Pour Marguerite Costa, tabacologue et fondatrice de l'association Libertabac, le prix du tabac et l'omniprésence des points de vente dans l'île contribuent à pousser la consommation à la hausse, alors que la Corse occupe la tête du classement des régions où l'on décède le plus du tabagisme.
C'est désormais officiel : dans une étude réalisée par Santé Publique France, la Corse occupe la tête du classement des régions où l'on décède le plus du tabagisme. 15,5% de l'ensemble des décès dans l'île peuvent ainsi être attribués au tabac, contre 13% pour la moyenne nationale.
Une "distinction" macabre, qui ne surprend cependant pas Marguerite Costa, tabacologue corse et fondatrice de l'association Libertabac. Infirmière de formation et ancienne fumeuse, elle a obtenu son diplôme de tabacologue en 2005.
Au volant d'un fourgon aux couleurs de l'association, elle sillonne depuis deux ans les routes de l'île pour proposer des consultations et organiser des opérations de sensibilisation aux dangers du tabagisme.
"Il suffit de se promener dans la rue pour constater que l'on fume beaucoup en Corse, plus encore que sur le continent. Ce phénomène est d'ailleurs aggravé depuis les nombreuses interdictions de fumer dans les lieux publics : désormais, on ne peut fumer que chez soi ou dans la rue."
Les raisons de cette consommation ne font, selon elle, aucun doute : "le prix du tabac en Corse, malgré le récent rattrapage, reste nettement moins cher que sur le continent, soupire-t-elle. Or, malgré ce que peuvent dire certains fumeurs, l'augmentation du prix a bien un effet sur la consommation."
Pour la tabacologue, il est cependant impératif de nuancer ce propos, et elle rappelle que certains fumeurs sont tellement dépendants qu'ils continueront de fumer, "peu importe le prix."
Selon elle, l'intêret principal de ces mesures d'augmentation résident donc dans leur effet dissuasif, en particulier auprès des plus jeunes : "Lorsqu'un paquet de tabac vaut aussi cher qu'une soirée au cinéma avec pop-corn et boissosn, certains y réfléchiront à deux fois", raisonne Marguerite Costa.
La jeunesse, une population qu'il est impératif de protéger au plus tôt, car les statistiques sont sans appel : sur une classe de lycéens de seconde, la moitié des fumeurs mourront avant 69 ans de maladies liées au tabac. "Cela peut signifier qu'ils mourront à 68 ans, ou à 35 ans, rappelle la tabacologue. Cela fait beaucoup d'années de vie de perdues."
Il faut parler de tabac aux plus jeunes, il faut plus de sensibilisation.
Pour Marguerite Costa, au-delà du prix, l'omniprésence des bureaux de tabac dans l'île peut également expliquer la consommation insulaire, supérieure à la moyenne nationale : "Il y a environ 220 bureaux de tabac dans l'île, soit 1 pour 1 500 habitants. C'est bien plus que sur le continent."
Pour lutter contre le tabagisme, avant de légiférer, il est essentiel d'appliquer les lois déjà existantes : "j'ai récemment appris qu'une loi de 2020 est censée règlementer l'implantation des bureaux de tabac, limitant leur nombre à 1 pour 3 500 habitants. Manifestement, cette législation n'est pas appliquée, loin de là."
Saluant le "super travail" accompli par les structures déjà existantes, telles que les ANPAA (Association Nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie), Marguerite Costa estime cependant que celles-ci pâtissent d'un déficit de visibilité et d'image : "pour certaines personnes issues de la classe moyenne, il est difficile de s'identifier à ce genre de structure. Elles n'osent pas avoir recours à des services sociaux, jugeant à tort que celles-ci s'adressent à un public "de drogués".
Selon elle, la hausse du prix du tabac ne peut suffir à lutter contre sa consommation. Celle-ci doit s'accompagner de mesures concrètes : plus de consultations, plus de structures.
"Si j'étais ministre de la Santé, je mettrais en place un maillage des tabacologues aussi serré que celui des bureaux de tabacs, et je ferais en sorte que les lois existantes soient véritablement appliquées."
En attendant, Marguerite Costa et son fourgon seront présents le 8 mars prochain au Géant Casino de Porto-Vecchio pour une opération de senbilisation. Le sujet : les risques du tabagisme chez la femme.