Guerre en Ukraine : les agriculteurs alsaciens dans une situation critique

+140 euros/tonne pour les aliments destinés aux volailles et cochons, + 600 euros/tonne pour les engrains, les agriculteurs alsaciens sont face à une flambée des prix inédite depuis le début de la guerre en Ukraine. Alors que faire ? Augmenter la surface de terres cultivables pour stopper la dépendance ou revoir entièrement le système agricole de notre pays ? Eléments de réponse.

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La famille Schneider, installée à Schwenheim (Bas-Rhin), élève des cochons depuis 1978. Aujourd'hui, c'est le fils Mathieu qui est à la tête de l'élevage et qui tous les jours vient nourrir ses porcelets, truies et cochons fermiers. Des animaux qui, chaque année, consomment 2.000 tonnes de nourriture. 

Ce matin-là nous l'accompagnons nourrir les porcelets. Au menu : 1,5 kilos de mélange de blé, d'orge, de triticale, de tourteaux de soja, de colza et de tournesol. Une alimentation qui a augmenté de 44% en trois mois.

"Le 13 janvier, je payai 321 euros la tonne. Le 25 mars, 380 euros et il y a quelques jours le fournisseur m'indiquait encore une augmentation de 70 euros. Et cela n'est certainement pas terminé" nous explique le jeune éleveur. Pour s'en sortir un minimum il faudrait qu'il gagne 50 cents de plus par kilo de viande vendue. Il faudrait passer 1 euros 50 à 2 euros au moins.

La solution serait peut-être de semer soi-même les céréales, ce que fait déjà en partie Mathieu. Il cultive plus de 50% des apports nécessaires à son élevage sur un peu plus de 100 ha. Mais s'il souhaitait cultiver davantage, il en serait incapable. "L'idéal serait de tout planter ici. Mais c'est impossible de trouver plus de surface. Au contraire, les terres sont grignotées de plus en plus chaque année".

Des prix qui explosent aussi chez les céréaliers. Au Comptoir agricole de Hochfelden (Bas-Rhin) le silo à maïs est encore bien fourni mais les grains ont déjà tous été réservés par diverses entreprises de transformation. "Chaque année l'Europe importe 20 millions de tonnes de maïs des pays de l'Est" explique Marc Moser le président. "Là, 6 millions de tonnes vont manquer pour cette année, une tension qui explique l'envolée globale des prix".

Explosion du prix des semences et des engrais également. "Tout ce dont on a besoin pour planter du maïs a augmenté. Le gasoil, les machines qui ont augmenté de 25% les 6 derniers mois. Et puis le gros problème ce sont les semences et les engrais. L'azote coûtait 330 euros la tonne, il y a 18 mois. Aujourd'hui, nous en sommes à 1250 euros la tonne". Le Comptoir agricole estime le surcoût à 40 millions d'euros.

"Azote qui vient à 50% de Russie et de Biélorussie" poursuit Marc Moser. C'est donc également une question de disponibilité qui se pose. La Russie bloque tous les bateaux chargés de semences et d'engrais et détruit les terres agricoles ukrainiennes où rien ne peut être semé.

Exceptionnellement l'Europe vient d'autoriser la plantation sur les jachères pour cette année. Une bonne chose selon Paul Fritsch. Cet agriculteur et président de la Coordination rurale Grand Est est contre l'importation à outrance. Il estime que nous pourrions diversifier notre production en Alsace, sans augmenter nos surfaces pour sortir du tout maïs et blé. "Il est certain que nous pouvons diversifier nos cultures. Nos terres sont arables et notre climat adapté. Il faut relocaliser les grandes industries et firmes chez nous".

La guerre en Ukraine va-t-elle forcer le monde agricole à revoir les pratiques et visions d'avenir ? Question à laquelle il est difficile de répondre pour le moment. Une chose est certaine le consommateur va encore voir les prix augmenter et les agriculteurs, eux, ne seront pas indemnisés au juste prix car ce sont toujours les mêmes qui s'enrichissent.

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