Un cadre exceptionnel, une eau turquoise conjuguée à un maquis garni, c'est le décors très prisé de la réserve de Scandola.
Mais devant l'afflux de visiteurs, comment se gère cet endroit de la côte ouest de l'île ?
Déchets, environnement : une équipe de France 3 Corse s'est rendue sur place.
Le hameau de Girolata situé sur la rive sud de la réserve naturelle de Scandola est un ancien lieu de transhumance.
Un lieu très prisé des touristes.
Plus de 170.000 y passent chaque année, alors qu'une dizaine d'âmes à peine y réside à l'année.
Mais alors comment gère t-on les déchets d'un endroit aussi reculé que celui-ci, accessible uniquement par la mer ou à pieds, avec un tel afflux de touristes ?
Déchets : la solution du tri
Dans le restaurant de plage où nous nous rendons ce jour-là, comme dans tous les autres établissements de Girolata, le personnel a pris l'habitude de trier les déchets à la source.
C'est ce que nous explique Pascal, restaurateur.
Il y a une poubelle pour tout ce qui est compost par exemple, et c'est très pratique, tout est à portée de main. Il faut simplement éviter de se tromper, faire attention qu'il ne reste pas de nourriture dans les assiettes.
comme tous les employés de l'établissement, le cuisinier est formé à cette pratique.
C'est lui qui se rend au centre de tri après le service.
Première étape, séparer les différents types de déchets : les canettes métalliques, le plastique, et enfin le verre.
Au total, ces déchets représentent 20 à 25 tonnes par an à Girolata, le reste allant au compost.
Plus loin, à la plateforme de compostage, le bois, les cartons et les déchets alimentaires sont mélangés pour obtenir un engrais.
Il faut 18 mois pour réussir à produire le compost définitif qui sera en suite mis à disposition des gens et qui permet d'améliorer les plantations du village.
Nous explique François Alfonsi, maire d'Osani.
Restent les déchets qu'on ne peut pas recycler.
Ils sont destinés à l'enfouissement : c'est environ 20% des 100 tonnes de déchets produites annuellement.
Un chiffre relativement bas puisqu'à Girolata on atteint jusqu'à 80% de tri, soit 4 fois plus que la moyenne en Corse.
En place depuis 13 ans, le système de gestion des déchets de Scandola a nécessité un investissement de départ de 350.000€.
Aujourd'hui tout le monde joue le jeu, même les plaisanciers de passage.
Une fois recueillis, tous les jeudis, les déchets recyclables sont acheminés par bateau jusqu'à Porto, puis envoyés sur le continent pour y être traités.
C'est la dernière étape du processus.
Sur-fréquentation : les bateliers s'estiment injustement remis en cause
Autre problématique à la réserve de Scandola, celle de la sur-fréquentation.
François-René Castellani est batelier à Porto depuis 10 ans.
Né à Piana, petit-fils de pêcheur, il connaît par cœur les calanche et la réserve naturelle de Scandola, qu'il fait découvrir aux touristes sur son bateau de 12 places.
Il l'a baptisé l'Alpana, qui signifie en corse "balbuzard", aigle pêcheur emblématique de ce site exceptionnel, classé au patrimoine mondial de l'UNESCO.
Et comme tous les adhérents à l'association des bateliers de Scandola, qui réunit 25 des 27 entreprises du secteur, François René Castellani reste à bonne distance des deux nids de balbuzards, où des petits sont nés cette année.
Depuis cette date, les bateliers ont en effet passé un accord avec le parc naturel et l'office de l'environnement : respecter une distance de 250 mètres autour des deux nids de balbuzards concernés.D'habitude on s'approche de cette côte. Mais cette fois on s'approchera pas parce qu'on a voté ça le premier juillet.
Objectif : préserver les juvéniles dont le nombre est en déclin sur toute la côte ouest de l'île.
Mais c'est aussi à cette date que le comité consultatif de la réserve s'est réuni pour la première fois en deux ans.
