Les professions réglementées, comme les pharmaciens et les huissiers, sont appelés à faire grève ce mardi, pour s'opposer au projet du ministère de l'Economie. Ce dernier prévoit de remettre en cause leur monopole et de faire baisser leurs tarifs.
Huissiers, notaires, pharmaciens, opticiens… Les professions réglementées sont dans le collimateur de Bercy. L'annonce d'un projet de réforme a provoqué un tollé dans tous ces secteurs, qui ont appelé à un mouvement de grève générale mardi 30 septembre. Ce projet de loi, qui se fonde en partie sur un rapport de l'Inspection générale des finances (IGF), remet en question leurs tarifs et leurs monopoles.
Face à la fronde des professions concernées, Emmanuel Macron, ministre de l'Economie, a repoussé la réforme à 2015 et a assuré qu'elle serait limitée à de "petits déblocages". Malgré cela, des rassemblements sont prévus dans toute la France mardi, "à l'initiative des syndicats", précise l'Union nationale des professions libérales (UNAPL).
Après les manifestations des notaires et des huissiers à Paris à la mi-septembre, les pharmaciens seront cette fois-ci à la pointe de la mobilisation, avec un taux de fermeture des officines avoisinant 90% en moyenne.
Réquisitionnées pour assurer la permanence des soins, comme la loi l'autorise, des pharmacies de garde seront néanmoins ouvertes toute la journée. Chaque Agence régionale de santé a mis en ligne une liste des officines de garde pour la journée de mardi.
La mobilisation des libéraux se traduira aussi par des fermetures de cabinets médicaux, parfois pour quelques heures seulement. La Confédération des syndicats médicaux français (CSMF, majoritaire) conseille ainsi aux praticiens de "s'adapter en fonction de la situation locale".
D'autres professions, comme les greffiers des tribunaux de commerce ou les administrateurs et mandataires judiciaires, privés de droit de grève, manifesteront leurs inquiétudes auprès de leurs publics respectifs.
Un projet "inacceptable"
Parmi les mesures qui fâchent ces professionnels, certaines font l'unanimité contre elles, comme l'ouverture du capital des sociétés d'exercice libéral (SEL) à des non-professionnels, un projet qualifié d'"inacceptable" par Michel Chassang, président de l'UNAPL. Le président de la chambre des notaires des Hauts-de-Seine a exprimé les craintes de sa catégorie face au risque de "prise de contrôle par des professions extérieures". Sur l'antenne de la radio BFM Business, Olivier Herrnberger a stigmatisé les "exigences de rentabilité" des banques et des fonds de pension.Les professions médicales s'inquiètent aussi d'une éventuelle suppression du numerus clausus, qui limite actuellement le nombre d'étudiants en médecine, pharmacie, chirurgie dentaire et kinésithérapie.
Annoncé début juillet par l'ancien ministre de l'Économie, Arnaud Montebourg, le projet de "loi pour la croissance" devait inclure un volet sur les professions réglementées, afin de "restituer l'équivalent de 6 milliards d'euros de pouvoir d'achat aux Français". Ce projet se fonde en partie sur un rapport de l'Inspection générale des finances (IGF), gardé secret depuis mars 2013 et publié la semaine dernière, ce qui a relancé la contestation des professions visées.
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Les huissiersLes huissiers de justice étaient déjà en grève du 15 septembre au 17 septembre, pour protester contre le projet de réforme de leur profession. Dans un rapport datant du mois de juillet, l'IGF suggérait de leur retirer le monopole de la signification, c'est-à-dire la remise d'actes et de décisions de justice. Cette mission, qui pourrait être confiée à la Poste, représente 60% de leurs revenus.
Le rapport proposait en outre d'ouvrir le capital des études d'huissiers à des professionnels non spécialisés et de leur permettre de s'installer où ils le souhaitent. Des mesures qui menaceraient 10 000 emplois dans les 2 000 études de France, selon la Chambre nationale des huissiers. Des réunions de concertation ont eu lieu entre le ministère de l'Economie, celui de la Justice et les huissiers.
Les notaires
Le gouvernement souhaite également s'attaquer au métier de notaire, en prévoyant notamment que les actes puissent être rédigés par tous les professionnels du droit, signale France 3 Champagne-Ardenne. Cette mesure pourrait être laissée de côté par Bercy, qui a annoncé que la réforme envisagée sera moins contraignante que prévu.
L'IGF suggérait par ailleurs de revoir les tarifs des notaires, qui sont proportionnels à la valeur des biens immobiliers vendus. Bercy voudrait faire baisser leurs tarifs de 20% pour augmenter le pouvoir d'achat des ménages.
Entre 12 000 et 16 000 notaires, selon la police ou les organisateurs, ont manifesté à Paris, mercredi 17 septembre. "On ne va pas résoudre les problèmes des Français en sacrifiant les notaires ou les pharmaciens", a tempéré Emmanuel Macron après ce rassemblement.
Les pharmaciens
Les pharmaciens s'opposent notamment à la suppression du monopole des médicaments à prescription facultative, comme ceux à base de paracétamol, ou sans prescription. Les prix de ces derniers, qui ne sont pas remboursés par la Sécurité sociale, sont fixés par les officines.
Les pharmaciens, dont la marge sur les médicaments non remboursés est d'environ 34%, s'opposent en bloc à cette réforme. Ils redoutent une guerre des prix si les grandes surfaces sont autorisées à vendre certains produits pharmaceutiques. La baisse de leurs revenus se répercuterait selon eux sur le nombre de personnes employées dans les pharmacies et aurait un impact négatif sur l'accueil des patients, rapporte TF1 News. Toutefois, la ministre de la Santé, Marisol Touraine, s'est déclarée défavorable à une autorisation de la vente de certains médicaments hors pharmacie, le 10 septembre.
Les professions médicales s'inquiètent en outre d'une éventuelle suppression du numerus clausus, qui limite le nombre d'étudiants en médecine, pharmacie, chirurgie dentaire et kinésithérapie, entre autres.
Les opticiens
D'autres professionnels de santé se mobilisent contre la réforme du gouvernement. Un projet de loi, annoncé en mars, entend tout d'abord limiter le remboursement des lunettes par les complémentaires de santé à 470 euros, pour forcer les opticiens à baisser leurs prix.
Bercy souhaite par ailleurs élargir les missions des opticiens, en permettant à certains d'entre eux de prescrire des lunettes après une spécialisation en optométrie, indique Capital. Le but est de compenser la pénurie d'ophtalmologues en France, en créant une nouvelle profession, optométriste.
Deux des trois syndicats d'opticiens sont toutefois opposés à ce texte, estimant que la création du métier d'optométriste ne diminuerait pas le temps d'attente pour une consultation. Emmanuel Macron a précisé que Bercy comptait discuter avec les professionnels ainsi que le ministère de la Santé avant de mettre en place cette réforme, selon Capital.
(Marie-Violette Bernard - FranceTVinfo)