PORTRAIT. Lucette Kuhn, 66 ans, cinquième participation à l'Ultra-Trail du Mont-Blanc : "je n'ai aucune courbature"

Lucette Kuhn a une toute petite voix, fragile. Il n'empêche, la sexagénaire est une force de la nature. A 66 ans, Lucette vient de participer pour la cinquième fois à l'Ultra Trail du Mont Blanc. Elle est arrivée première de sa catégorie sur le 15 km. Comme une fleur.

On m'a prévenue. Il faut y aller doucement avec Lucette. La runneuse ne court pas après la gloire. Et c'est un euphémisme. Au téléphone, Lucette a une toute petite voix, un souffle qu'elle doit sans doute garder en réserve pour ses courses. Je dois, au prix de mille exclamations, lui faire part de mon admiration pour ses exploits qui me semblent, moi, sportive de bas étage, être des sommets. Portrait.

66 ans et cinq ultratrails 

Lucette Kuhn est revenue de Chamonix mardi dernier. En pleine forme. Sans aucune courbature s'étonne-t-elle. Pour sa cinquième participation à l'Ultra-Trail du Mont-Blanc, UTMB pour les intimes, la sexagénaire à fait "la petite". 15 km. 1300 mètres de dénivelé. Petite mais costaude.

"J'avoue que je ne l'ai pas trouvée facile celle-là, ça grimpait, il faisait chaud, j'ai fini en 3h17."  Malgré tout, Lucette est arrivée première de sa catégorie (65-70 ans). "Je n'ai aucun mérite, dans cette catégorie il n'y pas grand-monde.

Ce qu'elle ne me dit pas et que j'apprendrai plus tard par sa fille, Valérie, c'est que Lucette gagne à tous les coups ou presque. Voilà de quoi remettre les baskets au centre de la chaussée. "En 2015 maman a fait le  50 km soit 3.300 de dénivelé (OCC), elle est arrivée deuxième de sa catégorie, en 2016 le 120 km-7200m de dénivelé (TDS) un truc de fou, elle est arrivée première, en 2018 le 100 km - 6.000 m de dénivelé (CCC) encore première, en 2019 le 40 km, première, et cette année la 15 km (ETC)."

Pour une "sportive moyenne" comme Lucette se définit, vous conviendrez avec moi que c'est quand même pas si mal. 

Lucette préfère aux podiums les sommets alpins. "Moi les performances, les chronos je m'en fiche. Ce que j'aime dans ces courses ce sont les paysages qui défilent. Ça me permet de libérer les tensions, de m'évader". Comment courir de si longues distances quand on a si peu les pieds sur terre ? "Elle n'a pas de matériel ultrasophistiqué comme on peut en voir, pas d'entraînement de dingue non plus. Elle a juste un mental d'acier. C'est la force tranquille. Je suis infiniment fière d'elle. Elle est si humble en plus." précise Valérie.

Ce que j'aime dans ces courses ce sont les paysages qui défilent.

Lucette Kuhn

Valérie aussi a fait "la petite course" avec sa maman et son frère Nicolas. "Lucette est forte dans les montées, moi dans les descentes, on se retrouve toujours même si pour courir Lucette n'a besoin de personne." 

Une vocation tardive 

Lucette n'est pas tombée dans une potion Powerade ou Isostar quand elle était petite, non. Elle a commencé à tailler la route en pièces à l'âge de 40 ans. "C'est une collègue de travail qui m'a proposé de faire du jogging avec elle. Je me suis dit tiens oui pourquoi pas ?"

Sa première course, Lucette s'en souvient très bien, c'était pour l'inauguration du tram de Strasbourg. "10 km jusqu'à Auchan, le long des rails du tram, j'étais contente de mes résultats et surtout d'avoir terminé." Lucette dépassera sa collègue qui finalement abandonnera le running. Sortie de route.

Lucette, elle, ne s'arrêtera plus. "Sauf pendant le Covid". Elle court deux fois par semaine. 30 km autour de chez elle, sur la route et les chemins de Matzenheim. "Du bitume, des cailloux, c'est parfait." En 26 ans de running, la sportive "moyenne" a cumulé quatre marathons (Paris et Strasbourg), deux semis, et nous l'avons dit cinq ultra trails.

Elle a aussi créé des vocations. Valérie est entrée dans la boucle, sa maman en ligne de mire, plus finalement que la ligne d'arrivée. "C'est mon moteur, mon exemple. Cette force qu'elle a en elle. Elle fait des trucs de dingue et elle ne s'en rend même pas compte." Valérie est émue. Les larmes montent.

Elle fait des trucs de dingue et elle ne s'en rend même pas compte

Valérie Valentin

Car Valérie revient de loin. En courant elle aussi. Et dans cette course pour la vie, la sienne, un moteur 420 CV n'a pas été de trop. 

Les Strasbourgeoises

Valérie Valentin a surmonté deux cancers du sein en quatre ans. Elle les a combattu avec sa tête et ses pieds. "Maman je l'ai toujours connue très active, voire un peu bourin mais pas forcément sportive. Jamais je n'aurais imaginer qu'elle avait un potentiel de course comme celui-là. Quand elle a commencé à faire du trail et notamment l'UTMB avec un podium, là je me suis dit wahouuuu. Elle me sert d'aiguillon."

C'est Lucette aussi qui l'a inscrite à son premier Ultra-Trail du Mont Blanc. "Elle m'a dit : 'allez, ça va te faire du bien, on le fait. C'est un défi.' Je me suis dit si elle y arrive, il n'y a pas de raison que je n'y arrive pas. La course était dure, maman était devant, j'ai continué." 145 km, 9.000 mètres de dénivelé. Encore sous traitement, Valérie abandonne dans la dernière montée après 36 heures d'efforts. Qu'importe, le moteur Lucette lui a fait côtoyer les cimes et reprendre confiance en son corps.

L'UTMB est donc logiquement devenu un sommet familial au sens propre et au sens figuré. "Avec Valérie et Nicolas, mon fils, on fait les mêmes courses, chacun va à son rythme. Alors certes on n'arrive pas tous en même temps mais il y a toujours le comité d'accueil à l'arrivée, c'est sympa", s'amuse Lucette.

Dans l'agenda des Kuhn, il y a aussi Octobre rose. La Strasbourgeoise, cette course dédiée à la lutte contre le cancer du sein. Valérie en a été la marraine en 2017. "Ma fille, ma mère et ma sœur ont eu un cancer du sein alors pour moi c'est important d'y participer. Je veux être solidaire, je veux être là", assène Lucette.

En 2020, quatre générations Kuhn y ont participé. De la mère de Lucette 80 ans, en fauteuil roulant, à sa petite fille. "On l'a faite en marchant, pour un moment de partage. Marcher contre la maladie toutes ensemble, qui nous a a touchées de près ou de loin." 

Lucette n'a pas fini de courir. "J'arrêterai quand mes articulations ne me suivront plus. Pour l'instant ça va." D'autant que son fils, Nicolas, est en pourparlers avec l'UTMB pour organiser un ultra trail dans les Vosges entre Colmar et Obernai.  Des paysages qu'elle connait déjà sur le bout des orteils. Chaud devant. 

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