Ajaccio: la préfecture occupée par un groupe réclamant la levée du statut de DPS pour Alessandri et Ferrandi

Ce lundi 22 février, une quinzaine de jeunes a occupé le bureau du coordonnateur pour la sécurité en Corse à Ajaccio. Leur demande : la levée du statut de DPS pour Pierre Alessandri et Alain Ferrandi. Ils ont été délogés par les CRS, cinq manifestants ont été blessés. 

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Une quinzaine de jeunes, membres du collectif pour le rapprochement d'Alain Ferrandi et Pierre Alessandri, s'est introduit dans la préfecture d'Ajaccio ce lundi 22 février. 

Profitant de la sortie d'un véhicule de service, le groupe a investi les bureaux du nouveau coordonnateur pour la sécurité en Corse, Michel Tournaire, et déployé des banderoles portant les mentions "Libertà" et "Libertà pà Ferrandi". 

Leur revendication : la levée du statut de DPS [détenu particulièrement surveillé] de Pierre Alessandri et Alain Ferrandi et une date précise de leur rapprochement. Les deux hommes, ont été condamnés en 2003 à la réclusion criminelle à perpétuité pour l'assassinat du préfet Erignac le 6 février 1998. Ils purgent leur peine sur le continent et sont arrivés au terme de leur période de sûreté depuis presque quatre ans. 

"Il y en a en haut, qui ne sont pas bien du tout"

Après plusieurs minutes, trois jeunes quittent la préfecture rapidement. L'un d'entre eux se tient la tête. "On était tout simplement tranquilles dans le bureau du coordonnateur et d'un coup, ils ont cassé la porte et ils nous ont mis des coups de matraque dans la tête. Moi ça va, mais il y en a en haut qui ne sont pas bien du tout", indique-t-il en pointant la préfecture du doigt. 

Selon ses dires, à l'intérieur du bâtiment, les jeunes n'ont pas échangé de coups et souhaitaient juste transmettre un message. "On leur dit faites remonter l'information, ils ont dit non et ils nous ont sorti. Je ne sais pas combien de personnes sont encore dedans, mais les CRS sont beaucoup plus que nous", continue le jeune homme.

Le minitre de l'Intérieur réagit 

Pour la préfecture, qui s'est exprimée dans un communiqué, ce groupe s'est indroduit avec la "volonté d'accéder, par la force, au bureau du préfet et de ses services. Cette tentative a échoué."

Selon les services de l'État, les manifestants ont été reçus par le coordonnateur pour la sécurité en Corse et "ont refusé de quitter les lieux à l'issue de l'entretien. Ils se sont ensuite opposés par la force à leur évacuation par la police et ont saccagé les bureaux."

La préfecture indique que "l'autorité judiciaire est saisie des faits." Une plainte pour entrée, en infraction, dans un bâtiment administratif, violence en réunion et destruction de matériel a été déposée par les services de l'État. "Je trouve que c'est une façon de faire scandaleuse, je suis attristée par la tournure qu'ont pris les événements et aussi par la réaction de certains. Je ne vois pas en quoi ces actions violentes peuvent être légitimées. Il y a une volonté médiatique et de manipuler", a déclaré Michel Tournaire, dans une conférence de presse quelques heures après les faits. 

Le minitre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a réagi dans un tweet. Il écrit : "Je condamne avec la plus grande fermeté l'intrusion inadmissible de plusieurs individus ce matin dans la préfecture de Corse, ainsi que les dégradations qui ont été commises à cette occasion."

Cinq manifestants blessés 

C'est en fin de matinée que l'intégralité du groupe quitte la préfecture encadrée par des policiers et des pompiers.Cinq sont blessés, dont le fils d'Alain Ferrandi, Simon'Paulu. Tous ont été pris en charge à l'hôpital d'Ajaccio, accompagnés d'un groupe de soutien.

"Comme d'habitude, les forces de police sont intervenues avec violence alors que l'on menait une action pacifique. Ils se sont amusés à taper des coups de matraque sur les têtes de jeunes de 25 ans qui n'étaient pas des Vandales. C'est les méthodes habituelles. Nous, on a mené notre action, on était dans notre droit et on est là pour dire que c'est un déni de justice, un déni démocratique, le maintien du statut de DPS est infondé, il repose sur des arguments fallacieux. Notre volonté était de montrer que l'on est prêt à se mobiliser pour faire respecter le droit et permettre à Alain Ferrandi et Pierre Alessandri de pouvoir rentrer en Corse, sur leur terre, près de leur famille et bénéficier d'un aménagement de peine comme ils y sont éligibles", explique-t-il. 

