Au moins trois accidents ont eu lieu sur des passages à niveau en Alsace depuis le début de l'année 2024, dont le dernier le 12 mars à Herrlisheim (Bas-Rhin). Un problème national et identifié par la SNCF, qui tend à pointer le non-respect du code de la route.
"Il est encore ému par ce qui lui est arrivé, et surtout il a conscience maintenant d'être un miraculé". Deux jours après l'accident d'un de ses administrés avec un TER, le maire d'Herrlisheim Serge Schaeffer est allé prendre de ses nouvelles. L'homme de 77 ans se remet doucement de ce qui aurait pu être un drame fatal pour lui. Mardi 12 mars, sa voiture a été percutée par l'arrière seulement, le laissant indemne. Mais ça gronde du côté des habitants et de l'édile. En cause, le passage à niveau sur lequel a eu lieu l'accident, déjà théâtre d'un accident le 2 mars dernier.
Depuis six mois, trois autres accidents ont été relatés dans la presse locale sur des passages à niveau en Alsace : un mort le 5 février à Marienthal (Bas-Rhin), une voiture percutée par un train à Kilstett (Bas-Rhin) le 5 janvier, et une jeune femme tuée par un train en gare de Russ/Hersbach (Bas-Rhin) le 24 octobre 2023. Si cette recension comprend à la fois des accidents de la circulation et des gestes délibérés de personnes souhaitant se donner la mort, les passages à niveau restent des lieux synonymes de danger.
La SNCF l'a d'ailleurs bien identifié. L'entreprise ferroviaire organise régulièrement des campagnes de sensibilisation sur le sujet. Cela ne l'empêche pas de rester ferme sur ses critères quand il s'agit d'équiper les passages à niveau. Interrogée sur la possibilité d'installer une barrière à celui de la commune d'Herrlisheim à la suite de l'accident du 12 mars, la SNCF Réseau nous a simplement rappelé que le programme de sécurisation des passages à niveau était "régulièrement mis à jour", et qu'Herrlisheim ne figurait pas dans ce document.
Quasiment un tiers des passages à niveau sans barrière en Alsace
Selon Olivier Géneveaux, directeur du pôle communication de la SNCF Réseau Grand Est, les critères pour inscrire les passages à niveau sur cette liste sont simples : "Nous regardons les chiffres de la fréquentation et du trafic à la fois sur les rails et sur la route. Si le passage à niveau n'est pas beaucoup fréquenté, nous jugeons que la sécurisation n'est pas nécessaire". Les accidents sont également pris en compte selon le site du ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires, mais les deux premiers critères sont les plus déterminants. Résultat, "la quasi-totalité" des passages à niveau inscrits sur cette liste sont "équipés de feux à diode".
Or, si l'on revient à l'accident d'Herrlisheim cette semaine, il s'agit d'un passage à niveau sans barrière et sans feu. "C'est justement le fait qu'il n'y ait pas d'équipement autre qui pose un problème, estime le maire Serge Schaeffer. Le passage se situe un peu en hauteur, et quand il y a du brouillard, les agriculteurs me disent qu'ils ne voient pas le train arriver. Le son ? Généralement quand on l'entend, il est déjà trop tard, surtout si on est en véhicule lourd..."
Il faut aussi reconnaître qu'un passage à niveau sans barrière, c'est potentiellement dangereux dans tous les cas
Gilles Huguet, président de la Ligue contre violence routière locale
Selon les chiffres donnés par la SNCF Réseau Grand Est, l'Alsace compte 320 passages à niveau dont 96 qui ne sont pas équipés de barrière. Cela revient à quasiment un tiers des passages à niveau alsaciens non gardés, contre un quart au niveau national. "La SNCF parle de la responsabilité des usagers qui ne respectent pas le code de la route, c'est en partie vrai, mais il faut aussi reconnaître qu'un passage à niveau sans barrière, c'est potentiellement dangereux dans tous les cas, estime Gilles Huguet, président de la Ligue contre la violence routière Haut-Rhin/Bas-Rhin. Un tiers des barrières non-protégées, ce n'est pas rien. Il faut pouvoir réfléchir au cas par cas, et ne pas systématiquement renvoyer à des critères administratifs."
Décidé à faire bouger les lignes pour sa commune, Serge Schaeffer estime qu'il faut aussi "prendre en compte le sens de l'histoire" dans ce débat. "Si on veut vraiment favoriser le ferroviaire, il vaut mieux faire le maximum pour qu'il y ait le moins d'incidents possibles, non ?" L'accident d'Herrlisheim a bloqué le train et la ligne pendant 1h30.