Assassinat du préfet Erignac : pas de libération conditionnelle pour Pierre Alessandri

Ce jeudi 7 octobre, la chambre d'application des peines de Paris a rejeté la demande de semi-liberté et de transfèrement en Corse de Pierre Alessandri. Condamné à la réclusion criminelle à perpétuité en 2003 pour l'assassinat du préfet Erignac, il reste incarcéré en région parisienne.

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Pierre Alessandri ne rejoindra pas la prison de Borgo. Ce jeudi, la chambre d'application des peines de Paris a infirmé la décision du juge d'application des peines qui avait accordé, fin juin, une semi-liberté probatoire à une libération conditionnelle au détenu de 62 ans. En effet, dans la foulée, le Parquet national antiterroriste avait fait appel suspensif de cette décision.

Celle-ci aurait dû être connue mardi 5 octobre. Mais le juge avait choisi de la reporter. Elle est finalement tombée ce jeudi 7 octobre : Pierre Alessandri ne pourra pas effectuer sa détention en Corse tout en travaillant le jour. Il reste donc emprisonné à la centrale de Poissy (Yvelines). 

Dans son arrêt, la chambre d'application des peines mentionne que "la libération de Pierre Alessandri est toujours susceptible de causer un trouble grave à l’ordre public, qui ne peut être envisagé sous le seul prisme de la région Corse mais qui doit aussi être apprécié au regard des actes violents de nature terroriste perpétrés encore à ce jour pour d’autres causes sur le territoire français à l’encontre de l’État et de citoyens français. La fonction d’exemplarité de la peine restant essentielle."

"Nous examinons l'opportunité de former un pourvoi en cassation"

"Une nouvelle fois, la cour balaie d'un revers de main la décision du tribunal d'application des peines pourtant très motivé en droit et en fait, a réagi Éric Barbolosi, avocat de Pierre Alessandri. Elle se réfère uniquement à l'acte commis il y a vingt-trois ans sans tenir compte du temps écoulé ni de l'évolution tant de l'individu que que de la société en Corse. Elle fait par ailleurs l'amalgame avec le terrorisme djihadiste actuel sans distinction. Cela ressemble à une perpétuité incompressible, à un traitement inhumain et dégradant prohibé par l'artilce 3 de la convention européenne des droits de l'homme."

"Nous examinons d'ailleurs l'opportunité de former un pourvoi en cassation", a souligné de son côté Marie-Josée Bellagamba, également avocate de Pierre Alessandri.

"Une logique de vengeance"

Le parti Femu a Corsica a réagi via un communiqué : "Cet arrêt démontre que l'État français, dans toutes ses composantes, continue de mettre en oeuvre une logique de vengeance et de conflit, au détriment de la logique de justice et de réconciliation. Pire encore, les prisonniers politiques corses deviennent otages a posteriori de l'évolution internationale et de l'apparition du terrorisme islamiste, puisque parmi les arguments retenus par la Cour, figure le risque de trouble à l'ordre public en cas de libération conditionnelle de Petru Alessandri."

Pour Core in Fronte, cette "décision est politique". Et le parti indépendantiste d'ajouter : "c'est le principe de la vengeance d'État qui dicte le dossier judiciaire de l'affaire Erignac. La france n'a pas renoncé à la répression et agit comme une caricature de démocratie."

"L'exil carcéral, la souffrance des familles, le non respect par la France de ses propres lois sont devenus des banalités auquel le peuple s'accoutume petit à petit", souligne l'associu Sulidarità via un communiqué qui égratigne quelque peu la majorité nationaliste à l'Assemblée de Corse : "comme dans un mauvais film au scénario éculé, nous pouvons déjà anticiper les réactions outrées des autonomistes au pouvoir qui promettront que cette injustice est celle de trop. Qui annonceront à qui veut l'entendre qu'ils vont agir en conséquence, de l'hémicycle de l'assemblée de Corse aux travées de l'assemblée nationale française, ils feront retentir leurs voix indignées. Puis, ils accueilleront chaleureusement et avec de grands sourires le prochain ministre en visite républicaine."

Appel suspensif et immédiat

Condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, assortie à une peine de sureté de 18 ans, pour l'assassinat du préfet Erignac (le 6 février 1998 à Ajaccio), Pierre Alessandri avait déjà effectué une demande de mesure d'aménagement de peine. En octobre 2019, sa libération conditionnelle avait été accordée avant d'être rejetée en appel le 30 janvier 2020.

Le 28 juin dernier, le tribunal d'application des peines antiterroriste avait décidé de le placer en semi-liberté à la maison d'arrêt de Borgo à compter du 20 août. À la suite de cette décision, le parquet national antiterroriste avait immédiatement fait appel suspensif.

À l'origine, l'ordonnance du juge d'application des peines prévoyait que Pierre Alessandri, muni d'un bracelet électronique, travaille la journée à Ponte Leccia et regagne le soir sa cellule à la prison de Borgo. Une fois par mois, il était convenu qu'il puisse rendre visite à sa famille à Cargèse.

L'obstacle du statut de DPS

Arrêté en 1999, Pierre Alessandri avait été condamné en 2003 par la cour d'assises spéciale de Paris dans l'affaire Erignac. Jugé avec d'autres membres du commando, dont Alain Ferrandi, il était depuis 2017 éligible à une libération conditionnelle, ayant purgé sa peine de sûreté. Idem pour Alain Ferrandi qui reste, comme lui, cependant placé sous le statut de "détenu particulièrement signalé" (DPS) ; ce qui semble constituer un obstacle de taille dans leurs différentes demandes de rapprochement.

Si en mars 2020, la commission pénitentiaire locale de Poissy avait émis un avis favorable à cette levée, le Premier ministre, Jean Castex, l’avait refusée le 21 décembre dernier.

Depuis plusieurs années, Pierre Alessandri et Alain Ferrandi contestent le refus de leur rapprochement dans une prison corse, qu’ils jugent "discriminatoire" et synonyme de "vengeance d’État".

En Corse, une forte mobilisation - toutes tendances confondues - s'est organisée pour demander la levée de leur statut de DPS. Le 30 janvier dernier, environ 2.000 personnes s'étaient rassemblées dans les rues de Corte. Trois semaines plus tard, une quinzaine de jeunes avait occupé la préfecture de région en signe de protestation. Les CRS étaient intervenus pour les évacuer. Cinq manifestants avaient été blessés. 

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