Des hectares d'arbres abattus à cause d'une invasion de scolytes, quelles solutions pour éviter les coupes rases?

Les scolytes sont les plus importants tueurs d'arbres en Europe. Ces insectes ravageurs adorent l'épicéa commun et le pin. Des coupes rases ou massives s’en suivent, une situation qui nécessite de revoir les stratégies de production de la filière.

La monoculture d’arbres, notamment d'épicéas (parce qu'il était économiquement rentable) a été lancée dans les années 60-70-80 en France, grâce à des aides de l'Etat. Depuis quelques années, ces "cultures" posent de sérieux problèmes. Des milliers d'arbres, de même essence, plantés les uns à côté des autres sont devenus l'objet de nombreuses agressions.

Comme les arbres fruitiers, les résineux et les feuillus ont des prédateurs. De toute petite taille parfois, mais leur action peut-être fatale. Ainsi les scolytes sont principalement fans des épicéas communs et des pins. Ils creusent des galeries sous l'écorce, y pondent leurs œufs et dévorent le bois. Leurs colonies se multiplient à grande vitesse et infestent rapidement un individu.

Mais le mal ne s'arrête pas à un arbre. L'air de vol du scolyte est seulement de quelques mètres, mais quand il est installé dans une zone, il envahit rapidement de grandes superficies, colonise tout l'espace et pullule.

Des squatters indélogeables aux coupes rases

En Alsace, comme dans tout le Grand Est, les scolytes se sont fortement installés dès les années 2018-19. Avec des étés exceptionnellement chauds et des hivers pas vraiment froids, ils s'incrustent et deviennent indélogeables. Les épicéas infestés doivent être abattus et évacués avant que la génération suivante de scolytes ne s'envole. Les coupes rases sont souvent la seule solution.

En Alsace, à Barr, une superficie de huit à dix hectares a été abattue entre 2023 (1ère coupe) et juillet 2024 (seconde coupe), pour venir à bout de l'envahisseur. "La présence des scolytes était avérée depuis 2018", explique Pierre Bacher, technicien forestier des forêts syndicales de Barr, Heiligenstein, Bougheim, Goxwiller et Gertwiller, "mais l'année dernière il y a eu une explosion. Nous avons eu entre trois et quatre nouvelles générations en un temps record, parce qu'il a fait chaud jusqu'en octobre."

Pierre Bacher est sur le terrain au quotidien et fait des survols de forêts avec des drones, mais les scolytes sont difficiles à détecter tôt. "Ces insectes pondent haut dans les arbres et descendent progressivement. En un mois l'été, un arbre est sec. Nous intervenons tous les ans sur les quatre communes autour de Barr. Tant que les zones touchées sont petites, on peut couper les arbres autour, sur vingt à trente mètres. Mais quand la prolifération a eu lieu, il est trop tard, il faut couper massivement."

Replanter comme avant, il n'en est pas question

Dans l'Est de la France, le sapin meurt de soif et l'épicéa est détruit par les scolytes. Mais nous avons des espèces qui résistent. "Nous comptons beaucoup sur la régénération naturelle", précise le forestier. Ces professionnels observent les essences qui repoussent spontanément sur les endroits des coupes.

En deux années, on peut voir dans cette forêt de Barr de nouvelles pousses de chênes, beaucoup de feuillus, des hêtres, des mélèzes, des sapins, des pins et un peu de douglas. Ce dernier ne sera probablement pas planté dans cette zone, on compte sur ceux qui repoussent déjà seuls.

"Désormais la forêt sera plus ouverte et plus étagée, ce sera une forêt mosaïque."

Pierre Bacher, technicien forestier

Des tests tenant compte des évolutions du climat sont également en cours. "On plante des chênes pédonculés et sessiles, des cèdres de l'Atlas, des pins laricio de Corse, avec des clôtures de protection autour, contre les cervidés qui aiment brouter les jeunes pousses."

Insectes, sécheresses, canicules...

Aux ravageurs s'ajoutent aussi les périodes de canicules et des sécheresses à répétition qui durent plus longtemps, autant d'épreuves dont les arbres ne se remettent pas. 

Les signes de leur mort sont faciles à reconnaître : couleur rouille, aiguilles desséchées, écorce qui tombe. Qu'elles soient publiques ou privées, les superficies boisées d'une seule, ou de trop rares essences, sont extrêmement vulnérables face aux ravageurs et au changement climatique en cours.

Le secteur doit se restructurer. Raser pour replanter pareil n'est plus viable. Les professionnels de l'ONF y  travaillent, en recréant des forêts variées, à l'instar de la forêt rhénane, où de nombreuses essences poussent ensemble et se fortifient grâce à leurs forces et faiblesses respectives.

Nous aurons des forêts mosaïques

Le plan relance, au niveau national et le plan rebond au niveau alsacien financent entre soixante et quatre-vingts pourcents des nouvelles plantations et la mise en place de protections par clôture. Le Grand Est finance quant à lui des tests sur de nouvelles essences sur le Welschbruch par exemple, depuis un an et demi.

En fonction de l'évolution naturelle des parcelles et des tests en cours, les nouveaux espaces vont changer de visage. "La forêt sera composée de parcelles diverses, certaines prévues pour l'accueil et l'initiation du public, d'autres pour la production, d'autres pour la biodiversité. La baisse de production à l'hectare a déjà commencé, mais l'idée principale est une prise en compte plus globale des différentes fonctions de la forêt." 

Plus question donc de planter des champs d'arbres, c'est toute la filière de production du bois et d'approche de la forêt qui doit être repensée. 

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