Au quatrième jour du procès en appel de Joseph Aguzzi pour l’assassinat de Laurent Bracconi, en 2015 à Bastia, les avocats des parties civiles ont plaidé. Comme tout au long des audiences en appel, et de première instance, ils soutiennent que l’accusé a “exécuté” sa victime par “vengeance”.
“La vengeance a un prix, Joseph Aguzzi l’a oublié. Joseph Aguzzi refuse de le payer. ” Dès la première phrase de sa plaidoirie, Me Francesca Seatelli, avocate des parties civiles, donne le ton.
Elle décline la position de l’accusation, la même qu’en première instance. Le 21 juillet 2015, le sexagénaire a tué Laurent Bracconi pour venger la mort de son fils Marc, survenue en 1999 à la sortie d’une boite de nuit. Assassinat qu’il attribue à sa victime, entendu dans ce dossier, et pour lequel il a bénéficié d’un non-lieu en 2003.
Selon l’avocate, cela porte un nom : “la vendetta”. “La vendetta, c’est un morceau de nuit des temps. Là où elle commence, la société s’éteint”, continue-t-elle. Pour appuyer ses propos elle rappelle à la cour que “Joseph Aguzzi le dit lui-même, si je trouve celui qui a fait ça, je le tue.” Ainsi, en tuant Laurent Bracconi, l’accusé applique “la loi du Talion, un fils pour un fils”. Elle nuance néanmoins : “José Aguzzi n’est pas un voyou, mais il n’est pas inoffensif, car il est porté par la haine.”
Une tragédie corse
Une “haine” qui fait partie “des ingrédients d’une tragédie corse”, pour Me Paul Sollacaro, second avocat des parties civiles. Les autres étant : “la rumeur”, “la vengeance” et le “sentiment d’injustice”.
Il rappelle que sur cette île, “les ennemis sont souvent ceux auxquels on ne pense pas”. C’est “l’erreur” de Laurent Bracconi. Il pense que Joseph Aguzzi s’est apaisé. “Nous sommes ici dans un cercle infernal, un cercle de l’enfer où la haine est transmise en héritage. Rappelons-nous que la famille Aguzzi présente Laurent Bracconi comme l’assassin de Marc à Typhanie, la petite-fille, dès le soir des faits. Par-là on la fait entrer dans la confidence du cauchemar, on la fait entrer en enfer”, continue Me Sollacaro.
“Il a vu la nouvelle vie de la victime. Vie que Marc n’aura jamais”
Me Francesca Seatelli expose ainsi “[s]a conviction”. “Joseph Aguzzi a vu Laurent Bracconi, il réalise des travaux chez un ami depuis plusieurs semaines à quelques mètres. Il a vu sa nouvelle vie. Une vie à laquelle Marc Aguzzi n’aura jamais droit.” Alors l’accusé attend, “il a déjà attendu 15 ans”, et les obsèques "tombent bien".
Ces obsèques sont la raison, selon l’accusé, de sa présence dans le centre-ville de Bastia le jour de l’assassinat de Laurent Bracconi. Il y accompagne sa femme et sa belle-sœur, signe le registre de condoléances et repart chercher sa petite fille pour l’accompagner à la plage. “Il se passe 9 minutes 30 entre son arrivée au parking du marché et son départ. Et pendant ces 9 minutes 30, il se passe ces tirs”, souligne l’avocate.
Pour Me Francesca Seatelli, Joseph est arrivé de face, et fait feu. L’église Saint-Roch est à quelques mètres de l’établissement géré par la victime et où il est tué. “Je pense que Joseph Aguzzi arrive de face, pour que Laurent Bracconi voit, pour qu’il sache. Trois balles sur six sont mortelles. Ça s’appelle une exécution, on ne lui a laissé aucune chance.”
“Trois jours devant lui pour faire disparaître les preuves”
L’accusation en est convaincue, Joseph Aguzzi est un menteur. “Il ne fait que s’adapter à chaque difficulté de son dossier”, estime Me Francesca Seatelli. Surtout, “il dispose de trois jours pour faire disparaître les preuves.”
Des preuves qui auraient pu se trouver dans la sacoche que Joseph Aguzzi portait le 21 juillet 2015 et qui “n’a jamais été retrouvée”. “Mais finalement, ce n’est pas la sacoche qui intéresse, mais ce qu’il y à l’intérieur, l’arme, avec tous les résidus de tir qui vont avec.”
Me Francesca Seatelli conclut : “Joseph n’est pas un voyou. C’est l’histoire de la vengeance d’un père. C’est l’histoire de quelqu’un qui n’a plus rien à perdre”.
L’audience se poursuit vendredi par les réquisitions de l’avocate générale et les plaidoiries de la défense. En première instance, Joseph Aguzzi a été condamné à 12 de prison pour l’assassinat de Laurent Bracconi. Il risque la réclusion criminelle à perpétuité.