Deux membres des forces de l'ordre ont également été légèrement blessés lors des échauffourées. 

"Nous demandons le départ immédiat du préfet Lelarge"

Les prises de positions politiques se sont multipliées tout au long de la journée via des communiqués. Le conseil exécutif de Corse estime ainsi que l'action des manifestants est "légitime, et le Conseil exécutif de Corse comprend et partage le sentiment d’injustice, d’incompréhension, et de colère ressenti non seulement par ces jeunes, mais aussi par toutes celles et ceux qui, dans l’île et ailleurs, souhaitent que la logique de vengeance cède la place à la primauté du droit."

Le président de l'Assemblée de Corse, Jean-Guy Talamoni, écrit : "Paris a privilégié, sur le dialogue, la répression débridée. Après une manifestation purement pacifique, de jeunes Corses sont sortis de la préfecture le visage ensanglanté."

Selon lui, "les institutions corses ne peuvent demeurer inertes face à de telles violences policières contre notre jeunesse." Il annonce avoir convoqué, mardi, une réunion de la conférence des présidents de groupes de l'Assemblée de Corse afin de "réagir fermement à cette agression et rechercher ensemble les moyens de traiter le problème de fond."

Dans un second document, co-signé par Petru Antone Tomasi, président du groupe Corsica Libera à l'Assemblée de Corse, il réclame le "départ immédiat du préfet Lelarge." "Il est manifeste qu'[il] joue un rôle particulièrement délétère dans la situation que connaît la Corse. [...] Pascal Lelarge est définitivement disqualifié pour occuper un poste de responsabilité sur la terre Corse", écrivent les deux responsables politiques. 

 Du côté de l'opposition, trois présidents de groupe se sont d'ores et déjà exprimés. Jean-Charles Orsucci, président du groupe "Andà per dumane" "regrette profondément que des blessés soient à déplorer de part et d’autre." Andà per dumane estime "assist[er] aux conséquences désastreuses de la surenchère des communications hasardeuses et belliqueuses du Président de l’Assemblée, constamment suivi par le Président du Conseil exécutif de Corse." Dans le même temps, Jean-Charles Orsucci indique qu'il ne participera pas à la réunion des présidents convoquée par Jean-Guy Talamoni "afin de ne pas donner crédit à une quelconque utilisation politicienne de cet incident."

"Climat insurrectionnel"

Valérie Bozzi, présidente du groupe "La Corse dans la République" et Jean-Martin Mondoloni, président du groupe "Per l'Avvene", écrivent dans un communiqué commun "regrett[er] les évènements survenus ce matin, et promptement cautionnés par la majorité." Eux non plus ne participeront pas à la conférence des présidents "dans un climat insurrectionnel". "On ne peut que relier cette situation aux propos irresponsables de Gilles Simeoni qui indiquait à l’occasion d’une conférence de presse « s'il faut construire un rapport de force avec l'État, y compris par des moyens qui ne se limitent pas à l'action institutionnelle, on sait d'où l'on vient et ce que nous sommes capables de faire. »", analysent-il. 

Le parti nationaliste Femu a Corsica appelle quant à lui à un "arrêt immédiat de la répression et une reprise immédiate du dialogue pour aboutir à une solution conforme au droit sur la situation des prisonniers." Core in Fronte, autre parti nationaliste, écrit : "la raison et la vengeance d'Etat ne sont pas une réponse à la situation des prisonniers et au problème corse."

 

Partitu di a Nazione Corsa (PNC) estime quant à lui "scandaleux que l'Etat est toujours prompt à s'inscrire dans une logique répressive en mobilisant les forces de l'ordre contre de jeunes corses alors qu'il ne respecte pas ses propres lois et les textes internationaux en matière de justice."

Dans l'après-midi, une quarantaine de personnes se sont réunies devant la préfecture de Haute-Corse, à Bastia, en soutien aux manifestants. 

L'opinion insulaire n'a jamais autant penché en faveur du rapprochement des deux détenus : le 25 janvier, deux motions appelant à la levée du statut de détenu particulièrement signalé d'Alain Ferrandi et Pierre Alessandri a été votée au Conseil municipal d'Ajaccio. Avant Ajaccio, une trentaine de collectivités, dont la communauté d'agglomération de Bastia, avaient déjà adopté de pareilles motions. Le 30 janvier dernier, une manifestation affichant les mêmes revendications a rassemblé 2.000 personnes à Corte. 

 

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