Le député nationaliste corse Paul-André Colombani critique le projet de loi contre le "séparatisme", examiné depuis lundi à l'Assemblée nationale et qui entend lutter contre l’islamisme radical, dont certains articles pourraient créer de "l’amalgame" selon lui.
Le projet de loi contre le "séparatisme", examiné depuis lundi par l’Assemblée nationale et qui entend lutter contre l’islamisme radical, suscite le débat dans la classe politique. Entre l’encadrement plus sévère de l’instruction à domicile, le délit de "séparatisme", la répression de la haine en ligne, le contrôle renforcé des associations ou encore le financement des cultes, certains articles provoquent des remous.
Dans sa déclaration générale devant l’Assemblée nationale, mardi, le député nationaliste de la 2e circonscription de Corse-du-Sud Paul-André Colombani a critiqué certaines "dispositions dangereuses contenues dans ce texte". Entretien.
- "Quelle analyse globale faites-vous de ce projet de loi ?
Ce projet de loi est probablement nécessaire, mais articulé comme il est, il risque de manquer sa cible. Il y a un problème en France avec le terrorisme islamiste. Le problème, ce n’est pas l’islam, ce sont les fondamentalistes. Vu comme il est construit, il y a des articles qui posent problème.
- L’article 6 sur l’encadrement des associations, où toute demande de subvention fera l’objet d’un engagement de l’association à respecter les principes et valeurs de la République, fait débat.
Si ce texte est mal utilisé, on va avoir un argument législatif de plus à nous montrer pour dire qu’on n’a pas le droit d’utiliser la langue corse. On nous dit que c’est pour lutter contre l’islamisme mais juridiquement, ça ne fait pas la différence (avec une association de promotion des langues et cultures régionales). On pourrait ne pas financer celui qui a une association de la langue corse. Il y a des outils juridiques pour empêcher une association de bénéficier de subventions. On va dire que ce n’est pas pour nous, mais quand le droit va s’appliquer… Je suis inquiet.
On dénonce l’amalgame entre la situation des Corses, des Basques et des terroristes islamistes."
- Vous critiquez l’article 3, qui élargit le fichier des auteurs d’infractions terroristes (Fijait) aux personnes poursuivies ou condamnées pour délit de provocation ou d’apologie d’actes de terrorisme. Pourquoi ?
Prenons l’exemple de Jean-Pierre Santini (militant nationaliste, mis en examen dans l'affaire des tirs contre la gendarmerie de Montesoro). On ne peut pas mettre ce cas sur le même niveau que le Bataclan (90 personnes ont été la cible de kamikazes le 13 novembre 2015, à Paris) et pourtant, c’est l’antiterrorisme qui traite les deux. Jean-Pierre Santini ne doit pas relever de la même législation. Ça peut toucher les basques, les corses, certains mouvements altermondialistes. La loi est mal faite, et on risque de manquer la cible. On dénonce l’amalgame entre la situation des corses, des basques et des terroristes islamistes. Si on est indépendantiste, sera-t-on criminel après le vote du texte de loi ?
- Que proposez-vous ?
La suppression des articles 3 et 6, il y a trop de risques d’amalgame. Aujourd’hui, on va compliquer la vie de citoyens qui respectent les valeurs de la République pour des résultats qu’on ne connaît pas. Concernant l’école à domicile (l’article 21 prévoit la limitation de l’instruction à domicile à de strictes dérogations), ceux qui font ça correctement vont être victimes de cette législation. On a vu fleurir des écoles coraniques, et c’est la base du problème. Mais on ne fait pas de différence avec un certain nombre d’enfants qui font cours à domicile, où il y a des contrôles et aucun problème."