Quatre mois après le déraillement d'une rame d'essai de TGV qui a fait 11 morts et 42 blessés, la SNCF a réuni pour la première fois samedi à Paris une centaine de personnes, familles des victimes, afin d'aborder la question de l'indemnisation, mais aussi la sécurité ferroviaire et l'enquête.
"Le président de la SNCF Guillaume Pepy a eu un discours de responsabilité, disant que la SNCF est responsable de cet accident du 14 novembre, de tous ceux qui étaient dans le train, et qu'elle en assumerait la responsabilité", a rapporté à l'AFP Me Gérard Chemla, avocat de plusieurs familles de victimes, à l'issue d'une réunion de plus de trois heures.
La SNCF a eu "un discours empathique et a annoncé un protocole d'indemnisation dans lequel tout le monde serait indemnisé au mieux possible, au même niveau, sans qu'il y ait de première ou de deuxième classe", a-t-il ajouté, assurant que les familles de victimes en sont sorties "plutôt satisfaites".
Jacques Rapoport, qui a démissionné fin février mais assume ses fonctions jusqu'à la nomination d'un nouveau président, le directeur juridique et le directeur général de la sécurité de la SNCF ont également répondu aux interrogations des familles de victimes.
Interrogée par l'AFP, la SNCF n'a pas souhaité commenter le déroulé de cette réunion.
Elle avait expliqué un peu plus tôt que "cette première réunion" était "l'occasion de rencontrer les familles, leur expliquer ce qui s'est passé, leur dire où en est l'enquête et comment les choses vont se dérouler, en abordant le volet juridique".
Mi-février, une note d'étape du Bureau d'enquêtes sur les accidents de transport terrestre (BEA-TT) a estimé que la vitesse était la cause "unique" du déraillement du TGV, tombé dans le canal de la Marne au Rhin après avoir abordé une courbe à 265 km/h alors que la vitesse prévue était de 176 km/h.
Selon les enquêteurs, l'exploitation des données de l'enregistreur embarqué dans la rame permet "d'affirmer que l'excès de vitesse constaté était dû uniquement à un déclenchement du freinage trop tardif d'environ 12 secondes".
Cet accident constitue le premier déraillement mortel dans l'histoire du TGV depuis sa mise en service en 1981.
« Contexte juridique particulier »
"Si cette faute humaine suffit à faire dérailler un TGV, comment conçoit-on la sécurité de ces essais ?", s'est interrogé Me Chemla.Dans son édition de samedi, Le Parisien souligne le rôle du cadre transport traction, présent dans la cabine de commande lors de l'accident, qui aurait, selon ses informations, "volontairement choisi de freiner au point kilométrique PK 401, alors que la feuille de route prévoyait de le faire un kilomètre plus tôt au point PK 400, afin de passer de 330 km/h à 176 km/h".
L'accident du 14 novembre est particulier: il implique des employés de la SNCF, pour qui le déraillement relève de l'accident du travail, mais aussi des invités non salariés qui n'étaient pas censés se trouver à bord du train, et pour qui ce drame relève d'un accident de transports sans l'assurance que confère la possession d'un titre de transport.
"Ce contexte juridique particulier fait que les règles d'indemnisation sont couvertes par une clause de confidentialité. Pour la première fois, la SNCF n'a pas ouvert la signature du protocole d'indemnisation au procureur ou encore au conseil national des Barreaux, mais uniquement aux entreprises concernées telles que SNCF Réseau, SNCF, Axa ou encore Systra, filiale d'ingénierie du transport public de la SNCF et la RATP", regrette Stéphane Gicquel, secrétaire général de la Fédération nationale des victimes d'attentats et d'accidents collectifs (Fenvac).
"Le but ici est d'informer les familles sur leurs droits, leur indemnisation mais aussi les rassurer car beaucoup hésitent à se constituer partie civile du fait qu'il s'agit de leur employeur et de leurs collègues de travail. Il y a beaucoup d'interrogations et pas forcément une volonté d'accuser", nuance-t-il.
La mère de Fanny, victime de 25 ans invitée par son compagnon ingénieur chez Systra, a toutefois demandé mi-février "une sanction pour toujours pour la SNCF, qui pourrait les dissuader d'être aussi légers avec les vies humaines".
Initialement prévue pour le mois d'avril, la mise en service de la ligne à grande vitesse (LGV) Est européenne entre Paris et Strasbourg est désormais fixée au 3 juillet. Les essais ont repris lundi.
Le reportage de J. Jung et C. Biehler. Interviews de Michèle Kerckhove, Présidente de l'institut national d'aide aux victimes et Me Gérard Chemla, Avocat de plusieurs familles