Des collégiens et des résidents d'un Ehpad font du cinéma ensemble

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Sujet Rund Um en alsacien sous-titré ©France Télévisions

A Reichshoffen (Bas-Rhin), quelques jeunes du collège voient régulièrement des aînés de l'Ehpad, pour des activités en commun. Ces rencontres sont filmées, et feront l'objet d'un documentaire présenté au public début mai.

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D'un côté, il y a des adolescents de la classe Ulis (unité localisée pour l'inclusion scolaire) du collège Françoise Dolto de Reichshoffen. Des jeunes handicapés par des troubles de l'apprentissage (dyslexie ou autres) qui compliquent leur scolarité. De l'autre, il y a des résidents de la maison de retraite, qui souffrent parfois de pertes de mémoire, ou d'Alzheimer.

L'idée lumineuse d'une enseignante spécialisée, Géraldine Reich, et de l'animatrice de l'Ehpad, Christelle Schmitt, a été de faire se rencontrer ces deux groupes, de manière régulière, autour d'activités communes. Avec la conviction qu'ils pourraient s'enrichir et se faire progresser mutuellement.

Chaque rencontre est filmée par un réalisateur professionnel, et par les jeunes eux-mêmes, dans le but de réaliser un documentaire sur cette expérience inter-générationnelle. Un projet à la fois simple et hors du commun, dont la réussite dépasse déjà de loin toutes les espérances, et fait la fierté de tous.

Des binômes par affinités

C'est une journée de mi-mars, vers 9h du matin. La demi-douzaine de collégiens vient d'arriver à l'Ehpad, et chacun va chercher "son" résident dans sa chambre. Pour l'aider si besoin à mettre les chaussures et le manteau, et l'accompagner jusqu'au hall d'entrée. Malgré une mémoire parfois vacillante, chaque aîné semble parfaitement reconnaître "son" jeune. Et se réjouir de le revoir.

Depuis janvier, ces retrouvailles sont régulières, principalement le jeudi. Une première fois, les résidents se sont rendus au collège pour y rencontrer les jeunes dans leur univers, puis ceux-ci sont venus à l'Ehpad. "Les binômes se sont faits par affinités à la troisième rencontre, raconte Christelle Schmitt. Ça a très bien fonctionné. Il se passe déjà de très belles choses. Ils ont tant de choses à apprendre les uns des autres."

"On a pu choisir le binôme qu'on voulait, précise Hugo, 13 ans. J'ai réfléchi pour choisir quelqu'un qui avait l'air cool. Et ça se passe bien. On parle de la vie, de la nature. Et moi je lui parle de comment ça se passe à la maison, à l'école…"

"On discute, confirme Léo, 13 ans, qui fait équipe avec Régine. Elle raconte ce qu'elle a vécu à l'époque. Qu'ils faisaient beaucoup de trucs à la main, qu'ils n'avaient pas d'objets électroniques, et tout ça. Et nous aussi on leur apprend plein de trucs."

Dès la sortie de la chambre, Estrella, 13 ans, et Denise, 89 ans, se tiennent par la main. "S'isch a Maidala mit scheene Backala" (c'est une fillette avec de jolies joues) s'exclame Denise, en lui caressant le visage. "Elle est mignonne comme un cœur.""Et vous aussi, Denise", répond affectueusement la jeune fille.

Kenzo, 13 ans, très attentionné, aide "son" aîné, Georges, 94 ans, à monter dans le minibus et à attacher la ceinture de sécurité. "Mon but, c'est d'être dans le partage avec Georges, et de profiter, explique-t-il. On a déjà fait d'autres choses, c'était très bien. Et là, c'est une sortie à la ferme, ça va être vraiment bien." 

Câliner des animaux réveille des souvenirs

Précédemment, ils ont déjà pu fêter carnaval ensemble, baratter du beurre à l'ancienne, et se sont initiés respectivement à leurs jeux favoris, jeux de plateau pour les aînés, jeux vidéo pour les plus jeunes. Cette fois, c'est une journée entière d'excursion, qui les mène jusqu'au petit village de Buswiller, près de Pfaffenhoffen.

Après une demi-heure de trajet, ils sont accueillis dans la salle communale par Françoise Morin, une jeune femme qui propose de la médiation animale dans le cadre de son association, "La ferme buissonnière".

Jeunes mains lisses et vieilles mains ridées s'activent ensemble pour couper salades, concombres et endives. Puis pour nourrir et câliner les lapins et les cochons d'Inde que Françoise Morin dépose sur les tables.

Les animaux se laissent papouiller, et ce contact éveille bien des souvenirs à Georges. Il raconte qu'il avait "50 lapins", pour lesquels il "sortait chercher du trèfle". Et évoque avec un peu de nostalgie "le civet" que sa femme et sa mère "savaient si bien cuisiner, alors qu'à l'Ehpad, ils n'en font pas." Mais ne se lasse pas de caresser le pelage chaud et doux.

Les activités sont filmées

En parallèle, Eric Schlaflang, réalisateur professionnel et encadrant vidéo du groupe, présent à chaque rencontre, a sorti sa caméra pour immortaliser certains échanges. Puis il la confie aux jeunes qui en ont envie. "Au début, je montre l'exemple, explique-t-il.

