Les vieux films de famille sont des trésors, que l’association MIRA veut préserver et remettre en valeur. Pour la troisième année consécutive, elle organise une collecte de films amateurs samedi 10 octobre 2020 à travers toute l’Alsace.
Votre grand-père filmait tous ses petits-enfants bébés dans leur bain ? Votre grand-oncle immortalisait ses copains de bistrot et les gens de son village ? Votre arrière-arrière cousine emmenait sa caméra en vacances, dans le Tyrol d’avant-guerre ? Leurs bobines, parfois oubliées dans un grenier ou sur une étagère, vous semblent peut-être sans intérêt, ou anecdotiques. Mais pour l’association MIRA (Mémoire des images réanimées d’Alsace), elles représentent d’inestimables filons. Qui permettent de revoir une époque révolue, des lieux disparus, des usages oubliés. Mises en perspective avec d’autres films analogues, elles donnent aussi de précieux indices sur l’évolution d’un lieu, de modes de vie ou d’habitudes vestimentaires. Un concentré de la vie de l’Alsace au siècle dernier.
L’association MIRA est née en 2006, dans le but de sauver, analyser et faire connaître ces images animées, tournées par des amateurs ou des professionnels méconnus. « Nous sommes l’une des cinémathèques les plus jeunes de France » précise Marion Brun, documentaliste de l’association. MIRA collecte et numérise ces films inédits, les révèle au grand public, et reconstitue et pérennise ainsi la mémoire visuelle d’une Alsace en voie de disparition ou déjà totalement oubliée.
« C’est passionnant. » Pour Marion Brun, son travail de visionnage, de numérisation et de classement, quoique parfois fastidieux, est un réel bonheur. Elle décrit ses innombrables découvertes de « pratiques disparues », de « l’évolution des transports », du « travail aux champs. J’ai un faible pour les gens des milieux ruraux des années 30 » reconnaît-elle. « On voit aussi des costumes portés par les paysans d’alors, qu’on ne verra jamais dans un musée. » A travers tous ces films, Marion Brun décèle aussi « une évolution des corps physiques » avec le constat qu’au fil des ans, « les gens marchent moins. » Et même les images tendres ou humoristiques de bébés dans leur baignoire sont riches d’enseignement, « car entre les années 30 et les années 80, les habitudes ont largement évolué. »J'ai un faible pour les gens des milieux ruraux des années 30.
Depuis 2013, MIRA s’est installée à Strasbourg, dans la Maison de l’image. L’année durant, certains particuliers viennent directement y apporter leurs anciennes bobines. Mais pour la troisième année consécutive, l’association organise aussi une collecte, afin de rappeler à tous qu’il ne faut surtout pas jeter ces anciennes bobines qui font, à leur manière, partie intégrante du « patrimoine très local, régional, et même national. »
La première collecte a permis de rassembler environ 450 bobines de films. L’an dernier c’était presque un millier. Cette année, dans sept lieux du Nord au Sud de l’Alsace, des bénévoles de l’association seront à nouveau à la disposition des personnes acceptant de leur confier ces souvenirs de famille. « Certains viennent déposer leurs bobines avec quelques hésitations, en disant ‘Je ne sais pas trop ce qui peut vous intéresser’ raconte Marion Brun. Mais d’autres reconnaissent parfaitement leur valeur historique. » Et heureusement, de plus en plus de gens ont conscience de la qualité de ces images.
Chaque échange est l’occasion pour les bénévoles de « se renseigner sur la personne qui a fait les films » précise Marion Brun, et d’en apprendre davantage sur le contexte de leur réalisation. Des discussions souvent intenses, qui ravivent des émotions enfouies. « Ça ne se fait pas sans larmes, les gens sont tellement émus. » Il peut aussi arriver que des personnes qui viennent d’acheter une maison trouvent dans leur grenier des films de parfaits inconnus, dont ils ne savent rien. Dans ces situations, l’émotion n’est pas de mise. Mais c’est à l’association MIRA de faire ensuite les recherches pour retrouver les ayants-droits, avant de pouvoir éventuellement exploiter des images ainsi obtenues.Certains viennent déposer leurs bobines avec quelques hésitations, en disant ‘Je ne sais pas trop ce qui peut vous intéresser’
Après la collecte, « on visionne tout » promet Marion Brun. La petite équipe de trois salariées et deux bénévoles de l’association vient d’ailleurs à peine de terminer le visionnage de la collecte de l’an dernier. Ensuite, selon la qualité des films, le traitement est différent. Certaines bobines de peu d’intérêt (les mêmes bâtiments de Venise filmés par d’innombrables vacanciers des années 70, mais « sans les gens »…) sont directement rendues à leurs propriétaires, mais toutes les autres sont numérisées au préalable. Et en échange d’une version numérique gratuite, les propriétaires, par un contrat signé, donnent l’autorisation à l’association de valoriser leurs films lors de projections et d’expositions, ou de les vendre pour la réalisation de documentaires.
Jusqu’à présent, près de 4.500 bobines sont déjà passées par les mains de l’équipe de MIRA, et près de la moitié d’entre elles ont été numérisées et conservées.
Mais le fabuleux plongeon dans le passé offert par ces images, dont les plus anciennes, de format 9/5e, remontent jusqu’en 1924, ne comble pas seulement les amoureux passéistes d’une Alsace révolue. Loin de là. « Le travail qu’on fait commence à être reconnu », se réjouit Marion Brun. En effet, l’association travaille avec l’université de Strasbourg, dont certains étudiants en histoire utilisent désormais ces films amateurs "comme objet de recherche et documents historiques" dans leurs travaux dirigés. Et en échange, parfois ce sont les étudiants qui permettent à MIRA de dater précisément tel ou tel film.
La troisième journée de collecte de films amateurs aura donc lieu samedi 10 octobre dans sept lieux du Nord au Sud de l’Alsace (tous les formats anciens sont acceptés : 9,5 mm, 16 mm, 17,5 mm, 8 mm et super 8).Certains étudiants en histoire utilisent désormais ces films amateurs comme objet de recherche dans leurs travaux dirigés.
- Sarre-Union, au Centre socio-culturel : de 10h à 18h
- Lauterbourg, à la Maison des Jeunes et de la culture de la Lauter : de 14h à 18h
- Haguenau au musée historique : de 14h à 17h30
- Strasbourg à la Maison de l’image : de 10h à 18h
- Rosheim, à la médiathèque : de 9h30 à 12h30
- Mulhouse, au cinéma Bel Air : de 14h à 18h
- Dannemarie, au foyer de la Culture : de 10h à 12h et de 14h à 18h