Le pape François pourrait se rendre en Corse avant la fin de l’année. À cette occasion, l’historien Antoine-Marie Graziani répond aux questions de France 3 Corse ViaStella et éclaire sur les liens entre l’île et le Vatican à travers les siècles.
Une visite historique. Le pape François pourrait se rendre en Corse avant la fin de l’année. Si pour l’heure, aucune confirmation officielle n’a été publiée, l’engouement est déjà fort dans l’île.
À cette occasion, l’historien Antoine-Marie Graziani répond aux questions de France 3 Corse ViaStella.
Quelles est la nature et la profondeur des liens qui unissent la Corse et le Vatican ? Sont-ils si anciens ?
Ils sont anciens parce que la Corse a été christianisée très tôt. On peut dater les liens avec le Vatican à partir de la donation qui est faite par Charlemagne en 774. À ce moment, la Corse est devenue une partie du territoire de Saint-Pierre. C’est-à-dire, jusqu’à la fin du XIe siècle, elle est nominalement sous la direction du Vatican.
Donc on peut dire qu’il y a un lien particulier entre la Corse et le Saint-Siège ?
Il y a des liens particuliers que l’on voit à différentes périodes. Je suis moderniste donc je mettrais en avant la venue d’un visiteur apostolique sous Paoli, entre 1760 et 1770, qui a joué un rôle politique important en Corse avec un lien très fort et qui correspond aussi à une volonté du Vatican, à partir de 1763, de refaire passer la Corse sous la domination directe du Vatican.
Un épisode méconnu a été popularisé ces dernières années, celui de la Garde Corse Papale. Qu’en est-il précisément ?
Beaucoup de choses se sont dites et écrites sur la Garde Corse Papale. En fait, dans la réalité, la garde corse devient importante à la fin du XVIe siècle, en nombre. Puisqu’elle va compter jusqu’à 800 membres qui forment en fait, même si on parle de gardes corses, la police du Vatican. Elle disparaîtra à la suite d’un incident très connu en 1662, avec le personnel de l’ambassade de France de l’époque.
Y-a-t 'il déjà eu un pape d’origine corse ? Selon certaines hypothèses, le pape Formose, élu en 891, aurait eu des origines insulaires.
Certains disent que le pape Formose serait de Vivario... Admettons si tant est que l’on puisse être sûr que Vivario existe à cette époque-là. Moi, je n’aurais pas choisi Formose, parce que c’est un pape qui a eu de gros problèmes, notamment post-mortem.
Quel autre pape choisiriez-vous ?
Il n’y a pas de pape corse. Mais il y a des papes qui sont en odeur de corsitude parce que la Corse a eu des liens particuliers avec le Nord de Rome, le duché de Castro. Des papes apparaissent dans cette zone-là et qu’on a lié à la Corse.
Peut-on dire que la Corse est une terre fortement imprégnée par la chrétienté en comparaison notamment avec d’autres territoires méditerranéens comme Malte ?
On peut voir le lien de différentes façons. J’ai assisté à la soutenance de thèse de Philippe Boutry à la Sorbonne et il avait relevé quelque chose qui n’a pas été relevée par grand monde. Lors du jubilé de 1825, l’ensemble de l’Italie n’est quasiment pas venu, et ceux qui sont venus sont les Corses et les Maltais. Donc si j’ai un lien à faire, je le fais directement avec Malte. Parce qu’il y a le rapprochement dans le fait que nous sommes les uns et les autres des îles.
La possible venue du Pape François en Corse est-elle si étonnante lorsque l’on sait qu’il s’est déjà rendu à Malte, en Sicile, en Sardaigne et porte intérêt à la rencontre des “petits” ?
Non, c’est d’une certaine façon la force du pape François. C’est un pape tout terrain, on serait tenté de dire. C’est quelqu’un qui se préoccupe des petits par rapport à des grands territoires et des grandes visites qu’on connaît tous et qu’on a vu d’année en année faire par différents papes. Je pense que c’est une chose importante qu’il vienne sur des petits territoires et je pense que sa venue en Corse est du domaine de l’énorme.
Est-ce que vous pensez que le Cardinal Bustillo a pu organiser cette venue en Corse du pape François ?
Pour avoir participé à la cérémonie lors de laquelle Bustillo est devenu cardinal et d’avoir assisté à la messe dans laquelle il nous a expliqué qu’il avait eu une discussion et que le pape lui avait dit : “Ils ont fait du bruit”, en parlant des Corses. Les Corses étaient effectivement nombreux, un millier sur la Place Saint-Pierre. Et Bustillo lui a répondu : “J’ai un peuple derrière moi”. Je pense qu’effectivement, il a un peuple derrière lui.