du débat sur le rapport de la CRC (Chambre Régionale des Comptes) sur la gestion de la CTC.
Mais sur le dossier de la « compagnie régionale ». Il était difficile d’admettre une SEM qui comprend des partenaires privés.  Le responsable du STC (Syndicat des Travailleurs Corses) était présent dans les travées de l’Assemblée, histoire de rappeler les fondamentaux de la doxa nationaliste sur ce sujet.
De plus, selon certains observateurs, une partie des nationalistes estime que l’Exécutif les mène en bateau, sans jeu de mots.

-Sur le plan économique, la faisabilité d’une compagnie régionale  -quelque soit sa forme-  SEM d’exploitation ou SPL (Société Publique Locale)  est loin d’être acquise. L’exemple de la Sardaigne est là pour nous le rappeler.

-Sur le plan juridique, il n’est pas sûr que l’Assemblée de Corse ait le droit de refuser un candidat choisi par le Tribunal de Commerce s’il ne lui « convient pas ».

Un homme a suivi la totalité des débats avec intérêt, il s’agit de Pasqual Paecht Pasquini.  C’est le « Monsieur SEM » de l’OTC. Il est chargé d’étudier la faisabilité d’une SEM d’investissement, depuis plus de deux ans. Apparemment, la SEM attendra encore un peu. Voir plus loin, « SEM d’investissement et d’exploitation ».

Oui au paiement des subventions

Le troisième débat a porté sur la question du paiement des subventions à la SNCM. Nous avons vu que l’actuelle DSP sera prématurément interrompue fin Septembre 2016. En attendant le service se poursuit,  il est effectué par les deux compagnies délégataires : la SNCM et la CMN (La Méridionale).  Les deux compagnies sont subventionnées pour ce service.

                                              DSP Marseille-Corse subvention annuelle
                                                      (En millions d’euros)
                                                    SNCM (4 cargos) 56 895€
                                                    CMN (3 cargos) 40 104 €

Mais la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJU) demande à la France de réclamer à la SNCM le versement de 220 millions d’euros de subventions perçues indûment. Cet arrêt de la CJU est daté du 9 Juillet 2015, il peut être lu ici.
Du coup, le Président de l’Exécutif a demandé par courrier, en date du 9 Juillet, la position de la Commission Européenne (Direction Générale de la Concurrence) des informations sur le paiement du service « fait à la SNCM par la CTC ».
La commissaire européenne en charge de la concurrence,  Margrethe Vestager, répond à Paul Giacobbi le 15 Juillet : « la SNCM n’aurait pas dû et ne devrait pas bénéficier de nouvelles aides d’État (subventions NDLR) aussi longtemps qu’elle n’a pas acquittée de remboursé (sic) les aides dont elle a bénéficié dans le passé ».

Ne plus payer les subventions actuelles, c’est empêcher la SNCM d’arriver en état d’être reprise en Septembre devant le Tribunal de Commerce de Marseille. C’est aussi faire remonter la tension sociale.
Le Conseil Exécutif a demandé aux élus la possibilité de poursuivre le paiement des subventions versées à la SNCM.

Les conseillers territoriaux ne s’y sont pas trompés, la proposition de l’Exécutif est adoptée.
Le Directeur Régional de la SNCM, Pierre-André Giovannini  a assisté aux débats avec intérêt. Il se félicite de la position des élus. On peut écouter sa position, ci-dessous.

Trois débats et après ?

Rien n’est tranché. L’avenir du service public maritime demeure incertain.
In fine, y aura-t-il une DSP en 2016 ?  Des élus de droite semblent pencher pour de simples Obligations de Service Public (OSP). Dans ce cas, le cahier des charges publié par la CTC ne serait  pas assorti de subventions. C’est une façon de réaliser des économies sur l’enveloppe de continuité territoriale.

Plusieurs observateurs estiment que la CTC pourrait lancer un nouvel appel d’offres avec un montant de subvention inférieur à l’actuelle DSP (voir montant, ci-dessus). La donne pourrait être bouleversée par les élections territoriales de Décembre. Avant toute position de la future assemblée, il faudra connaître la décision du Tribunal de Commerce de Marseille sur le ou les repreneurs de la SNCM.

Les débats du 16 Juillet étaient trop marqués par la campagne électorale qui se dessine. Les déclarations de chaque groupe reposaient autant sur leur position de fond dans le dossier que sur le jeu d’alliance qui se prépare. Une fois de plus, on n’a pas parlé de ce qui fâche.

Un service public limité

Quelque soit la forme du futur service public,  il restera limité à la portion congrue. Depuis 2014, il est réduit à un service de cargos mixtes entre Marseille et la Corse. Cette année 2015,  plus de 80% des passagers entre le continent français et la Corse seront transportés par la Corsica Ferries France.

Les différentes procédures juridiques introduites par cette dernières ont payé. On est loin de l’époque où « la concurrence allait générer plus d’offres et faire baisser les tarifs ». L’offre diminue et les tarifs augmentent. Le scénario sarde commence à prendre une couleur locale.

L’affaiblissement de la SNCM semble avoir été programmé au bénéfice de plusieurs intérêts, sans que l’on sache clairement comment cela va finir, même si on a une petite idée des conflits qui se jouent sous nos yeux.

Une élue territoriale faisait remarquer, le 16 Juillet que « nous en sommes au énième débat sur les transports ».  Pourtant il ne tient qu’à l’Assemblée d’organiser enfin, un débat sur les gens et les marchandises à  transporter. En d’autres termes d’organiser un débat sur les choix économiques. Mais ce n’est jamais le moment. Là, il y a des élections en Décembre.
SEM d’investissement et SEM d’exploitation

Le « monsieur SEM » missionné par l’OTC travaille sur un projet de SEM d’investissement. Une Société d’Economie Mixte, pilotée par la CTC et comprenant des partenaires privés, pourrait acheter des navires et les louer à un opérateur (armateur) chargé du service public.

Cette première hypothèse pose la question de l’intérêt de l’opération. Un des candidats à la reprise de la SNCM s’est dit intéressé, il s’agit de Patrick Rocca (Rocca Transports).

Un autre repreneur potentiel, la STEF, estime que la SEM n’est pas dans ses projets. On peut écouter ici, l’entretien que nous a accordé Francis Lemor PDG de la STEF (actionnaire de La Méridionale).

Une SEM d’exploitation transformerait la CTC en armateur. Cela produirait une compagnie régionale, mais cette dernière ne serait pas publique comme le souhaitent les nationalistes, mais mixte.

Une SEM d’exploitation soulève plusieurs interrogations.
Un premier constat s’impose. Il n’existe aucune île importante de l’Union Européenne qui  possède une « compagnie régionale».
Si la Corse venait à se doter d’une telle entité, rien ne garantit qu’elle emporterait un appel d’offres européen, obligatoire en cas de DSP.
En cas d’échec à un appel d’offres, la Corse se retrouverait avec une flotte sur les bras.

Le coût d’un seul cargo mixte, aujourd’hui, atteint près de 100 millions d’euros.

La création d’une compagnie régionale est-elle une priorité pour la Région la moins riche de France ?  La question doit être posée.
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