A cette occasion, le conseil scientifique de la réserve a fait état de la situation environnementale :
- La vie sous-marine foisonne
- La population de mérous (espèce protégée) est stable
- La population de corbs serait impactée sans en connaître les causes
- Des inquiétudes persistent sur les juvéniles de balbuzard où la aussi, la cause n'est pas clairement identifiée
Ce pourrait être le cas avec les navires de promenade par exemple.
Mais pas seulement.
Car à quelques encablures de Scandola, dans les très fréquentées calanche de Piana, la reproduction des aigles n'est pas impactée, selon Jean-René Castellani.
Ici c'est l'endroit des calanche le plus fréquenté. Juste avant les grottes, juste avant "a Terra sana" donc c'est un endroit où les bateaux passent beaucoup. Et c'est paradoxal puisqu'ici les nids sont nombreux. Donc je trouve ça paradoxal de mettre ça sur le dos des bateliers.
Et si les professionnels ont accepté cette mesure non obligatoire, c'est pour faire la démonstration de leur intérêt pour la préservation de l'environnement.
Ils espèrent au passage redorer leur image car depuis plusieurs mois, ils estiment être victimes d'une campagne de dénigrement de la part du conservateur de la réserve de Scandola, Jean-Marie Dominici.
En octobre dernier, une interview de ce dernier diffusée dans le magazine Thalassa a mis le feu aux poudres :
Comme tous les bateliers de Scandola, François René Castellani dit avoir été choqué par ces propos du conservateur de la réserve.Aujourd'hui on est dépassés par la frénesie de l'argent, où les gens ne respectent plus rien parce qu'ils ont la folie de l'argent. C'est comme les requins quand ils ont goûté le sang, si vous vous mettez au milieu tout le monde se fait manger.
Ses confrères et lui ne se reconnaissent pas dans cette description sévère.
Pour les promeneurs en mer, le procès qui leur est fait est sans fondement et basé sur des arguments fallacieux.
Le parc naturel régional de Corse, gestionnaire de la réserve de Scandola et contacté à plusieurs reprises, n'a pas donné suite à nos sollicitations.
Entre les bateliers et le conservateur de la réserve, le torchon brûle
Des bateliers menaçants pour la gestion de la réserve de Scandola. c'est aussi l'avis de l'association de défense de l'environnement U Levante, qui annonce jusqu'à 500 passages de navires à passagers par jour et 790 000 visiteurs par voie de mer.
Faux, selon les bateliers, au premier rang desquels Jean-François Luciani, directeur du port de Girolata :
On doit être entre 190.000 et 250.000 personnes, donc on est loin de certains chiffres avancés dans certains médias qui étaient des chiffres totalement exagérés.
Le 15 juillet dernier, à l'occasion d'une réunion de concertation organisée entre les différentes parties à Porto, Jacques Costa, président du parc naturel de Corse qui gère la réserve de Scandola, s'exprimait en direction des bateliers :
Des chiffres ont été donnés, des chiffres fantaisistes, des études on en a pratiquement jamais eu connaissance, donc je comprends très bien ce que vous voulez dire, mais ces choses là ne se produiront plus, je vous le dis.
Mais malgré les promesses de Jacques Costa, les bateliers restent sceptiques.
Pour eux, la confiance est rompue avec le conservateur de la réserve Jean-Marie Dominici.
Eric Cappy, le président de l'association des bateliers, répond à Jacques Costa :
Notre position est claire. Nous avons besoin d'un interlocuteur fiable, et ce n'est pas le cas aujourd'hui.
Si Jean-Marie Dominici est maintenu à son poste, il n'a désormais plus le droit de s'exprimer publiquement au nom de l'institution.
Les modalités restent à définir.
Mais une chose met tout le monde d'accord : la régulation est nécessaire et doit se faire dans la concertation.
Un compromis devra être trouvé rapidement, puisque le projet d'extension de la réserve de Scandola est déjà en discussion.