Mais le but du jeu, c'est vraiment de leur passer la caméra, de les aider à maîtriser l'outil et s'approprier l'image. J'essaie de les sensibiliser à la beauté, au cadrage, aux contraintes techniques, au plan sonore… On fait ce qu'on peut, je fonctionne selon les envies et les possibilités de chacun."

Pour certains jeunes, leurs premiers pas de vidéaste sont timides. D'autres cherchent d'emblée des points de vue inédits, n'hésitant pas à se coucher sur la table pour capter certaines scènes sous le meilleur angle. Mais chacun apportera au film son regard et sa sensibilité propre. "C'est une caméra unique, donc nous aurons une même qualité d'image, précise Eric Schlaflang. Mais ce sera "une mosaïque selon le point de vue, l'intention qu'on met derrière la caméra."

Du bricolage à quatre mains

La matinée se poursuit avec la fabrication d'une maison en bois pour les cochons d'Inde, une activité qui attire principalement les hommes, et rappelle à Georges qu'il a "aidé à terminer" sa propre maison, "en travaillant à l'extérieur, puis à l'intérieur, pour pouvoir y vivre."

Les dames se retrouvent autour de petits tableaux à confectionner, en y piquant des fleurs artificielles. "Ça fera un souvenir pour Denise, parce qu'elle m'aime beaucoup, et moi aussi, précise Estrella. On s'entend super bien, et ça me plaît énormément d'être avec elle.""C'est de l'amour, confirme la vieille dame, très émue. Ça fait chaud à l'intérieur."

A l'heure du pique-nique, Kenzo fait le service, apporte les assiettes de sandwiches aux aînés, et leur distribue les couverts. Et de nouvelles discussions s'engagent.

"Les différences de générations ne sont absolument pas un frein pour faire des choses ensemble, se réjouit Christelle Schmitt. Les jeunes apprennent énormément de la part des personnes âgées, et réciproquement, ils leur enseignent aussi beaucoup de choses. Après six ou sept rencontres, on remarque qu'ils se parlent davantage, qu'ils n'ont plus d'appréhensions. C'est super à observer."

"C'est un temps de partage qui permet de sortir les jeunes de leur zone de confort, renchérit Géraldine Reich, l'enseignante. Car pour certains de ces jeunes en situation de handicap, aller vers les autres et communiquer n'est pas évident, et même être en contact avec des animaux n'est pas évident. Là, on développe un savoir-vivre et un savoir-être. Pour certains binômes, les échanges sont impressionnants. On ne s'y attendaient pas. Pour d'autres, c'est un peu plus difficile, il faut davantage solliciter, guider…"

Côtoyer des animaux plus grands

L'après-midi, les jeunes sortent les chaises sur l'herbe, et tous s'installent au soleil pour accueillir un cheval, deux poneys, un âne et un bélier. "Ça fait quelques années que je n'avais plus vu de cheval" s'exclame Georges. Et Marie-Rose, une autre résidente, évoque avec un grand sourire que ses parents "avaient des vaches, et des chevaux et des poules, des lapins et des chiens."

Mais pour elle, comme pour les autres, au-delà du plaisir de pouvoir brosser un poney et donner des carottes à l'âne, la saveur de la journée tient principalement à la présence des collégiens. "Mes nièces aussi ont des enfants, explique-t-elle. J'aime bien parler avec les jeunes, et faire du bricolage avec eux."

Cette fois, c'est Noé, 13 ans, qui s'empare de la caméra. Très attentif "au cadrage, à l'animation, à tout plein de choses" il reste concentré, car il mesure l'importance de son travail. En effet, ce "petit film, on le mettra au cinéma, et nos familles pourront le regarder." Son copain Cyril, 13 ans, résume bien la situation : "Je suis très fier, lance-t-il. Fier qu'on passe des moments ensemble, et qu'on pourra monter le film."

Car le montage aussi, va se faire avec tout le monde. A tour de rôle, chaque binôme s'attellera durant quelques heures à ce travail d'assemblage du son et de l'image. Ainsi, au final, ce film pourra vraiment être signé par eux tous. Même l'affiche annonçant la projection est une œuvre collective.

Une nouvelle sortie d'une journée entière est encore prévue à Bouxwiller, avec la visite du musée du Pays de Hanau. Puis il faudra mettre la touche finale au documentaire, qui sera projeté à l'Ehpad, ainsi qu'à la Castine de Reichshoffen, mardi 7 mai.

Mais l'aventure ne s'arrêtera pas là. "Ils nous ont tous dit qu'ils veulent absolument que ça continue" assure Christelle Schmitt. Même après la projection du film, les jeunes reviendront à l'Ehpad, au moins jusqu'aux vacances d'été."

"Impossible de s'arrêter du jour au lendemain, confirme Géraldine Reich. On va ajouter de nouveaux projets, autour de thèmes comme la lecture, ou le conte, pour continuer à se voir." Car l'essentiel, de cette belle aventure humaine, ce sont les relations de confiance patiemment tissées, qui valorisent tant les uns, comme les autres. Et ces heures de petits bonheurs partagés.  

 



 

 

 

 

 

 

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