Rapprochement du "commando Erignac" : la résolution solennelle adoptée à l’unanimité par l’Assemblée de Corse

Ce vendredi, au cours d’une réunion extraordinaire, les conseillers territoriaux ont unanimement voté en faveur de la résolution solennelle relative au rapprochement immédiat des prisonniers condamnés pour l’assassinat du préfet Erignac.

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Un vote unanime et sans surprise. Réunis en session extraordinaire ce vendredi 22 octobre, les conseillers territoriaux ont tous adopté la résolution solennelle relative au rapprochement des prisonniers du "commando Erignac" : condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité, Pierre Alessandri, Alain Ferrandi et Yvan Colonna sont tous les trois en détention sur le continent. Depuis 22 ans pour les deux premiers, depuis 18 ans pour le troisième.

L’annonce faite par la présidente de l’Assemblée de Corse, Marie-Antoinette Maupertuis, a été accueillie par les applaudissements de tous les élus et des nombreuses personnes présentes en tribunes. Parmi ces dernières, des proches des détenus et des représentants des collectifs de soutien aux prisonniers qui se sont unis cette semaine à Corte sous l’appellation Unità strategica.

L’organisation de cette séance consacrée à cette résolution solennelle avait été décidée, là aussi à l’unanimité, lors de la conférence des présidents le 12 octobre dernier. Cela faisait notamment suite à la décision de justice du 7 octobre qui avait refusé le transfèrement en Corse de Pierre Alessandri.

La notion de libération ajoutée au texte

Ce vendredi, sur les bancs de l'Assemblée, l’ambiance de fin de session contraste avec celle, plus solennelle, observée pendant les prises de paroles des élus de chaque groupe. "Le sujet est d’une gravité et d’une importance particulières", déclare en ouverture Marie-Antoinette Maupertuis, entourée au perchoir de deux de ses prédécesseurs, Jean-Guy Talamoni et Camille de Rocca Serra. Une manière de souligner le caractère extraordinaire de cette réunion et l’adhésion de la classe politique insulaire sur cette question des prisonniers.

En effet, tous les groupes ont voté favorablement pour cette résolution qui demande "que les personnes condamnées dans le cadre de la procédure de l’assassinat du préfet Erignac se voient appliquer les mêmes droits et les mêmes traitements que tout justiciable, ainsi que la levée du statut de Détenu particulièrement signalé (DPS) les concernant, et leur rapprochement immédiat, conformément à ce que prévoient le droit français et européen."

Dans la première mouture du texte, il n’était pas fait mention du fait que les trois prisonniers "sont aujourd’hui libérables eu égard à la durée de détention accomplie". À la demande des collectifs de défense des prisonniers, cette phrase est ensuite ajoutée à la version finale.

"Ce qui commande d’envisager la liberté, c’est la nécessité d’une solution politique, souligne Jean-Christophe Angelini. Mais, poursuit le chef de file d’Avanzemu, s’il reste des gens en prison, et notamment ceux-là, pour des peines aussi longues, on ne peut pas envisager le début d’une solution politique." 

"Il ne s'agit pas d'oublier ce qui s'est passé"

Dans l'hémicycle, on note la présence des députés de l’Assemblée nationale Jean-Jacques Ferrara et Paul-André Colombani, ainsi que celle du député européen François Alfonsi. Les sénateurs insulaires sont aussi représentés. Marie-Jeanne Nicoli, présidente du Conseil économique, social, environnemental et culturel de Corse (CESEC), a elle aussi fait le déplacement pour soutenir la démarche. Non présents ce vendredi, les anciens présidents Ange Santini, Paul Giacobbi, José Rossi et Dominique Bucchini "s'y associent également".

"Toutes celles et tous ceux qui ont eu les plus hautes responsabilités dans cette institution ou les ont encore s’adressent aujourd’hui solennellement au gouvernement et donc à l’État pour dire que le temps de la vengeance doit être derrière nous et que le moment de la justice est venu", affirme le président de l’Exécutif Gilles Simeoni.

