A l'approche de Noël, les producteurs de foie gras s'inquiètent, débordent de stocks et comptent sur le mois de décembre pour sauver leur chiffre d'affaires

Le foie gras, produit phare des fêtes de fin d'année, connaîtra-t-il le même succès que d'ordinaire ? Pour les producteurs de foie gras alsaciens, tout se joue au mois de décembre. Avec les restaurants fermés et les marchés de Noël annulés, les stocks ne cessent d'augmenter. Explications. 

D'ordinaire, il est le produit phare des fêtes de fin d'année : le foie gras. Mais cette année, les producteurs se retrouvent avec d'énormes quantités de foie gras en stock, faute de vente ces dernières semaines. "Vous voyez, tout ça, on aurait dû le vendre sur les marchés de Noël de Strasbourg et Colmar", explique Lucien Doriath en pointant du doigt des dizaines de tranches de foie gras. Le fondateur de la Maison Doriath compte bien plus de stock cette année que les années précédentes. En cause : l'annulation des marchés de Noël, certes, mais aussi la fermeture des restaurants. 

Quant aux grandes surfaces, elles achètent en bien moindre quantité. "D'habitude, les gens achètent 500 g de foie gras. Maintenant qu'ils ne sont plus qu'à deux ou quatre, ils privilégient le format 120 g", poursuit Lucien Doriath. Pour autant, père et fils ne peuvent pas simplement se réduire à produire moins car "il faut 5 mois entre le moment où l'on commande des canards et le produit final. D'abord, il faut compter 5 semaines jusqu'à l'éclosion, puis 13 semaines d'élevage et deux semaines de gavage. A cela, il faut ajouter les quelques jours de transformation, car nous valorisons toutes les parties du canard", explique Lucien Doriath.
 

Une production qui demande du temps et, en cette crise, une capacité d'adaptation toute particulière. Le problème, c'est qu'en commandant les canards cet été, les producteurs de foie gras ne savaient pas encore quelle serait la situation à Noël. "Dans le doute, on ne pouvait pas se permettre d'acquérir moins de canards, car la situation inverse aurait pu se produire : trop de demandes pour pas assez de produits", enchaîne Mickaël Doriath, fils du fondateur et actuel gérant de la Maison Doriath. Un difficile jeu d'équilibriste, d'autant plus que d'ordinaire, "Noël compte comme 4 à 5 mois en terme de volumes", enchaîne-t-il. 

Alors l'entreprise compte sur le mois de décembre pour écouler les stocks et sauver le chiffre d'affaires de l'année. Sur le seul mois de novembre, la Maison Doriath compte une baisse du chiffre d'affaires de 40 % par rapport à l'année dernière. Pour continuer de vendre ses produits, Mickaël Doriath compte sur le site internet de l'entreprise. La vente en ligne y est proposée depuis plusieurs années. Pour lui, c'est un véritable plus dans cette situation, "même si cela ne compensera pas les pertes", ajoute-t-il. Au mois de novembre, la vente en ligne représentait 2/3 des ventes. Un chiffre qui a explosé ces dernières semaines : "nous avons 6 fois plus de commandes en ligne ce mois de novembre par rapport à novembre 2019".
 
D'autres producteurs se mettent à peine à la vente en ligne, faute de pouvoir compter sur les moyens de vente traditionnels. Nicolas Lechner, producteur de foie gras à Pfettisheim, est en train de la développer. Mais le temps de pouvoir compter dessus, il a opté pour l'impression de 3.000 prospectus distribués chez des particuliers dans le Kochersberg. Ni lui ni son père, fondateur de la ferme Lechner, n'ont encore eu besoin de passer par des prospectus pour attirer des clients. Et la situation devient urgente. Noël représente 70% du chiffre d'affaires de la Ferme Lechner.

"C'est très compliqué en ce moment pour l'ensemble des producteurs", explique Nicolas Lechner, également président de Gänzeliesel, l'association des producteurs alsaciens de foie gras. "A la crise sanitaire qui a des répercussions économiques s'ajoute le problème de la grippe aviaire. Cela se ressent aussi dans la consommation car certains n'achètent plus de produits de peur de cette grippe", estime-t-il. Mais dans cette crise inédite, Nicolas Lechner peut compter sur la solidarité de certains agriculteurs. Chaque semaine depuis le début du mois de juillet, il livre certains de ses produits à la Ferme des Tilleuls, à Eschau. "J'ai appelé la chambre d'agriculture au printemps vu la situation, et on m'a redirigé vers Catherine Huck", raconte Nicolas Lechner.
 
En effet, Catherine Huck a décidé de s'associer à d'autres producteurs pour vendre leurs produits sur les marchés et à ses clients. "L'entreaide est essentielle. L'idée a germé au fur et à mesure du temps, et lors du premier confinement, je me suis dit que c'était le moment de se lancer. A présent, je travaille avec une vingtaine de producteurs. Ensemble, nous proposons une multitude de produits aux clients comme le lait, les oeufs, les légumes, le foie gras...". Une évidence pour cette agricultrice, et un soulagement pour Nicolas Lechner. Pour lui, c'est la garantie d'un revenu hebdomadaire, un filet de sécurité dans cette crise sans précédent. Surtout, cela lui donne de l'espoir : "quand quelqu'un vous tend la main, est présent en cas de problème, cela fait énormément de bien !" conclut-il.