Le 27 avril dernier, un séminaire international de lutte contre la criminalité organisée s’est tenu à Paris. Lors du discours d’ouverture, Eric Dupond-Moretti a évoqué des pistes de travail du gouvernement en la matière.
“Le crime organisé est une menace pour tous nos États. […] Nous ne pouvons plus fermer les yeux”. Dans son discours d’ouverture d’un séminaire international de lutte contre la criminalité, jeudi 27 avril à Paris, le garde des Sceaux a affiché son ambition de faire de ce sujet une priorité.
Devant des magistrats, des enquêteurs et des représentants d’institutions européennes et internationales d’une trentaine de pays Eric Dupond-Moretti a déclaré : “Ces groupes criminels interconnectés disposent de ressources infinies, souvent indécelables, et recourent à des moyens de moins en moins dissimulés, par le biais de stratégies destinées directement à intimider et à déstabiliser nos fonctionnements démocratiques.”
Il concède : “si les signaux d’alerte ont progressivement été intégrés en matière de lutte contre le terrorisme, nous avons tardé à prendre conscience que la menace était tout aussi sérieuse en matière de lutte contre le crime organisé parce que celui-ci est par définition insidieux et souvent dissimulé.” “Nous ne nous laisserons pas déstabiliser et nous garderons l’ascendant”, a-t-il assuré.
Vers un renforcement du dispositif d’aide aux repentis ?
Pour ce faire, Eric Dupond-Moretti avance une stratégie “d’entraves et d’enquête internationales” reposant sur “trois piliers”. Le premier réside en la “spécialisation des acteurs”. Il rappelle ainsi la création, en 2004, des juridictions interrégionales spécialisées (Jirs) pour “assurer le traitement des dossiers de grande complexité”, “renforcées par la création de la juridiction nationale de lutte contre le crime organisé”.
Le deuxième pilier consiste en “l’anticipation”. “Il nous faut anticiper les évolutions de leurs méthodes et de leurs domaines d’actions”, défend le ministre de la Justice. “Parce que cette criminalité organisée passe par la traque des flux financiers qu’elle engendre et la captation des biens mobiliers et immobiliers qu’ils génèrent. À cet égard, il faut vite aboutir sur les travaux en cours sur la directive pour le gel et la confiscation des produits du crime.” De plus, en matière d’anticipation, “la France réfléchit elle-même au renforcement de son dispositif d’aide aux repentis.”
Troisième et dernier pilier : “la coopération internationale”. “Ces groupes criminels agissent dans le cadre international. La coopération judiciaire et policière internationale doit elle aussi impérativement être fluide et intense”, défend le garde des Sceaux.
Quelle suite ?
Si le collectif anti-mafia Massimu Susini salue ces annonces dans un communiqué daté du 29 avril, il indique dans le même temps “attendre de voir quelle suite leur sera donnée.”
L’organisation rappelle qu’un rapport en la matière sera présenté par le conseil exécutif de Corse lors d’une session de l’Assemblée de Corse, fin juin. Le document fait suite à aux travaux de commissions auxquels le collectif prend part et pourrait, selon ce dernier, “faire de la Corse le fer de lance de la revendication d'une uniformisation du cadre normatif européen en termes de lutte contre la mafia en y inscrivant la nécessité du renforcement de la loi.”
Ce renforcement comprend : le délit d’association mafieuse ; la confiscation obligatoire des avoirs en cas de condamnation pénale ; la confiscation de prévention ; l’ouverture du statut de repenti aux auteurs ou complices de crimes de sang ; des cours d’Assises avec magistrats spécialisés pour les assassinats commis par la mafia.
De son côté, le second collectif anti-mafia insulaire, A maffia no, a vita iè, écrit dans un communiqué : “Deux éléments importants dans ces déclarations : renforcement du dispositif du repenti, et préparation d'une directive européenne sur la confiscation de biens mafieux sans condamnation. Le tout s'inspirant donc du code pénal italien qui contient ces dispositions. Dupond-Moretti annonce qu'il se rend la semaine prochaine à Milan pour enrichir sa réflexion. Nous lui conseillons de demander à son homologue transalpin de lui indiquer les effets de la clé de voûte de leur dispositif pénal : le délit mafieux."