"Je salue le fait d’avoir associé d’autres personnalités à cette réunion", appuie Laurent Marcangeli, chef de file de la droite insulaire et élu Un soffiu novu, seul groupe de l’Assemblée à ne pas être nationaliste. Et l’avocat de profession d’ajouter : "Quant à cette décision de justice, je ne la comprends pas. Je ne dirai pas qu’elle ne se plaide pas, mais je ne la comprends pas."

"Il ne s’agit pas d’oublier ce qui s’est passé, comment le pourrions-nous, précise Marie-Antoinette Maupertuis, mais nous ne voyons pas en quoi ce rapprochement pourrait être attentatoire au respect dû aux parties civiles et à leur douleur."

J’ai été surprise et heurtée par le fait que mes homologues ne connaissaient ni monsieur Ferrandi ni monsieur Alessandri.

Julia Tiberi, Avanzemu

Julia Tiberi, qui siège avec le groupe Avanzemu, livre cette anecdote : "À Noel dernier, raconte l’avocate, bâtonnière du barreau d'Ajaccio, lorsque nous assistions à la décision inédite prise par le Premier ministre en lieu et place du Garde des sceaux de se positionner contrairement à l’avis rendu par les commissions de DPS, j’ai sollicité les bâtonniers du contient pour leur proposer de signer avec moi un communiqué. J’ai été surprise et heurtée par le fait que mes homologues ne connaissaient ni monsieur Ferrandi ni monsieur Alessandri. In fine, ils n’ont pas été favorables à la cosignature de ce communiqué car il leur semblait que la question était trop politique."

Mardi, trois jours avant cette session, le député nationaliste Jean-Félix Acquaviva avait interpellé le Premier ministre à l'Assemblée nationale sur le rapprochement des prisonniers.  "Il ne m'appartient pas de commenter les décisions de justice, avait répondu Jean Castex à l'élu de Femu a Corsica, également conseiller territorial. Je ne peux pas laisser dire qu'elles seraient l'instrument d'une vengeance de l'État. L'État n'est pas ici pour se venger."

"Qu'allons-nous faire maintenant ?"

Ce vendredi, au cours du débat, le juridique a alterné avec le politique, notamment sur la suite à donner à ce vote unanime. "Au-delà de cette résolution, il faudra savoir comment nous nous mobilisons. Après avoir voté, qu’allons-nous faire ?", s'interroge Josepha Giacometti Piredda, qui siège avec Avanzemu.

"Ce n’est pas dans la culture de la droite de manifester, confie à notre micro Jean-Martin Mondoloni, conseiller territorial Un soffiu novu. Par contre, nous serons solidaires de toutes les démarches qui visent à la fois à régler ce problème de droit et à inscrire la Corse dans une phase désormais de paix positive car nous avons besoin de l’Etat et l’État a besoin de la Corse."

Le drame du préfet Erignac doit être le deuil de tous.

Paul-Félix Benedetti

Paul-Félix Benedetti ouvre une brèche pour tenter de sortir de ce bras de fer avec l’État sur ce dossier des prisonniers. "Le drame du préfet Erignac doit être le deuil de tous, explique l'élu de Core in Fronte. On doit être capable, même nous conseillers territoriaux indépendantistes, d’accepter que dans cet hémicycle il y ait une plaque à son nom, mais à une condition : qu’on ait soldé définitivement ce problème qui est une plaie tout autant pour la Corse que pour la France."

En juin 2019, l'Assemblée de Corse avait déjà voté à l'unanimité une motion demandant la levée du statut de DPS et le rapprochement d'Alain Ferrandi et de Pierre Alessandri. Un vote devant lequel l'État était resté insensible.

Ce vendredi, juste après l’adoption de cette nouvelle résolution, Simon’Paulu Ferrandi, fils d’Alain Ferrandi, a pris la parole depuis la tribune : "on entend vos mots et ça nous touche. On apprécie le fait que la décision soit collégiale et que tout le monde ait le courage de prendre cette motion. Maintenant, cette bonne décision ne doit pas restée dans l’hémicycle. On demande à ce qu’elle soit portée en place publique et notamment à Paris."

Selon nos informations, plusieurs voies seraient envisagées par les élus pour transmettre au Premier ministre le texte voté ce vendredi. Jean Castex est d'ailleurs censé venir en Corse prochainement.

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