Habiter autrement : 20 ans d'éco-rénovation dans le Parc régional des Vosges du Nord

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L'ancien pigeonnier sert aujourd'hui de logement à Jean-Marc Muller (à gauche)
Sujet Rund Um en alsacien sous-titré ©France Télévisions

Depuis deux décennies, le Parc régional des Vosges du Nord aide les propriétaires et les communes à restaurer le bâti ancien. Et ce week-end, 35 chantiers ou anciens chantiers de réhabilitation ouvrent leurs portes au public.

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Vous êtes propriétaire d'une maison à colombages mal isolée ? Vous avez sur votre terrain une ancienne grange dont vous ne savez que faire ? Vous rêvez de restaurer une vieille baraque coup de cœur, mais ne savez pas par où commencer, et où trouver des subventions ?

Si votre village, ou la communauté de communes dont il fait partie, est situé dans le Parc des Vosges du Nord, vous savez où vous adresser. Depuis vingt ans, une équipe du Parc est prête à vous accompagner gratuitement tout au long de votre projet, vous informer, vous conseiller, et bien plus.

Au fil des ans, la prise de conscience écologique, et la volonté d'utiliser des matériaux naturels plus respectueux du colombage et des vieilles pierres, a également fait du chemin. Et pour fêter dignement cet anniversaire, tout ce week-end, 35 de ces chantiers, déjà achevés ou encore en cours, ouvrent leurs portes au public.  

Une ancienne ferme sauvée de la destruction

Voici quelques années, quand Jean-Marc Muller a racheté cet ancien corps de ferme de Hunspach (Bas-Rhin), certaines parties en colombages menaçaient ruine. En particulier l'ancien pigeonnier ("Düüweschlàà"), sur le point de s'effondrer. "Il a fallu le démonter entièrement, remplacer certaines poutres et remonter le tout" se souvient le propriétaire. Remettre du torchis, et ajouter des fenêtres."

Aujourd'hui, c'est devenu son lieu de vie. Un appartement tout en longueur, "de 2,30 mètres de large sur 13 mètres de long", comprenant une chambre à coucher et un salon ouvert sur une minuscule cuisine, où chaque recoin est optimisé.

"J'ai fait beaucoup moi-même, raconte Jean-Marc Muller. Mon père était maçon, je connaissais certaines techniques, mais de loin pas tout. J'avais besoin d'apprendre à travailler la chaux, rénover du colombage et faire du torchis. Et pour tout cela, le Parc propose des formations, c'est très intéressant."

Dans les autres parties de sa ferme, également restaurées, il a aménagé plusieurs logements à loyer social, et a donc pu bénéficier de subventions de l'ANAH (Agence nationale de l'habitat) pour mener ses travaux à terme. "Chercher de l'argent n'est pas toujours simple, reconnaît-il, des travaux, c'est toujours de grosses dépenses." Raison pour laquelle le Parc peut aussi aider les particuliers à faire le montage financier, et remplir les dossiers de demandes de subventions auprès de diverses instances.

Aujourd'hui, Jean-Marc Muller est fier du chemin parcouru. "J'aurais pu arracher les parties délabrées, mais je m'y refusais, explique-t-il. Il fallait préserver l'intégralité du bâtiment, respecter la mémoire de cette ferme. C'est vraiment important. Surtout qu'avec ces anciennes maisons à ossature bois, on peut parfaitement préserver l'aspect extérieur, tout en faisant ce qu'on veut à l'intérieur."

Habiter autrement

Un message que le Parc martèle depuis des années, en incitant les personnes vivant sur son territoire à "habiter autrement". Il rappelle qu'une maison ancienne, bien rénovée et bien isolée, peut offrir tout le confort nécessaire avec, en sus, cette originalité et ce "petit plus" introuvables dans un bâtiment contemporain.

"Le Parc a développé de nouveaux modèles de logements, explique Nathalie Marajo-Guthmuller, la présidente du Parc. La beauté et la qualité de nos anciennes maisons, on veut absolument les protéger. Elles font partie de nos paysages et de notre patrimoine.

Or, beaucoup d'habitations sont vides, et 30% des maisons du Parc sont anciennes, et mal isolées. Les rénover est donc absolument essentiel. Car d'une part, on souhaite que les habitants dépensent le moins possible pour l'énergie. Et d'autre part, lutter contre l'artificialisation des sols est aussi un enjeu important pour nous."

