L'Eurométropole de Strasbourg a lancé lundi 7 octobre un nouveau dispositif d'accompagnement des citoyens dans la prévention des risques d'inondation. L'occasion de revenir sur les réflexes à adopter pour minimiser les dégâts chez soi en cas de montée des eaux.
"On est tous dépités, il va falloir du temps pour s'en remettre"... C'était il y a six mois. Les habitants du centre-ville de Diemeringen (Bas-Rhin) confiaient leur détresse aux médias locaux après des inondations historiques. 59 habitants évacués, 460 foyers sans électricité et des dizaines de milliers d'euros de dégâts. Voilà de quoi largement se prémunir contre l'impression que l'on est à l'abri du danger, pourrait-on croire.
Sauf qu'après le drame, la plupart des habitants n'ont pas montré d'intérêt particulier vis-à-vis d'un potentiel diagnostic gratuit des risques pour leur maison. C'est en tout cas ce que rapporte Franck Hufschmitt, directeur de la transition écologique au Syndicat des eaux et de l'assainissement Alsace-Moselle (SDEA). "Comme partout ailleurs, environ 10% des habitants sondés ont accepté un diagnostic qu'on leur proposait gratuitement. Et parmi eux, seuls 10% ont engagé des travaux de prévention."
On n'est donc ni plus prudent ni plus aveugle au risque qu'ailleurs à Diemeringen. Et ce, même quelques semaines après avoir subi un si grand traumatisme. "Comme on parle de crue centenaire, on se dit souvent que ça n'arrivera pas de nouveau de notre vivant, devine Franck Hufschmitt. Pourtant, avec le réchauffement climatique, ça pourrait bien arriver de nouveau." Alors que faire pour se protéger chez soi ?
Premier réflexe à avoir : se renseigner sur la zone que l'on habite
Nous avons demandé à deux experts comment chacun pouvait procéder chez soi pour se protéger de la meilleure façon possible. Le premier réflexe à avoir, selon eux, c'est d'aller prendre les informations sur le secteur que l'on habite. Êtes-vous en zone inondable ou non ? Quelles sont les dernières grandes crues sur le secteur, jusqu'où l'eau est-elle montée ?
Pour trouver ces informations, il est possible de se rendre en mairie. Surtout, l'État a mis en place un site internet sur lequel il est désormais facile d'entrer son adresse et d'avoir une partie des informations nécessaires : Géorisques. "Il est aussi essentiel de savoir comment être au courant de l'événement qui arrive, car ça peut aller très vite, ajoute Brice Martin. Météo France a mis en place un système d'alerte, mais il y a aussi un site spécialisé, Vigicrues, que l'on peut consulter pour suivre en temps réel le fonctionnement des cours d'eau."
Pour celles et ceux qui se trouvent en zone inondable, il peut être pertinent de passer à l'étape supérieure en termes de système de prévention.
Diagnostic et aménagement de la maison
L'idéal serait de faire appel à un expert capable de poser un diagnostic sur les risques précis encourus dans votre logement. Certaines collectivités territoriales ont fait le choix de financer ce diagnostic et l'accompagnement techniques des particuliers. Nous avons évoqué plus haut la SDEA, mais c'est aussi le cas de l'Eurométropole de Strasbourg, qui a lancé le 7 octobre le dispositif Alabri, pour "Accompagnement pour l'adaptation de votre bâti au risque inondation". "Concrètement, c'est d'abord un entretien téléphonique pour connaître les caractéristiques générales de votre logement, puis une visite à domicile, explique Thierry Schaal, vice-président en charge de l'eau et de l'assainissement. L'expert identifiera la hauteur d'eau potentielle, les entrées d'eau possibles. Il vous préconisera ensuite les mesures à prendre pour vous protéger de la meilleure manière possible."
L'Eurométropole propose même d'accompagner le particulier dans ses demandes de subvention et de mise en œuvre des travaux. L'État peut financer les travaux à réaliser à hauteur de 80%, en fonction de la nature de ceux-ci.
Les batardeaux, l'arme de défense massive
Si vous ne souhaitez pas passer par la case du diagnostic, il est tout de même possible de prendre des mesures de prévention. "Il y a trois stratégies à mettre en place suivant la hauteur de l'eau à laquelle on peut potentiellement faire face, expose Franck Hufschmitt, directeur à la SDEA. La première, c'est l'évitement, donc construire au-dessus du niveau de l'eau. Si ce n'est pas possible, on passe à la deuxième stratégie qui est de faire de sa maison une boîte étanche. On utilise des batardeaux, des planches en aluminium qu'on met dans des rainures et qui permettent de bloquer l'eau. On achète des portes et des fenêtres étanches. Il existe aussi des dispositifs qui se gonflent quand l'eau arrive, des sortes de membranes en plastique."
Enfin, si la hauteur de la crue doit dépasser le mètre (à peu près la hauteur d'un batardeau), il faut "accepter que l'eau va entrer de toute façon et adapter sa maison en conséquence". On peut par exemple arrimer sa cuve de fioul à la cave pour que l'eau ne soit pas polluée, monter tous les accessoires et documents précieux à l'étage, différencier le réseau électrique de manière à pouvoir l'utiliser dans les parties non-inondées, ou encore mettre du carrelage plutôt que du parquet là où l'eau peut entrer. "L'idée est de minimiser les travaux à faire après l'inondation", indique Franck Hufschmitt.
La facture peut en effet s'avérer bien plus salée que celle des travaux préventifs. À l'échelle nationale, le coût annuel moyen des inondations s'élève à 800 millions d'euros. Il devrait exploser ces prochaines années avec la fréquence des crues, d'où les politiques publiques de plus en plus volontaristes dans le domaine. Le but est de limiter un maximum l'inflation des dépenses liées aux réparations.
Il est urgent d'anticiper, car l'Alsace est de plus en plus vulnérable
Le réchauffement climatique entraîne en effet une fréquence plus importante d'événements extrêmes. "Tout le monde se souvient des inondations terribles qui ont touché l'Allemagne en 2021, mais elles auraient très bien pu toucher l'Alsace aussi, ça s'est joué à très peu de choses", retrace Brice Martin, maître de conférences de géographie et spécialiste des risques à l'Université de Haute-Alsace. Le danger est d'autant plus réel que le Bas-Rhin et le Haut-Rhin font partie des vingt départements les plus vulnérables de France métropolitaine face aux inondations.
Mais la culture du risque manque cruellement, selon Brice Martin : "Des digues ont été construites très tôt, dès la fin du 19ᵉ siècle, ce qui fait que le territoire est plus préservé qu'ailleurs face aux petites et moyennes crues, les plus fréquentes. Mais ces systèmes ne suffisent pas pour les inondations majeures, et même si elles sont extrêmement rares, elles arrivent. On a perdu l'habitude de la crue en Alsace, hormis dans des cas localisés comme à Diemeringen. C'est une vulnérabilité additionnelle."
Selon le chercheur, compte tenu de la date de la dernière crue importante (1947) en Alsace, et du réchauffement climatique, il est possible qu'une inondation majeure survienne un hiver prochain, aux alentours des fêtes de fin d'année, et le territoire n'apparaît "pas armé" pour y faire face, que ce soit au niveau des pouvoirs publics ou des citoyens eux-mêmes.
Pour en savoir plus sur les dispositifs d'accompagnement disponibles et les réflexes à adopter, l'Eurométropole de Strasbourg organise une demi-journée spéciale intitulée "S'adapter au risque inondation, d'hier à aujourd'hui" ce samedi 12 octobre de 13 h 30 à 17 heures.