Alsace : du fil de fer tordu au chariot de supermarché, grandeur et déclin de l'entreprise Caddie

Caddie soufflera-t-elle un jour sa 100ème bougie ? Depuis sa fondation en Alsace en 1928, l'entreprise à l'origine du chariot de supermarché a connu essor fulgurant puis déclin progressif. Retour sur une saga alsacienne dont le nom et le produit emblématique sont mondialement connus.

Grâce à la réalité augmentée, découvrez le chariot qui vous convient”. Sur la page d’accueil du site internet de Caddie, une vidéo illustre l’expérience grâce à un smartphone. Il est bien loin le temps où le fondateur de l’entreprise, Raymond Joseph, concevait des accessoires en fils métalliques tressés : paniers à salades, égouttoirs, ou encore mangeoires pour poussins ou clapiers à lapins !

A l’époque, en 1928, l’ancien ajusteur vient de créer “les Ateliers réunis” à Bischheim puis Schiltigheim, communes limitrophes de Strasbourg. Cinq personnes travaillent alors à la “fabrication d’articles dédiés au confort ménager”. 

Après la guerre, le patron décide de diversifier son activité. Il se rend alors aux Etats-Unis pour se mesurer cet essor des magasins en libre-service dont il a eu vent. Sur place, il rencontre les grands noms de la future grande distribution, et il décide de “faire quelque chose pour les autres”, rapporte Stéphane Dedieu, actuel PDG. En 1957, Caddie est fondé, le nom est officiellement déposé (Raymond Joseph s’est inspiré de l’appellation donnée aux petits chariots des golfeurs lors d’un séjour à Vittel). C’est le début d’une grande aventure économique française et alsacienne.

Sur la vague des supermarchés 

Dans les années 70 et 80, avec le développement des supermarchés, l’entreprise grandit et se diversifie. Un second site de production de 30.000 m2, entièrement robotisé, est créé à Drusenheim. Caddie ouvre des filiales commerciales aux USA, Royaume Uni, Belgique, Allemagne, Espagne. Au plus fort de son histoire, l’entreprise fait travailler 1.300 personnes. 

Car le produit phare de Caddie, tout le monde l’a un jour utilisé, c’est bien sûr le chariot de supermarché. Mais l’usine imagine et fabrique aussi des outils pour les secteurs du tourisme, de la santé. Ainsi, les chariots de transports de Caddie s’imposent dans les hôtels, les aéroports, les hôpitaux...  

Les chariots de Caddie sont partout, et très vite, le nom de la marque devient un nom générique.

Ne l'appelez pas “Caddie” 

Les consommateurs poussent gaiement des “Caddie” dans tous les rayons de supermarché du monde, mais quand la presse utilise à son tour le terme comme nom commun, elle est poursuivie devant les tribunaux, et condamnée. Ainsi, en 1997, les journaux Le Figaro et  Libération feront les frais de la très procédurière successeure de Raymond Joseph, en la personne de sa fille Alice Deppen-Joseph, qui a repris les rennes de Caddie en 1984. Le constructeur allemand Volkswagen doit également verser des royalties après avoir baptisé un de ses utilitaire “Volkswagen caddy”.  

Mais ce ne sont là que de petites histoires de la grande histoire du Caddie. Car depuis les années 80, l’entreprise connaît difficultés et désillusions. Pour ne pas trahir l’esprit du fondateur, “Mademoiselle Alice”, comme elle est surnommée, refuse que le fabricant prenne le virage du plastique.  

Début du déclin

Ce retard d'innovation marque-t-il un tournant ? Quoi qu'il en soit, Caddie va peu à peu connaître des années plus sombres. Elle fait face à la concurrence de l'allemand Wanzl (devenu depuis leader), qui lui ravit des parts de marché. A la fin des années 90, les dettes s’accumulent, forçant à des modifications douloureuses. A chaque crise, c’est le même scenario : redressement judiciaire, reprise, restructuration et licenciements en masse. 

En 2012, premier passage devant les tribunaux : l’usine est reprise par Altia (un sous-traitant automobile). L’activité est recentrée sur le site de Drusenheim, et même si 15 millions d’euros sont investis, il faut renoncer aux locaux historiques de Schiltigheim. Mais le nouvel actionnaire ne tient pas ses promesses, dépose le bilan, et le groupe Altia sera finalement démantelé. 

Trois redressements judiciaires 10 ans 

Nouveau placement en redressement judiciaire en 2014. A ce moment-là, les effectifs ont fondu et ne comptent désormais plus que 400 personnes en Alsace. Chaque fois, les salariés se battent, toujours confrontés au même paradoxe : les caisses sont vides, les carnets de commandes pleins. Le paiement des salaires est incertain. Le chiffre d’affaires suit une courbe en chute libre : 60 millions en 2011, 40 millions en 2013, 8 millions en 2014.

Une réalité économique aux conséquences sociales dramatiques : 269 employés resteront encore sur le carreau cette année-là. En novembre 2014, l’ancien PDG Stéphane Dedieu reprend la main. D'actionnaire majoritaire au départ, il doit quelques années plus tard céder des parts au groupe polonais Damix (propriétaire de 70% des parts), mais il est toujours à son poste en ce début d'année 2022. 

En 2018, quand l’entreprise fête ses 90 ans, Caddie affiche un chiffre d’affaires en hausse de 25% (à 31,5 millions d’euros), la presse parle alors de renaissance, mais l’avenir est très incertain, contexte souligné par Maxime Durand dans son ouvrage “Caddie, itinéraire d’une icône française” (éditions du Cherche Midi). Trois ans plus tard, toute l’activité a été transférée à Dettwiller, Caddie perd à nouveau une cinquantaine d’emplois.  

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