"Pour ce faire, nous avons deux architectes-conseil qui se déplacent gratuitement sur les chantiers, précise Bertrand Wahl, vice-président du Parc en charge de l'aménagement durable et l'éco-rénovation. Durant ces 20 ans, on a pu donner 4 000 conseils à des propriétaires privés et des communes. Et depuis le covid, tout s'est accéléré. Nous sommes sollicités pour environ 300 chantiers par an."

Outre les formations thématiques d'une journée pour les particuliers qui veulent s'initier à certaines techniques, le Parc propose aussi des formations valorisantes pour les professionnels, les architectes et les maîtres d'œuvre. "On travaille pour cela avec l'école d'ingénieurs à Strasbourg", explique Bertrand Wahl, et ces formations, payantes, débouchent sur un certificat d'éco-rénovation. "En vingt ans, nous avons ainsi 50 entreprises professionnelles qui l'ont fait, et ont signé une charte d'éco-rénovation", se réjouit-il.

Des professionnels spécialisés dans la rénovation

Car pour tout propriétaire qui n'a pas le temps ou l'envie de tout faire lui-même, le Parc tient à disposition une liste de professionnels spécialisés dans la restauration de l'ancien. "Chaque artisan n'a pas l'habitude de faire ça, confirme Jean-Marc Muller, très satisfait du charpentier avec lequel il a pu collaborer. "Il est important de trouver la bonne personne, pour que ça marche."

Dans cette liste de professionnels on trouve le nom de Samuel Heinrich, un jeune éco-conseiller en auto-réhabilitation. Il vient de restaurer pour son propre usage une ancienne grange à Hoelschloch (Merkwiller-Pechelbronn), en y appliquant les différentes techniques et les matériaux qu'il peut conseiller à ses clients. "Dans un premier temps, je fais un diagnostic pour déterminer ce qui est faisable, précise-t-il. En rénovation, l'idée est de s'adapter au bâtiment, pas de venir avec une formule toute prête."

Mais il ne déroge pas à un principe fondamental : laisser respirer le bâtiment. Car "dans l'ancien, une problématique primordiale est la migration de la vapeur d'eau. Il ne faut donc surtout pas étouffer la maison sous certains matériaux", comme des plaques isolantes, du polystyrène, ou ces couches de crépi appliquées de haut en bas dans les années 1970, et qui ont littéralement fait se déliter les sablières, les bases de grès.

Sur des murs intérieurs, pour recouvrir un isolant naturel du type laine de chanvre, en lieu et place des classiques plaques de placoplâtre, Samuel Heinrich préconise des panneaux faits de tiges de roseaux. Un matériau également adapté aux murs extérieurs, mais en plus grande épaisseur. "Le roseau est un bon support d'enduit, et un bon isolant avec un bon bilan carbone, liste-t-il. Sa particularité par rapport aux autres fibres végétales, c'est sa résistance élevée à l'humidité."

D'ailleurs, nos aïeux l'employaient déjà fréquemment. "Quand on rénove un vieux bâtiment, on retrouve toujours du roseau, assure-t-il. Cette technique a toujours été utilisée, surtout pour les plafonds. On n'invente rien, sauf de les préparer aujourd'hui sous forme de panneaux, alors que les anciens les prenaient tels quels."

Par-dessus, on applique ensuite quelques centimètres de terre humide, qu'il faut laisser sécher, puis un enduit de finition à base d'argile. "La terre est un matériau oublié, mais pour moi, c'est la base de la rénovation, sourit Samuel Heinrich. Elle permet d'amener de la masse dans le bâtiment, et de gérer l'humidité résiduelle pour que les autres matériaux puissent mieux vieillir."

Une variante, plus onéreuse et limitée aux murs intérieurs, est d'utiliser des panneaux de terre compressée, déjà sèche, à recouvrir d'une finition de terre ou de chaux.

La maison des grands-parents retrouve vie

A Eschbach, un jeune couple, Nicolas et Mélanie Ott, s'est lancé depuis janvier 2022 dans un immense chantier destiné à redonner vie à la vieille maison familiale. Ce petit bâtiment à colombages du milieu du 19e siècle était dans un sale état. "A l'intérieur, tout avait été fermé par de l'isorel, et à l'extérieur, on avait longtemps "nochgepfüscht" (bricolé en bâclant)" reconnaît Jean-Louis Ott, le père de Nicolas. 

