Les présidents de l’Assemblée de Corse ont été reçus par le Premier ministre à Matignon hier lundi. Déçus par cet entretien, les deux hommes attendent dorénavant la position d’Emmanuel Macron. Le président de la République sera en Corse le 6 février prochain.
Reçus par Edouard Philippe pour une « prise de contact » après leur large victoire aux élections territoriales, les président de l’Assemblée de Corse Gilles, Simeoni et Jean-Guy Talamoni, ont dit lundi attendre qu'Emmanuel Macron « donne le la » lors de sa visite début février dans l'île de Beauté.
Le déplacement du chef de l'Etat, prévu le 6 février à l'occasion du 20e anniversaire de l'assassinat du préfet Erignac, sera "très certainement" l'occasion pour Emmanuel Macron « de s'exprimer et de donner ‘le la’ sur ce que sera la position, non seulement du gouvernement, mais de l'Etat » sur la Corse, a indiqué Gilles Simeoni à la sortie de leur entretien avec le Premier ministre à Matignon.
La visite présidentielle devrait ainsi être plus longue que la seule journée du 6 février et « donner lieu à une séquence politique en plus de la séquence mémorielle » de l'hommage à Claude Erignac, a-t-il indiqué. L'Elysée n'a pas fait de commentaires.
Point d’étape
Quant à la rencontre de plus de deux heures avec le Premier ministre, c'était « un point d'étape », selon Gilles Simeoni, qui a permis de faire état des revendications du camp nationaliste mais n'a pas débouché sur un changement de position du gouvernement.
Les élus nationalistes veulent mettre sur la table leurs « points fondamentaux » historiquement rejetés à Paris: co-officialité de la langue corse avec le français, statut de résident corse permettant de protéger les insulaires de la spéculation immobilière, amnistie des prisonniers dits politiques, reconnaissance de la Corse voire du « peuple corse » dans la Constitution, statut d'autonomie « de plein droit » de l'île de Beauté.
« Le Premier ministre a enregistré ces positions » mais « le gouvernement n'est pas allé plus loin dans la prise en compte de nos demandes et revendications, ce qui peut représenter une forme de déception », a souligné Gilles Simeoni.
Sur la question constitutionnelle, « la porte n'a pas été fermée concernant notre demande forte de l'inscription d'une reconnaissance de la spécificité de la Corse », selon l'élu corse. L’exécutif ne veut que la naissance de la collectivité de Corse, et l'accompagnement de ses compétences, soit le premier sujet.
Selon Matignon, le Premier ministre a émis « une proposition de méthode » : d'une part une proposition sur l'investissement et le développement alors que le programme exceptionnel d'investissement touche à sa fin à la fin de l'année. Et d'autre part « une offre d'ingénierie », c'est-à-dire une mobilisation des services de l'Etat pour apporter de l'expertise à la nouvelle collectivité. C'était le premier rendez-vous avec le Premier ministre depuis l'écrasante victoire de la liste commune nationaliste « Pè a Corsica » aux élections territoriales de décembre, avec 56,5% des suffrages.
« Est-ce qu’on met la Corse dans la Constitution ? »
La visite sur l'île le 5 janvier de la ministre Jacqueline Gourault, désignée « Madame Corse » du gouvernement, avait donné lieu à un dialogue qualifié de « constructif » de part et d'autre. Si elle avait repoussé clairement certaines revendications, comme la co-officialité, la ministre MoDem avait fait un pas, en indiquant que le projet de réforme constitutionnelle pourrait « débloquer un certain nombre de sujets concernant la Corse », citant notamment la question foncière, la loi littoral, la gestion des déchets, via l'extension du droit d'expérimentation des collectivités.
De nouveaux rapprochements de certains prisonniers corses dans l'île sont également envisageables, au cas par cas, avait-elle dit.
Gilles Simeoni et Jean-Guy Talamoni doivent également être reçus mardi après-midi par le président du Sénat Gérard Larcher (LR) et mercredi par celui de l'Assemblée nationale François de Rugy (LREM), deux acteurs clés de la future réforme constitutionnelle.
Mardi dans l'après-midi, déçus par les différents échanges avec le gouvernement, Gilles Simeoni et Jean-Guy Talamoni ont appelé à une " manifestation populaire" en Corse.
Après nos entretiens d’hier et d’aujourd’hui, notre conviction est faite : l’Etat refuse de reconnaître et de prendre en compte la dimension politique de la question corse. Dans ces conditions, nous appelons dans les prochains jours à la tenue d’une grande manifestation populaire pic.twitter.com/8DZUzcpQ6e
— Gilles Simeoni (@Gilles_Simeoni) 23 janvier 2018
« Un des sujets, c'est est-ce qu'on met le mot Corse dans la Constitution ? On réfléchit », explique une source gouvernementale. La visite d'Emmanuel Macron en Corse dans deux semaines s'annonçait initialement avant tout commémorative.
Jean-Guy Talamoni, qui réclame l'amnistie y compris pour le commando Erignac, a annoncé qu'il ne participerait pas à l'hommage, notamment pour ne pas heurter la famille. Dimanche dernier, dans une tribune publiée dans Corse-Matin, l'élu indépendantiste a proposé un « hommage commun » religieux à « l'ensemble de ceux qui ont perdu la vie » lors du « conflit corse ».