La victoire des nationalistes aux élections territoriales en Corse est le fruit du pragmatisme, d'une puissante dynamique militante, ainsi que du consensus sur le renoncement à la violence, ont souligné lundi des analystes.
Il s'agit de la première grande victoire nationaliste depuis le renouveau de ce courant de pensée, à la fin des années 1960, un succès qui ouvre la voie à une
recomposition du paysage politique insulaire. "Historique !", ont clamé à l'unisson les éditorialistes après la victoire par plus de 10 000 voix d'avance de la liste Pè a Corsica conduite par le maire autonomiste de Bastia, Gilles Simeoni, 48 ans.
"Les nationalistes n'étaient pas favoris. Mais ils ont été très intelligents en anticipant la fusion depuis plusieurs mois, de manière à ce qu'elle se fasse très naturellement entre les deux tours", souligne le politologue Andria Fazi.
La victoire a aussi été forgée par "une dynamique militante impressionnante", notamment auprès de la jeunesse, ajoute Andria Fazi, maître de conférences à l'Université de Corse, à Corte.
L'annonce du dépôt des armes par le Front de libération nationale de la Corse (FLNC), en juin 2014, a encore "fortement favorisé le rapprochement entre autonomistes et indépendantistes". Après des dizaines années de violence clandestine, elle a aussi "amené des électeurs n'ayant pas vraiment la fibre nationaliste à voter pour eux", poursuit-il.
"Le succès des nationalistes aux élections crée un nouveau rapport de forces qui ne peut plus être ignoré par Paris", souligne dans un éditorial le journaliste Jérôme Susini de la radio publique RCFM.
Ce pragmatisme s'est illustré durant cinq ans par de nombreuses initiatives des 15 élus nationalistes (sur 51) à l'Assemblée de Corse sortante, à l'origine de la plupart des réformes votées. Elles concernent notamment la co-officialité de la langue corse, l'instauration d'un statut de résident pour juguler la spéculation, d'une fiscalité adaptée et l'adoption d'une collectivité unique.
"La bataille des idées a été gagnée par le mouvement national", a écrit le dirigeant de Corsica Libera Jean-Guy Talamoni, dans le dernier numéro du Ribombu (L'écho), organe de ce parti indépendantiste. "La nouvelle bataille à livrer prendra la forme d'un rapport de forces politiques avec Paris", a ajouté Jean-Guy Talamoni qui sera élu jeudi président de l'assemblée de Corse, Gilles Simeoni prenant la présidence du conseil exécutif.
Les nationalistes, qui disposeront d'une majorité relative de 24 sièges (sur 51), devront aussi continuer à faire preuve de pragmatisme et d'esprit de consensus durant cette mandature de deux ans seulement.