"Au départ, on en savait pas par où commencer, raconte ce dernier. Donc on a cherché sur internet qui pourrait nous aider à réfléchir. Et on a trouvé le Parc et l'Asma " (association de sauvegarde de la maison alsacienne).

Le couple a participé à plusieurs des stages proposés par le Parc, "pour la maçonnerie, le grès ancien et le béton de chanvre. Ça permet d'expérimenter, et de voir comment ça fonctionne, détaille Nicolas Ott. Ensuite tu rentres chez toi pour tester. Tu fais des erreurs, mais peu à peu, tu t'améliores."

Ils ont entièrement démonté et remonté l'avancée du 1er étage, et remplacé les inesthétiques poteaux de brique qui la soutenaient par d'élégantes poutres de bois. Ils ont totalement dégarni les espaces entre les colombages, pour refaire à neuf les treillis de bois. "Mais on a pu réutiliser l'ancien torchis, vieux de 200 ans, se réjouit Mélanie Ott. Il a juste fallu le réhumidifier, et le malaxer" dans un ancien pétrin de boulanger qui trône toujours dans la cour. Et pour le remettre en place, "on a organisé un chantier de torchis avec les amis et la famille. Le plus jeune avait 6 ans, et l'aînée, ma 'Mamama', ma grand-mère, en avait 85. On a pu travailler tous ensemble."

Le couple reste émerveillé par cette entraide, qu'il a d'ailleurs vécue à de nombreuses reprises, et pas qu'avec des proches. Car de nombreuses personnes, rencontrées lors des ateliers organisés par le Parc, sont venues leur donner divers coups de main.  

"Grâce au Parc, on a constitué un précieux réseau d'entraide, confirme Nicolas Ott. La mise en œuvre de ce genre de techniques n'est pas si fréquente. Des gens sont donc venus voir et aider, pour quelques heures ou une journée. Et ils sont repartis avec de nouvelles connaissances. C'est du don contre don."

Le toit et les murs de l'ancienne maison, joliment recouverts d'une finition de chaux et de sable, sont aujourd'hui achevés. Les enduits intérieurs aussi sont terminés, mais il reste encore beaucoup à faire.

Actuellement, le couple est en train d'isoler l'extension, construite à l'arrière de la maison. Le bois de son ossature provient de Lembach (Bas-Rhin), et la paille pour l'isolation de Still (Bas-Rhin). Du matériau acheté à moins d'une heure de route. Sans conteste, du circuit court. "Là on réalise le mortier qui va par-dessus la paille, précise Mélanie Ott. Il faut toujours attendre que ça sèche, mais on prend le temps nécessaire."

Au quotidien, Jean-Louis Ott, aide autant qu'il peut. "J'ai du plaisir, j'ai appris des techniques anciennes dont j'ignorais tout", reconnaît-il. Mais il est surtout très ému de voir sa maison d'enfance ressusciter peu à peu, et d'une aussi jolie manière. "Je n'y croyais pas, avoue-t-il. Je me disais que ça n'en valait plus la peine. Nicolas a transformé cette maison que je pensais irrécupérable. Je n'imaginais même pas qu'elle pouvait être sauvée."

Désormais, le premier objectif du couple est de pouvoir fêter Noël dans son nouveau 'home sweet home'. Le second sera d'organiser une grande fête pour tous ceux qui les ont aidés et soutenus. "D'abord il faudra qu'on dorme, précise Nicolas Ott. On est un peu fatigués. Mais après, la moindre des choses sera d'en aider et d'en conseiller d'autres. Pour rendre un peu à la communauté tout ce qu'on a reçu. C'est important."

En attendant, la famille Ott participera activement au week-end portes-ouvertes organisé par le Parc régional des Vosges du Nord dès ce jeudi 20 juin 2024 pour fêter ces 20 premières années d'éco-rénovation. Leur maison sera ouverte au public samedi 22 juin 2024 de 10h à 18h.

A Hoelschloch, la grange de Samuel Heinrich sera visitable dimanche 23 juin dès 10h30. Et à Hunspach, où diverses animations seront proposées par ailleurs, Jean-Marc Muller accueillera le public samedi et dimanche.

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