Alsace : L'eau Lisbeth de Soultzmatt, une centenaire toujours moderne

Rund Um. Depuis 100 ans, en Alsace et ailleurs, on boit l'eau de la source Lisbeth, exploitée à Soultzmatt depuis 1922. Elle sert également de base à de nombreux sodas et limonades. Mais à Soultzmatt coulent encore d'autres sources, plus anciennes, qui ont forgé l'histoire de la vallée Noble.

L'eau Lisbeth voit la vie en rose. Une bouteille "collector", spécialement créée pour son 100e anniversaire, arbore son étiquette saumonée d'origine. Une étiquette bien plus joyeuse que son habituel look rouge, vert ou bleu, qui indique si elle pétille ou non. 

Lisbeth, eau de source, est exploitée depuis 1922. Les différentes sources captées auparavant, et commercialisées sous le nom de Nessel, devenaient insuffisantes à couvrir la demande. De nouveaux forages ont donc été entrepris, et permis de capter cette eau moins minéralisée mais beaucoup plus abondante, à laquelle le directeur d'alors a donné le prénom de sa fille. 

Aujourd'hui, les eaux Lisbeth et Nessel sont captées au moyen de trois puits, de 52 à 104 mètres de profondeur. L'eau Nessel est qualifiée de "minérale" car les roches profondes qu'elle côtoie l'ont chargée de divers minéraux. La Lisbeth, captée à une moindre profondeur, répond à l'appellation "eau de source". 

Des sources connues depuis le 13e siècle

Certaines sources du fond de la Vallée Noble sont connues depuis… 1272. "A l'époque, un moine, Tschamser, écrit que dans cette superbe vallée de Soultzmatt sourd une eau minérale" explique André Schlegel, 1er adjoint au maire de la commune, et historien local. "Il raconte que sur ce pré jaillit une source qui ne gèle jamais – entretemps, nous savons qu'elle sort à 12 degrés – et que les bêtes qui paissent ici la préfèrent à l'eau de la rivière."

L'eau de Soultzmatt est exploitée dès le premier quart du 17e siècle. L'évêque de Strasbourg, Léopold de Habsbourg "achète la source, et la fait mettre en bouteilles pour la transporter à Saverne et Strasbourg et la servir à sa table" précise l'historien. "Il fait aussi embouteiller du vin de Soultzmatt, mais l'histoire ne dit pas s'il buvait plus d'eau que de vin."

Après la Guerre de trente ans, des sources sont captées pour être consommées, et alimenter un établissement de bains construit sur le site. Un siècle plus tard, après la Révolution, le nouveau propriétaire fait également édifier une chapelle et aménager une promenade pour les curistes. Cette station thermale va perdurer jusqu'à la fin du 19e siècle.

"Les curistes, venus de Suisse, d'Allemagne et de France, mangeaient bien, buvaient de l'eau, se promenaient en montagne et prenaient du bon temps" raconte André Schlegel. "Le soir, ils dansaient dans les 9 auberges de Soultzmatt, au son d'un orchestre. Le tout était vendu sous le concept de Petit Paris. L'art de vivre à la française, vanté et vécu ici, était le fonds de ce commerce."

L'industrialisation de la production d'eau débute dès le milieu du 19e siècle. En 1892, suite à un incendie, l'activité balnéaire est abandonnée, mais la commercialisation de l'eau se développe. On construit à cet effet une grande halle de style Empire. L'eau Nessel, vantée pour ses vertus thérapeutiques, "est destinée à des pharmacies et des drogueries" précise l'historien. "On l'achemine sur des carrioles tirées par des chevaux jusqu'à la gare de Rouffach." 

La source Lisbeth offre de nouvelles possibilités

 La découverte de la source Lisbeth, beaucoup plus abondante, permet de développer l'exploitation commerciale. En 1952, la commune fusionne les Sources Nessel, jusque-là privées, avec les sources communales. Aujourd'hui, les Sources de Soultzmatt constituent une SEM (société d'économie mixte), dont 51% des actions appartiennent à la petite ville. "On peut dire que c'est la seule source de France qui appartient encore à une commune" se réjouit André Schegel.

Dès 1969, l'eau de source Lisbeth sert de base à la fabrication d'une limonade, la Liness (contraction de Lisbeth et Nessel). Elle existe toujours en version nature, citron et orange. Sa petite sœur, nommée Effervé, présentée "dans des bouteilles de verre avec des bouchons à l'ancienne, est vendue aujourd'hui dans 23 pays" précise Francis Staerck, directeur commercial.

Les pays anglo-saxons "apprécient particulièrement cette 'french limonade'" aux couleurs acidulées et aux parfums parfois surprenants : pomme verte, orange sanguine, cranberry citron vert, myrtille, poire, etc.

Au début des années 1980, et avec l'avènement des bouteilles en plastique PET, la halle Empire est délaissée au profit d'une nouvelle usine, plus vaste. Mais jusqu'à aujourd'hui, la moitié de la production est toujours conditionnée dans des bouteilles de verre, destinées à la restauration "mais également aux grandes surfaces."

Et plus des deux tiers de ces contenants de verre sont consignés. "Ce sont nos bouteilles, que les clients nous rendent. Une telle bouteille peut faire jusqu'à 20 allers-retours. C'est tout l'intérêt du verre" explique Francis Gollentz, responsable administratif et financier.

Depuis une vingtaine d'années, à côté de la limonade, l'entreprise des Sources de Soultzmatt développe aussi divers sodas. "On a produit Elsass Cola, et il y a environ 10 ans, on a commencé avec du thé glacé, du schorle de pommes, et d'autres, tous des produits créés à base de Lisbeth" liste Francis Staerck.

Sans cesse, la petite entreprise de 43 salariés propose de nouveaux produits ou packagings. Les derniers-nés sont des bouteilles de 33cl en verre pour les restaurants et les fermes-auberges : Tonic, Liness, Elsass cola zéro, Pom' de Lisbeth… "On est contents d'évoluer. Si on reste immobiles, il n'y a pas de vie. Or l'eau, c'est la vie" rappelle le directeur commercial.  

Aujourd'hui, les Sources de Soultzmatt offre une cinquantaine de recettes différentes, dont une grande variété de limonades. Et 200 références différentes. A titre d'exemple, l'eau Lisbeth, à elle seule, compte pour 18 références, avec ses trois couleurs (plate, légère et pétillante) ses deux types de bouteilles (verre ou PET) et ses trois formats (33cl, 50cl et 1 litre).

Et sur les 25 millions de bouteilles qui sortent chaque année de l'entreprise, la moitié reste des bouteilles d'eau.

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